Constitutions, droits et libertés : thème des XIièmes les journées Abdelfattah Amor de droit constitutionnel, ce vendredi 27 janvier
Fidèle à sa tradition, l'Association tunisienne de droit constitutionnel (ATDC) organise, à partir de ce vendredi 27 janvier, les XIèmes journées Abdelfattah Amor de droit constitutionnel. Ces journées auront pour thème cette année : Constitutions, droits et libertés et se tiendront à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
Dans l’argumentaire présenté par Salwa Hamrouni, professeure de droit public à la FSJPST et présidente de l’ATDC, on lit notamment : "Une constitution n'est pas qu'une loi suprême qui organise les pouvoirs publics, elle est aussi et surtout une Charte des droits et libertés.
Depuis toujours, la garantie de ces derniers ne dépend pas de leur seule consécration par le texte constitutionnel mais est également tributaire de la nature des rapports entre les pouvoirs publics constitutionnels. Rappelons que la grande charte de 1215, citée souvent comme l'un des premiers textes garantissant les droits a été adoptée pour limiter les pouvoirs du Roi.
En Tunisie, le Pacte fondamental de 1857 adopté sous le règne de Mhammed Bey ne sort pas de ce souci de limitation du pouvoir: un pouvoir absolu qui est toujours source d'injustice et d'arbitraire. L'affaire Sfez en dit long sur ce sujet. Le texte du Pacte s'ouvre sur l'engagement de la couronne à garantir «une complète sécurité à tous les habitants de la Régence ...quelles que soient leur religion, leur nationalité et leur race. Cette sécurité s'étendra à leur personne respectée, à leurs biens sacrés et à leur réputation honorée».
La constitution de 1861 s'inscrit elle aussi dans cette même veine réformatrice et protectrice des droits. A côté de la réorganisation des pouvoirs: le Bey devant désormais partager ses pouvoirs avec le Grand Conseil au contrôle duquel il devait être soumis, ce texte avait repris les droits et libertés annoncés par le pacte fondamental.
Faut-il rappeler aussi le sort des droits et libertés dans la constitution de la première République annoncée en 1957 et aboutie en 1959.
En effet, si la constitution de 1959 a bien consacré un certain nombre de droits et libertés, il n'en demeure pas moins que la dérive vers le régime autoritaire, la prédominance d'un seul parti, l'absence d'une véritable opposition institutionnelle et l'absence d'une cour constitutionnelle ont fait que la plupart d'entre eux sont restés lettre morte.
Ce rappel de l'histoire est nécessaire pour nous éclairer sur les rapports qu'ont toujours entretenu ces deux objets du droit constitutionnel, que sont l'organisation des pouvoirs et la garantie des droits, objets qui paraissent pourtant quelquefois séparés.
A la suite du basculement qu'a connu le pays en 2011 et sous l'impulsion d'une société civile éveillée et déterminée, le constituant de 2014 a constitutionnalisé les droits des trois générations. Des mécanismes de garantie de ces droits ont été prévus: la protection par la cour constitutionnelle, par les juridictions ordinaires, et par les instances indépendantes.
Le constituant de 2014 a également prévu un régime de limitations des droits et libertés en déterminant les limites des limitations de ces derniers : limitation par la loi, nécessaire dans un Etat démocratique et proportionnelle à l'objectif de la limitation.
Le constituant de 2014 a enfin immunisé les droits et libertés contre les aléas des majorités en posant le principe de la non-régression.
Cette avancée théorique en termes de droits et libertés s'est trouvée rapidement infléchie par L'absence de toute volonté politique de la traduire dans la réalité. Des obstacles ont été fait à l'instauration des mécanismes de garantie des droits, sans compter la volonté délibérée d'affaiblir les mécanismes transitoires comme ce fut le cas pour l'instance provisoire pour le contrôle de la constitutionnalité des projets de lois.
L'adoption d'une nouvelle constitution sous un régime d'état d'exception le 25 juillet 2022 a remis la question des droits et libertés au cœur du débat public.
La réaffirmation des droits, prévus par la constitution détrônée de 2014 l'ajout d'autres, la disparition des instances indépendantes, la renonciation aux principes de la décentralisation, l'affaiblissement de la cour constitutionnelle ainsi que le déséquilibre des pouvoirs au profit de la présidence de la République ne peut que nous interpeller sur l'impact des choix institutionnels sur le sort des droits et libertés aujourd'hui.
C'est à cette question que seront consacrées les Xle journées Abdelfattah Amor de Droit Constitutionnel et qui seront une autre occasion pour réfléchir aux rapports entre l'architecture du pouvoir et la garantie des droits et libertés, à la lumière de l'actualité tunisienne mais aussi des expériences comparées."
Programme
Vendredi 27 janvier 2023
09:00 Ouverture
Neila Chaabane, présidente honorifique de l'ATDC, Doyenne de la FSJPST
Salwa Hamrouni, présidente de l'ATDC Représentant de la fondation Hanns Seidel pour la Tunisie, l'Algérie et la Libye.
Zaid Al Ali, Directeur de programme, IDEA.
09:15 Rapport introductif Slim Laghmani, Professeur à la FSJPST.
Premier thème
La constitutionnalisation progressive des droits (I)
09:45 Aux origines des droits et libertés en Tunisie, Salwa Hamrouni, Professeure à la FSJPST.
10:05 La constitutionnalisation des droits et libertés en droit comparé, Tania Groppi, Professeure à l'Université de Sienne.
10:25 La constitutionnalisation des droits et libertés: L'exemple du Maroc, Abdelhamid Ben Khattab, Association marocaine des sciences politiques.
10:45 Pause café
11:15 Les libertés individuelles, Wahid Ferchichi, Professeur à la FSJPST.
11:35 Les droits économiques et sociaux, Hana Benabda, Enseignante à la FSJEGJ.
11:55 Les droits de solidarité, Sana Ben Noomene, Maitre assistante à la FSJPST.
12:15 Débat
La constitutionnalisation progressive des droits (II)
14:30 Les droits des femmes, Monia Kart, Enseignante à la FSJPST.
14:50 Les droits des enfants, Hatem Kotrane, Professeur à la FSJPST.
15:10 Les droits du contribuable, Neïla Chaabane, Doyenne de la FSJPST.
15:30 Pause café
Deuxième thème
La garantie des droits (I)
16:00 Le rôle des instances internationales dans la garantie des droits, Mariem Agrebi, Maitre assistante à la FSJPST.
16:20 Le rôle des instances indépendantes dans la garantie des droits, Chawki Gaddes, Président de l'INPDP.
16:40 Débat
Samedi 28 janvier 2023
La garantie des droits (II)
09:00 Quelle garantie juridictionnelle des droits en Tunisie: exemple du juge judiciaire, Achraf Mejri, juge judiciaire.
09:20 Quelle garantie juridictionnelle des droits en Tunisie: exemple du juge administratif Hicham Hammi, juge administratif.
Troisième thème
Droits et libertés et rapports entre les pouvoirs
09:40 Régime politique et droit à la participation politique, Salsabil Klibi, Assistante à la FSJPST.
10:00 Régime politique et légitimité démocratique, Abderrazak Mokhtar, Professeur à la Faculté de droit de Sousse.
10:20 Pause café
Quatrième thème
Les limitations aux droits et libertés
10:50 Les limites des limites. Le principe de la proportionnalité dans la jurisprudence de la cour constitutionnelle allemande, Matthias Hartwig, Chercheur au Max Planck Institute.
11:10 Les limitations des droits et libertés entre l'article 49 et l'article 55, Kawthar Debbech, Professeure à la FSJPST.
11:30 Débat