L’édito de Taoufik Habaieb: Réduire les incertitudes
L’imprévisible l’emporte, perturbant la vie des Tunisiens. A chaque jour son lot de pénuries, d’augmentations de prix, de nouvelles taxes et de rebondissements politiques. Plus rien n’est sûr. Tout est sujet à changement, sans préavis.
Partout règne l’incertitude. Si elle n’est pas spécifique à la Tunisie, elle est palpable dans notre environnement avec des répercussions plus fortes en raison du contexte politique particulier. La verticalité du pouvoir et la concentration de toutes les attributions entre les mains du chef de l’Etat laissent planer un climat d’attentisme. Personne ne sait aujourd’hui ce qui se décidera le lendemain.
L’ambiguïté ne profite à personne. Frein à la prise de décision pour l’investissement et pour l’entreprise, elle est aussi un motif d’inquiétude pour les ménages et source d’angoisse pour tous. Naviguer à vue, au jour le jour, devient pénible et pénalisant.
Le poids de l’incertitude politique est bien lourd à porter. L’espoir de retrouver un pouvoir législatif effectif, à la faveur des élections du 17 décembre 2022, attend concrétisation. Quels élus sortiront des urnes pour former une nouvelle Assemblée des représentants du peuple à même de jouer pleinement un rôle déterminant dans la fabrication des lois ? Quels résultats probants apporteront les modifications de la Constitution quant aux attributions du Parlement et de la loi électorale en instituant un mode de scrutin uninominal, et des circonscriptions réduites aux délégations territoriales ? Qu’en sera-t-il aussi de la formation du nouveau gouvernement ?
Sans clarification et stabilité, la vulnérabilité économique s’aggrave. Face au doute, l’attentisme prévaut. Comment rassurer les chefs d’entreprise, attirer les investisseurs, promouvoir de nouvelles filières, sans garanties réelles, ne serait-ce qu’à moyen terme ?
Tracer un avenir commun est nécessaire. Il redonne confiance, réduit la migration et renforce l’unité nationale. Seul un projet national mobilisateur aidera à supporter les sacrifices à consentir en vue de lendemains meilleurs.
Il n’y a pas que de grandes réformes à mener. De nombreuses mesures effectives de redressement, de relance et d’encouragement sont urgentes, sans être nécessairement coûteuses. Dans chaque secteur économique, le diagnostic est établi et les solutions ont été trouvées. La liste des blocages est identifiée, il suffit de les démanteler avec courage, détermination et célérité.
Le gouvernement tarde à présenter son programme pour 2023 et son plan 2023-2025. Braqué sur la démarche présentée au FMI, il n’a pas encore révélé l’axe central et les projets détaillés retenus. La clarification de la vision et la précision des actions contribueront, avec une communication gouvernementale soutenue, à réduire l’ambiguïté régnante.
Le budget de l’Etat pour 2023 ne sera pas facile à boucler. Les financements extérieurs, indispensables, se font rares, longs à mobiliser. Les crédits qui sont inscrits au titre du développement se réduisent d’année en année pour ne financer que de maigres projets publics. Or, sans investissement public, du moins conséquent, l’économie restera dépendante de l’investissement privé déjà réduit, et continuera à tourner au ralenti. La sortie de crise en pâtira.
En parler aux Tunisiens, en parler au monde. Nul ne se doute des difficultés multiples et graves qu’affronte le pays. Les Tunisiens eux-mêmes le vivent au quotidien. La communauté internationale et les institutions financières le relèvent. Ce qu’ils attendent tous, ce sont des clarifications à fournir par le gouvernement, des choix clairs et priorisés, un plan effectif de redressement, et une volonté déterminée. Bref, un discours cohérent et des preuves d’engagement durable.
Réduire les incertitudes s’érige en impératif majeur pour le président Saïed et son gouvernement. Pour débloquer le pays et créer de l’espoir.
Taoufik Habaieb