Tunisie-Italie: Endiguer la migration clandestine, renforcer la coopération
C’est un «message positif et global» que le nouveau gouvernement italien présidé par Giorgia Meloni a tenu à adresser à la Tunisie. Deux importantes figures de sa coalition ont été chargées de le porter ensemble, le 18 janvier dernier, à Carthage: le vice-président du Conseil des ministres et ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Antonio Tajani, et le ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi. Cette visite, la première du genre à ce haut niveau depuis le déclenchement de la pandémie de Covid en mars 2020 et l’avènement du gouvernement Meloni, ne manque pas de symbolique.
«L’Italie a voulu rappeler qu’elle inscrit sa relation avec la Tunisie dans un rapport durable et intense, en 360°, et donner un nouvel élan à la coopération bilatérale», explique à Leaders une source romaine. «La question migratoire est certainement importante dans cette relation, mais il n’y a pas que cela. La Tunisie représente beaucoup de choses pour nous. Il n’y a presque pas un seul domaine qui ne bénéficie pas de cette coopération», ajoute-t-elle.
La question migratoire reste incontournable. Les deux émissaires italiens n’ont pas omis de la mentionner lors de leurs entretiens avec le président de la République ainsi qu’avec leurs homologues respectifs. L’Italie n’ignore pas la pression qu’exerce sur la Tunisie, d’une part, une forte demande intérieure d’emplois et, d’autre part, des flux migratoires déferlant à partir de l’Afrique subsaharienne. La conjonction de ces deux facteurs a lourdement attisé une migration clandestine par voie maritime vers l’Italie. C’est ainsi que l’année 2022 a enregistré l’arrivée au sud de ce pays de pas moins de 32 000 migrants clandestins ayant embarqué à partir des rivages de la Tunisie. La part des Tunisiens parmi ces effectifs est de 18 000 personnes, alors que les subsahariens sont au nombre de 14 000. Ces statistiques montrent que la Tunisie n’est pas seulement un pays d’émission, mais aussi de transit, relève-t-on à Rome. Toute la question est de savoir comment réduire au maximum ces flux. Un contrôle plus ferme des départs suffirait-il ?
Un gisement d’emplois en Tunisie même
Rome ne cache pas son embarras. Dans une situation difficile pour tous, la capacité d’emploi et d’intégration de l’Italie est réduite. L’action à mener conjointement doit être alors énergique et sur plusieurs fronts. Il s’agit de renforcer la surveillance côtière, de faire avorter les opérations d’embarquement clandestines et aussi de soutenir la création d’emplois en Tunisie. «Parmi les 900 entreprises italiennes implantées en Tunisie, un grand nombre d’entre elles rencontrent des difficultés à recruter les qualifications professionnelles dont elles ont besoin. C’est un véritable gisement d’emplois, souligne notre source. Des contrats formation-emploi sont envisagés. De nouvelles entreprises comptent s’installer. Un grand forum d’affaires sera organisé cette année dans un format innovant, fondé sur l’efficacité et des résultats concrets. Bref, toute une panoplie d’initiatives.»
Elmed, un projet historique
Au cœur des nouvelles perspectives, le projet phare d’interconnexion électrique méditerranéenne (Elmed). Reliant les réseaux entre les deux rives, par un câble sous-marin à haute tension sur 200 km, il sera stratégique et fort important. La Commission européenne lui a accordé un don de 307,6 millions d’euros auxquels s’ajouteront 270 millions d’euros à fournir par le groupe italien Terna et son partenaire tunisien, la Steg, ainsi que leurs bailleurs de fonds. Les travaux devraient être achevés d’ici à 2028. «C’est un tournant historique, souligne notre source romaine. Il s’agit d’une liaison hautement stratégique qui relie au-delà des deux pays, la Tunisie et l’Italie, deux continents, l’Afrique et l’Europe, portant sur l’énergie électrique et ouvrant de très larges perspectives. D’ores et déjà, la Tunisie peut en tirer un grand bénéfice, à la faveur des différentes phases de sa réalisation».
Les deux ministres italiens dépêchés à Tunis n’ont pas manqué de réitérer à cette occasion le soutien de l’Italie à la Tunisie, que ce soit dans ses démarches auprès du FMI et ses programmes avec l’Union européenne qu’au niveau de la coopération bilatérale. Une attention additionnelle sera portée à la coopération universitaire avec l’octroi d’un plus grand nombre de bourses d’études en Italie, ainsi que l’accès à un enseignement à distance. D’ailleurs, le nombre de visas étudiants s’est élevé à 1 385 au cours de l’année dernière, enregistrant une augmentation de 77% par rapport à 2021.
Sans doute, Rome sera-t-elle attentive aux efforts de la Tunisie pour endiguer les flux de départs clandestins, note un observateur. De meilleurs résultats obtenus l’encourageront à renforcer son soutien. Les temps sont difficiles pour tous. De part et d’autre, il va falloir développer une relation historique et d’avenir.