News - 20.01.2023

Une apocalypse claire et nette frappe Israël**

Une apocalypse claire et nette frappe Israël**

«Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu» Bertolt Brecht

La Cour Suprême israélienne a demandé le 18 janvier 2023 au chef du gouvernement installé en décembre dernier, Benyamin Netanyahou, de limoger Arié Déri de son poste de vice-premier ministre, de ministre de l’Intérieur et de ministre de la Santé. Déri est le président du parti ultra-orthodoxe séfarade Shass qui compte 11 députés au Parlement israélien.

Sur les onze membres de la Cour, dix ont voté pour le limogeage de Déri. Ce dernier avait été condamné en 2021 pour fraude fiscale et frappé d’une peine de prison avec sursis. De plus, il avait dit à ses juges qu’il renonçait à toute activité politique pour pouvoir bénéficier d’une peine plus clémente. Il avait déjà fait deux ans de prison pour corruption en 2000.  La Cour a souligné «l’irrationalité » de sa nomination à un poste qui engage les finances publiques et la probité de l’Etat.»

A noter que le Premier Ministre en personne - ainsi que sa femme, Sara - sont poursuivis depuis 2020 pour des affaires de corruption, d’abus de confiance et de malversations. Sous la houlette du Premier Ministre, la Knesset cherche, avec des débats houleux, à se passer de la Cour Suprême sous prétexte de «réformes». La Présidente de cette institution, Esther Hayut, déclare qu’on veut ainsi détruire le système judiciaire dans «un effort conscient pour porter un coup mortel à l’indépendance de la justice et la transformer en une institution silencieuse.»

Dans une lettre adressée à Netanyahou, la Cour Suprême affirme que  «la nomination de Déri est en contradiction flagrante avec le respect des lois et la prééminence du droit ainsi qu’avec l’intégrité et les mains propres qui sont des qualités obligatoires pour occuper des charges officielles; principes qui doivent guider le Premier Ministre dans les attributions de portefeuilles ministériels.» (The New York Times, 18 janvier 2023).

Que devient Israël dans ces conditions, et face au défi lancé par la Cour Suprême à ce gouvernement de fascistes et de racistes ? Que devient Israël si Arié Déri, «Prince des pieux séfarades», est limogé et prive ainsi Netanyahou des précieuses voix des députés Shass ?

Visionnaire, le journaliste et analyste palestinien Elias Zananiri affirme, dans l’article du Jerusalem Post qui suit, qu’Israël va vers l’abîme:

«Je ne veux pas terroriser mes amis israéliens, mais je dois le dire. De notre point de vue, Israël dévale de la colline vers un abîme sans fond.

Il était une fois un lion et trois taureaux, blanc, noir et rouge. Le lion ne pouvait dévorer aucun d’eux tant qu’ils étaient unis. Un jour, il est arrivé à convaincre les taureaux rouge et noir que dévorer le blanc les débarrasseraient de celui qui a une couleur bizarre et leur permettraient de profiter de plus d’espace dans le pré. Les deux taureaux tombèrent d’accord avec le roi de la forêt.

Après avoir mangé le blanc, le lion a répété son manège et mangé le taureau rouge. Peu de temps après, il s’adressa au taureau noir en disant: «Ça y est. C’est ton tour.» Le taureau rouge le regarda droit dans les yeux et dit: «Maintenant, je comprends. On m’a mangé le jour où tu as dévoré le taureau blanc.»

Ce conte métaphorique correspond exactement à l’actuelle Knesset israélienne où le lion d’extrême droite a réussi à dévorer ses ennemis politiques allant des Arabes à gauche aux Israéliens du centre. Maintenant, il se prépare à manger le reste du peuple israélien. Ce qui se passe en Israël devrait effrayer tous les Israéliens. Il s’agit de la prise de contrôle d’un pays qui a survécu à sept décennies de guerres et de conflits, peu importe pourquoi et contre qui il a lancé ces guerres, mais qui a finalement éclaté de l’intérieur.

Israël détruit de l’intérieur ?***

La démocratie à elle seule ne peut pas être autonome. Il ne suffit pas de procéder à des élections pour prouver que vous êtes en faveur de la démocratie. De nombreux cas dans l’histoire - et je ne vais pas les préciser - ont montré comment des leaders ultranationalistes ont été élus démocratiquement et ont ensuite commis des atrocités et des carnages qui ont changé le cours de l’histoire. Ils sont damnés pour toujours. D’autres comme eux devraient toujours être interdits de faire partie  de n’importe quelle constellation de gouvernement, n’importe où et partout, et pas seulement en Israël. Assez, c’est assez.

Un ami israélien m’a demandé après les élections si j’avais peur de la victoire écrasante de la droite extrémiste. « En tant que Palestinien, j’ai répondu : je me fiche de savoir qui les Israéliens élisent pour eux-mêmes autant que j’espère voir un Israélien Charles De Gaulle ou un Frederik Willem de Klerk diriger le gouvernement en Israël. Un leader de ce genre peut venir de la gauche, de la droite ou du centre. Israël peut-il donner naissance à un leader charismatique comme ces deux-là et apporter le salut à notre Moyen-Orient déchiré par le conflit ?

