Le savoir-faire arianais: La distillation des roses à parfum (Album photos)
Par Aïssa Baccouche - L’Ariana est une ville de roses. Des roses à parfum. Celles-ci avaient été rapportées par les premiers morisques, qui émigrèrent – de force – de la péninsule ibérique vers les rivages de la méditerranée.
A l’Ariana, comme à Kalaat-el Andalous – fort andalou – tout proche, ils s’évertuèrent à perpétuer leurs traditions culturales. L’art floral faisait partie de la panoplie de leurs savoir-faire ancestraux.
Sur le sol arianais, les boutures florales ont bien pris racine.
Le climat aidant, un air pur, des oueds qui serpentent à travers les collines jusqu’au plan d’eau de la Sebkha – un lac salé – contigüe à la mer, des plaines à Djaffar, et des vergers à la Soukra, autant de marqueurs qui ont fait de l’Ariana une cité fleurie de renom.
Des roseraies éclosent aux alentours du vieux village où émergeait encore, il y quelques années, une des colonnes du fameux aqueduc construit à l’instigation de l’empereur romain Hadrien au deuxième siècle de notre ère.
La tour des cigognes, ainsi dénommée par les arianais de souche, a longtemps résisté à l’usure du temps. En revanche, elle n’a pas résisté aux outrages des hommes puisqu’elle vient d’être soustraite à la vue des passants du fait de son intégration pure et simple par l’une de nos concitoyennes décidemment peu férue d’Histoire!
Le paysage arianais s’en est bien ressenti. Le sort de plusieurs legs des temps mémoriaux n’a pas être plus heureux. Le tricotage des bonnets de laine (chéchia) dont l’Ariana se targuait d’être la principale plate-forme de production a bel et bien vécu.
Seule d’entre tous les «fondamentaux» de la vie arianaise, la rose que nous avions apprivoisée en 1982 en incitant, en notre qualité de maire (1980-1985), à la célébrer annuellement dans le cadre d’une fête populaire, cette fleur, sacrée reine parmi ses semblables, constitue de nos jours l’alpha et l’oméga du patrimoine local.
Les arianaises n’ont jamais désespéré des penchants du genre humain envers le beau à la vue, le doux au toucher et l’élixir à l’odorat.
En se mettant tous les printemps au moment de la cueillette de la rose centifolia à l’œuvre face à leurs alambics, elles perpétuent des traditions séculaires. Les eaux parfumées qu’elles extraient des plantes entassées dans ces ustensiles en zinc leur procurent une joie à la fois sensorielle et mémorielle. A l’Ariana, ce savoir-faire est transmis de génération en génération. La fille reproduit les mêmes gestes effectués par la mère qui n’est plus là physiquement mais qui n’est guère absente.
La distillation de la rose semble être le fil d’attache qui relie les contemporains aux ancêtres. Tant il est vrai que dans notre village transformé, en un laps de temps, en une ville tentaculaire, les morts ne nous ont jamais quittés. Le cimetière, trône aujourd’hui en plein centre de l’Ariana, même s’il a cédé du terrain sur lequel un promoteur, apparemment bien inspiré, a édifié un ensemble immobilier… dénommé: résidence des roses.
Aïssa Baccouche
Ancien maire de l’Ariana
Président fondateur de l’association de sauvegarde de la Medina de l’Ariana