Le tome II de Mélanges d’histoire ancienne: Le nouveau livre du professeur Ammar Mahjoubi
Professeur émérite (Université de Tunis), membre actif de l’Académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts Beït al-Hikma, et ancien directeur de l’Ecole normale supérieure de Tunis, Ammar Mahjoubi publie le tome II de sa série Mélanges d’histoire ancienne. Reprenant 35 articles parus sur Leaders Magazine, il les a répartis en trois rubriques : Rome et ses provinces africaines, le «fait religieux» et réflexion et questions diverses. Dans son introduction, le Pr Mahjoubi écrit :
Dans ce deuxième volume des Mélanges d’Histoire ancienne, Rome et ses provinces africaines s’adjugent la part principale, que la première livraison avait réservée à l’Etat carthaginois. Les autres articles sont répartis entre la rubrique des «Réflexions et questions diverses» et celle du «Fait religieux». Parues mensuellement dans un magazine forcément plongé dans l’actualité, ces chroniques historiques ont, parfois, pris en considération les préoccupations du moment dans le choix des sujets et cédé à la tentation de les confronter aux enjeux d’un passé lointain ; avec, cependant, la volonté constante de communiquer des connaissances souvent confinées dans les cénacles des universités, et le souci de traquer les erreurs fréquemment répandues et les confusions communément admises. Méconnaissances et méprises qui, maintes fois, sont les séquelles soit d’un ostracisme outrancier, soit d’une confiscation de notre passé antique, victime en même temps d’une historiographie traditionnelle, qui l’avait rejeté et discrédité, et d’une utopie de l’époque coloniale qui s’était efforcée de le soustraire à l’histoire des colonisés pour le rattacher à celle des colonisateurs.
Pour les vénérables cheikhs de la Zitouna, qui dispensaient aux Sadikiens d’antan les cours d’Histoire musulmane, le raid (la «razoua») des «Sept Abdallah», à l’aube de la conquête arabe, annonçait le commencement de l’Histoire, dans un Maghreb qui, auparavant, avait des siècles durant enduré l’ignorance et l’obscurantisme de la «Jahilia». Mais à l’opposé, à l’époque du colonialisme triomphant, hommes politiques et nombre d’historiens et d’archéologues n’avaient pas tari d’éloges, décernés à l’œuvre de Rome dans ses provinces africaines. Tout en exaltant son action, les apologètes y voyaient un prélude de la tâche à laquelle le colonisateur moderne, héritier légitime autoproclamé du colon romain devait désormais s’atteler. «Nous devons continuer une grande œuvre de civilisation interrompue pendant des siècles !» s’écriait un historien en France, lors d’un congrès des Sociétés savantes.
Initiées par les militaires dès les débuts de la domination coloniale, les explorations archéologiques, les déblaiements et les fouilles allaient bon train ; mais pour accéder au niveau des vestiges romains on n’hésitait pas à détruire les remblais qui les couvraient et à faire disparaitre leur apport historique. Le but était soit d’exhumer les ruines imposantes des monuments publics autour des forums, soit d’extraire les plus belles et les plus remarquables, parmi les mosaïques qui paraient les sols des riches et spacieuses demeures. Le sort des strates archéologiques les plus anciennes, qui documentent les premières étapes de l’histoire urbaine n’était pas meilleur. Négligées et le plus souvent ignorées, les empreintes qu’y avaient laissées l’Etat carthaginois et les royaumes numides, dans les cités fondées bien avant la conquête romaine, n’étaient pas jugées, sauf exception, dignes de l’intérêt des fouilleurs. A l’instar de cet ancien directeur des Antiquités qui, à la veille de l’indépendance, déclarait qu’il «n’éprouvait (à leur égard) aucune empathie», les archéologues professionnels ou amateurs de l’époque coloniale n’avaient d’yeux, sauf exception, que pour l’époque romaine.
Primordiale certes est l’époque romaine dans les temps anciens de notre histoire, comme en témoignent éloquemment encore ses innombrables et imposantes ruines ; et tout en palliant sa méconnaissance et son dénigrement par l’historiographie traditionnelle, les travaux remarquables accomplis depuis le milieu du XXe siècle l’ont incontestablement éclairée. Ce qui ne justifie nullement la négligence et le «manque d’empathie» pour Carthage et son empreinte orientale méjugées et souvent délaissées par le romano-centrisme de l’historiographie occidentale. Une large place a ainsi été réservée à l’époque punique comme à celles des rois numides et des grands empires du Proche Orient antique, dans la première livraison de ces «Mélanges»; avec, dans les deux volumes, un intérêt soutenu pour le «Fait religieux» que l’histoire immédiate n’a cessé d’imposer par son obsédante fixation sur les mouvements islamistes.
Mélanges d’histoire ancienne – Tome II
De Ammar Mahjoubi
Editions Leaders, 2023, 278 pages, 32DT
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