J’entends les paroles de Dorit Beinisch, l’ancienne juge en chef de la Cour Suprême d’Israël, et j’ai peur. Les soi-disant réformes débattues en Israël sur le système judiciaire ne sont pas du tout des réformes. Les réformes indiquent que quelque chose de bon va en sortir. Il n’y a rien de bon dans un système où les bellicistes ont toute liberté d’agir sans le moindre outil juridique pour les restreindre, les freiner et les contrôler.

Mettre fin à l’occupation israélienne des territoires palestiniens et arabes qu’Israël occupe depuis juin 1967 ne sera pas plus difficile pour Israël qu’il ne l’a été pour les Français qui ont mis fin à leur occupation de l’Algérie ou pour les Blancs qui ont mis fin à leur régime d’apartheid en Afrique du Sud.

En Palestine, il y a eu une direction palestinienne qui a toujours combattu pour la solution à deux États, comme stipulé d’ailleurs dans la Proclamation historique de l’indépendance que feu Yasser Arafat a lue à Alger en novembre 1988. Depuis lors, à l’exception de l’assassinat de Yitzhak Rabin et de l’emprisonnement d’Ehud Olmert, Israël n’a jamais eu de dirigeant qui soit aussi attaché à la paix avec les Palestiniens ou à l’héritage de Rabin.

Benjamin Netanyahu s’est toujours vanté d’avoir réussi à détruire le processus d’Oslo. Avec sa nouvelle coalition, il a libéré les fauteurs de guerre pour détruire ce qui restait des accords d’Oslo : une Autorité Palestinienne (AP) assiégée qui s’efforce de survivre quoi qu’il arrive tout en maîtrisant la violence autant que possible et en alertant la communauté internationale que les lois sont violées quotidiennement sous occupation et que le monde doit honorer ses obligations en vertu du droit international.

L’ironie est la réponse d’Israël aux mouvements palestiniens sur la scène internationale. Ils veulent que nous continuions à recevoir des coups sur la tête jour et nuit - ce qui n’a pas cessé depuis 1967 - en priant Dieu dans le même temps de perpétuer la grâce sioniste qui nous est tombée dessus ! Cela est absurde.

Qui a-t-il de bon pour Israël dans la destruction de l’AP ? Quels seraient les avantages pour Israël d’unir tous les Arabes de la Palestine historique contre le régime émergeant de l’apartheid, si ce n’est pour apaiser la cupidité des partis d’extrême droite ?

Je ne veux pas terroriser mes amis israéliens, mais je dois le dire. De notre point de vue, Israël dévale de la colline vers un abîme sans fond. Inciter de plus en plus de Palestiniens, d’Arabes et de musulmans partout dans le monde n’est jamais une recette pour qu’un pays comme Israël survive. Il accélère seulement le voyage vers l’effondrement. Une bombe à retardement fait tic-tac : tic-tac, tic-tac. L’heure apocalyptique vient plus vite que quiconque ne l’attend. »

Conclusion

On notera que ce gouvernement de fascistes pue si fort la haine, le racisme et le refus de l’Autre que les membres de la délégation de sénateurs démocrates et républicains américains en visite en Israël ont refusé, mardi 17 janvier, de rencontrer les ministres suprémacistes Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich.

Pourtant, ces élus américains n’ont rien contre Israël, bien au contraire.  Leur présidente, Jacky Rozen,  a souvent fait passer plusieurs lois au Sénat, en faveur d’Israël.  Rappelons que le maître à penser de Ben-Gvir n’est autre que Meir Kahane, fondateur du parti Kach interdit aux Etats Unis et qui voulait expulser tous les Palestiniens et instituer une théocratie juive pure. Ce dernier, élu député à la Knesset en 1987, a refusé de prêter serment à l’Etat d’Israël pour ne pas perdre sa nationalité américaine car la Constitution des Etats Unis interdit de se plier à une telle prestation de serment sous peine de perdre sa nationalité. (Lire la Presse de Tunisie, 9 juin 1987). 

L’influence d’Israël est-elle en train de pâlir aux Etats Unis ? Voire !

Jeudi 19 janvier 2023 pourtant la célèbre Université Harvard à Boston vient d’accorder une bourse à l’ancien directeur de Human Right Watch, Kenneth Roth, bourse qui lui avait été refusée, l’été dernier pour son soutien à la cause palestinienne. La nouvelle selon laquelle l’université avait alors bloqué cette bourse pour l’ancien chef de Human Rights Watch a suscité un vif débat sur la liberté universitaire et l’influence des donateurs de l’Université aux Etats Unis.

(The New York Times, 19 janvier 2023)
(The Jerusalem Post, 15 janvier 2023).
Traduit de l’anglais par Mohamed Larbi Bouguerra

**Titre de l’article d’Elias Zananiri. Ce dernier est le vice-président du Comité de l’OLP pour l’interaction avec la société israélienne et ancien porte-parole du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Intérieure de l’AP.

***Le sous-titre est du traducteur.