Financements extérieurs: Ce qu’attendent le FMI et les autres bailleurs de fonds
Stabiliser le pays, restaurer le parlement, fixer les fondamentaux économiques et financiers et lancer les réformes : les bailleurs de fonds internationaux sont unanimes. Il n’y a pas de recette magique pour que la Tunisie se remette de ses crises. De la détermination, de l’effort et de la transparence : avec des signes tangibles, dans une trajectoire irréversible.
L'accord du FMI sera le signal pour les autres bailleurs de fonds et les marchés. Mais, comment y parvenir rapidement? Les autorités tunisiennes sont optimistes.
«Tout repose sur le gap financier nécessaire pour combler les besoins de financement du budget de l’Etat de l’année 2023», confie à Leaders un proche du dossier. Sur les 3,5 à 4 milliards de dollars à trouver, près de 1,8 milliard de dollars reste à identifier, soit quasiment ce qui a été perdu à cause de la pandémie de Covid, ajoute-t-il. «La question que pose le FMI est de savoir où la Tunisie puisera ces ressources. Des pays frères et amis, notamment du Golfe, avaient promis de le fournir dès l’obtention du Staff Level Agreement avec le Fonds. Cette étape cruciale a bien été franchie le 15 octobre dernier. Les promesses n’ont pas encore été concrétisées. En attendant, il fallait alors se tourner vers d’autres sources, notamment parmi les pays membres du G7, en leur demandant d’augmenter leurs mises déjà annoncées. C’est en bonne voie».
L’agenda politique sera déterminant
«Une fois ce financement additionnel assuré, ajoute notre source, le dossier complet sera adressé au FMI. La Tunisie pousse pour obtenir une date de passage devant le conseil d’administration. Tout le reste suivra.» La grande inconnue reste cependant l’agenda politique dans le pays. D’abord, en termes de stabilisation et de gouvernance et, ensuite, en termes de réalisation des réformes. La revue périodique de la mise en œuvre du plan présenté par le gouvernement au FMI sera en effet déterminante non seulement pour les décaissements auprès du Fonds, mais aussi auprès des autres financiers extérieurs.
L’année 2023 s’annonce cruciale. Si elle passe sans fortes turbulences et selon les engagements réciproques annoncés, les deux années suivantes couleront plus facilement, estime un expert interrogé par Leaders. De nombreux investisseurs étrangers sont intéressés par la reprise en Tunisie, mais attendent la stabilisation et la reprise. Il faut dire que malgré une conjoncture extrêmement difficile, la Tunisie a été résiliente durant les trois dernières années. L’année 2022 aura été une année exceptionnellement compliquée. Mais, tant bien que mal, elle aura finalement été gérée. Une légère reprise des échanges commerciaux avec la Libye et l’Algérie, ainsi que du tourisme et des exportations de phosphate y ont contribué. La croissance a pu atteindre 2.4%, bien que ce soit insuffisant pour la création d’emplois au niveau escompté. Le dinar reste encore stable. Lié aux financements extérieurs, le compte capital de la Tunisie peut s’inscrire dans le bon sens, une fois l’accord avec le FMI et les autres bailleurs de fonds bouclé.
Les enseignements de Davos
La participation au Forum économique de Davos, mi-janvier dernier, aura été utile, affirme une source proche de la Kasbah. L’objectif était double : d’abord montrer que la Tunisie est présente, en expliquant sa résilience et en présentant la matrice de ses réformes. Ensuite, prospecter des financements additionnels. Trois jours durant, la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, accompagnée de la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, et du gouverneur de la Banque centrale, Marouen El Abassi, ont enchaîné les entretiens. S’ils n’en ont pas livré les résultats, ils affichent satisfaction et optimisme.
Parmi les grands enseignements tirés de Davos cette année, c’est, d’une part, l’obsolescence des vieilles pratiques économiques et financières adoptées jusque-là par des institutions financières et de grands pays donateurs. Et, de l’autre, la montée du mécontentement de nombreux pays du Sud. La gestion des vaccins lors de la pandémie de Covid a mis à nu les inégalités, l’égoïsme et l’hégémonie des superpuissances. La guerre en Ukraine, cristallisant un affrontement avec l’Europe et surtout les Etats-Unis d’Amérique, est fortement pénalisante pour les autres pays, comme ceux d’Afrique. Davos a été l’écho feutré de pressantes demandes de revoir les stratégies et de concevoir de nouveaux outils et mécanismes de financement et de soutien. La Tunisie s’y inscrit, avec l’espoir d’en tirer bénéfice.