Taoufik Ben Othman: Une gloire du foot tunisien
A l’heure de la Coupe du monde Fifa 2022 à Doha, un hommage ponctué mérite d’être rendu à un illustre joueur, puis entraîneur national, Taoufik Ben Othman. Après Agrebi et Chétali, Mohamed Kilani lui consacre un ouvrage digne de ses prouesses. Une initiative qu’il justifie par un argument solide : sans Taoufik Ben Othman, l’épopée argentine n’aurait pas été si évidente. Une manière implicite de rendre à Taoufik sa part de mérite que les joueurs eux-mêmes reconnaissent sans hésitation.
Intitulé Taoufik Ben Othman, une trajectoire, une résonnance, une empreinte, l’ouvrage revient sur près de 100 pages, avec force photos, sur une carrière footballistique des plus réussies. On retrouve Ben Othman taper dans le ballon rond à La Marsa, rejoindre son club fétiche, l’Avenir Sportif de La Marsa (ASM), conquérir sa place au sein de l’équipe nationale, partir en Algérie pour une saison, avant de retrouver ses coéquipiers. Sa carrière d’entraîneur sera fulgurante…
Taoufik Ben Othman, une trajectoire, une résonnance, une empreinte
De Mohamed Kilani
Imp. Simpact, 2022, 50 DT
Bonnes feuilles
(…) Joueur, il a été l’homme qui a permis à l’Avenir Musulman, futur Avenir Sportif de La Marsa (ASM), de se frayer un chemin parmi l’élite et de s’imposer peu après son accession en 1959 comme un compétiteur respectable et respecté. Son intégration de la sélection alors qu’il opérait en deuxième division est un indicateur de sa précocité et de son aptitude à fréquenter à plein titre l’élite footballistique, laquelle ne manquait point de talents et de compétiteurs de valeur.
Devenu entraîneur-joueur, Taoufik s’est monté digne de la confiance de ses dirigeants, ce qui a constitué son premier examen de passage. Sur cette rampe de lancement, le technicien a pris son envol pour durer dans le circuit ; de manière certes irrégulière et avec des fortunes diverses, mais avec la même détermination à remplir sa mission, à honorer son contrat et à se soucier de son image. Les performances étant proportionnelles aux conditions de travail, Taoufik peut se targuer d’avoir apporté le meilleur de lui-même même quand les moyens manquaient à répondre à l’ambition d’un club ou de la sélection, ou à lui étoffer un palmarès à la mesure de son mérite.
Naturellement, la saga de 1978 restera pour lui la consécration la plus marquante puisque tous ceux qui ont été témoins de la trajectoire de la sélection d’alors, qu’ils soient dirigeants, joueurs ou observateurs, s’entendent sur le rôle de Taoufik en tant que compagnon, complice et collaborateur de Chétali. Faisant partie d’un tandem qui n’a pas eu son équivalent, Taoufik a œuvré de toutes ses forces pour la réussite de l’équipe de Tunisie dès les éliminatoires jusqu’au tournoi final de la Coupe du monde, pour jouir ensuite des fruits d’une expédition demeurée une phase marquante du football tunisien. Il a dans son palmarès personnel une très belle qualification aux Jeux Olympiques de 1988 sans qu’il goûte aux plaisirs du tournoi final à Séoul, sans qu’il en tire une quelconque résolution de rupture.
(…) Mais avant le match Maroc-Tunisie, le staff technique rencontre une difficulté inattendue, susceptible de déconcentrer les joueurs : la question du capitanat, Témime ayant revendiqué le brassard malgré le retour d’Attouga. Et c’est Taoufik Ben Othman, conscient de l’ego de chaque joueur, qui souffle à Chétali un argument de taille : «Je préfère que nous soyons sabotés par Témime que par Attouga en cas de mécontentement.» Le capitanat revient donc à Attouga qui sortira un match héroïque.
Une difficulté surgit toutefois après le match amical Tunisie-Hollande, le 5 avril 1978, perdu à El Menzah par 4-0 : Attouga n’est plus le même gardien de buts des éliminatoires, ses hésitations sur les balles hautes constituant un motif d’inquiétude. Le staff technique est préoccupé et doit trouver la solution de rechange. C’est Taoufik qui suggère Mokhtar Naïli à Chétali, lequel ne cache pas son étonnement. Taoufik argumente : «Naïli est encore jeune -25 ans- et athlétiquement solide ; au CA, il a contraint Attouga au banc des remplaçants, et sa convocation peut nous dispenser de la grogne du public clubiste.» Chétali est séduit par la perspicacité de son partenaire, se souvenant alors du rôle de Naïli, six ans plus tôt en Coupe de Tunisie en demi-finale face à l’Etoile. Les deux mois de préparation autorisent néanmoins l’expérimentation. C’est ainsi que le joueur intègre la sélection sans difficulté et se montre à la hauteur de la confiance de Taoufik.
(…) A La Marsa, Taoufik Ben Othman constitue l’emblème du club. Né la même année que la création de l’Avenir Musulman, il s’est investi sa carrière durant pour servir et honorer son club, sa seconde famille. Joueur passionné, alliant puissance et rigueur, doté du sens du commandement, il a permis à l’Avenir Musulman, puis l’Avenir Sportif de La Marsa, de se frayer un chemin parmi l’élite en un temps record. Son apport est reconnu par tous et sa promotion comme capitaine à vingt-deux ans est la meilleure illustration de son leadership et de son rayonnement. Promu international alors qu’il évoluait en seconde division, il a confirmé son statut et accompli une brillante carrière avec la sélection. Devenu entraîneur national adjoint avec André Nagy, en 1974, confirmé en 1975, il vit avec son compère Chétali une épopée en 1978 demeurée vivace chez lui comme chez tous les amateurs du football. Reconnu par Chétali comme un joueur très efficace de l’entrejeu au sein de la sélection des années 1959-64, et comme un collaborateur expérimenté, loyal et fidèle doublé de meneur d’hommes, Taoufik a bien mérité et justifié l’auréole de l’épopée argentine demeurée un marqueur du football tunisien.
Sa longévité sportive étant unique, il est le seul Tunisien, à 83 ans, à demeurer dans le circuit. Une reconnaissance empreinte d’admiration pour celui que plusieurs générations de Marsois et de Tunisiens de tous bords considèrent comme l’une des figures marquantes du football tunisien.