L’ail, un condiment précieux et un médicament efficace (Photos)
Par Ridha Bergaoui - Originaire de l’Asie Centrale et cultivé depuis des millénaires, l’ail (Aliumsativum L.) a rapidement conquis le monde entier. Il est utilisé partout en cuisine comme condiment pour relever le gout des plats. Il est également connu pour ses propriétés diététiques et médicinales et utilisé comme remède à de nombreuses pathologies. De nos jours, l’ail est considéré comme un «alicament», un aliment qui a des effets favorables sur la santé.
La partie comestible de l’ail est essentiellement le bulbe composée de plusieurs gousses ou caïeux. La consommation de jeunes feuilles et même l’inflorescence est également appréciée dans certains pays pour la préparation de certains plats spécifiques.
Dans le commerce, on peut trouver de l’ail surtout sous forme de bulbes secs. On peut également le trouver sous forme de pâte, en poudre déshydraté ou lyophylisé… On peut le retrouver dans des préparations diverses comme l’harissa, des sauces diverses, les charcuteries… Il existe également sous forme de gélules, d’huile essentielle et divers extraits vendus en pharmacie. L’huile d’olive aromatisée à l’ail allie à la fois saveurs agréables et bienfaits santé. On trouve enfin de l’ail noir surtout très utilisé au Japon et en Asie en général. Il s’agit des bulbes d’ail traités dans des étuves à basse température (60°C environ) et à humidité élevée (80-90%) durant 2 à 3 semaines. L’ail noir a une texture fondante sucrée, légèrement sucrée. C’est un produit de luxe qui revient très cher. On en trouve en Tunisie au prix d’environ 20 dinars les 100 grammes.
L’OMS recommande de consommer quotidiennement de l’ail
L’ail contient de nombreux éléments nutritifs comme des protéines et acides aminés, des glucides, des minéraux, des oligoéléments et vitamines (A, B, C, A, E...). Il renferme des antioxydants (flavonoïdes et polyphénols). Il est très utilisé en cuisine pour ses qualités gustatives et aromatiques. Il relève les saveurs et parfume les plats.
La spécificité de l’ail c’est surtout sa richesse en composés soufrés (surtout l’allicine libérée après avoir écrasé les gousses d’ail) qui lui confèrent ses particularités organoleptiques et médicinales. L’ail possède des propriétés prouvées comme : antimicrobien, antitrombique, hypolipemiant, antihyertensif, anti inflammatoire, antifongique, antiseptique…Il ralentit la progression de nombreuses pathologies comme l’athérosclérose, les risques cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète du type 2, l’hypothyroïdie, l’apparition de certaines maladies digestives, divers cancers, les différentes maladies respiratoires hivernales et l’hypersécrétion nasale, contre les parasites intestinaux…
Pour ses bienfaits sur la santé, l’OMS recommande de consommer 1 à 2 gousses d’ail par jour (2 à 5 grammes) pour la bonne santé générale des adultes. Il est recommandé de le manger de préférence cru, écrasé pendant les repas pour ne pas irriter l’estomac. La cuisson lui fait perdre nombreux de ses avantages. L’utiliser avec précaution en application sur la peau pour éviter les brulures ou des réactions allergiques.
Son inconvénient essentiel, c’est l’haleine caractéristique du consommateur d’ail en raison de la dégradation de l’allicine dans l’estomac qui libère des composés soufrés malodorants. Il est possible de masquer cette odeur désagréable en consommant des grains de café, en mâchant du chewing-gum, des bonbons mentholés, du persil…
Utilisation de l’ail en Tunisie
Le Tunisien aime bien les plats biens épicés et bien relevés. La cuisine tunisienne réserve une place importante à l’ail. Il est utilisé comme condiment dans tous les plats autant que le sel et le poivre. La «methawma», préparée aux tripes de veau, à la viande ou à la poulpe selon les régions, est un plat qui comporte, comme son nom le laisse deviner, une quantité importante d’ail. Une bonne harissa maison ou une salade grillée (slataméchouia) doivent comporter une bonne proportion d’ail. La vedette et le plat populaire hivernal est bien sûr le bol d’ail (sahfathoum) concocté à partir d’ail, d’harissa, d’œuf et d’huile d’olive. Un excellent mélange très nutritif destiné à booster notre immunité pour combattre rhume et autres maladies hivernales. Soupe, hsou et autres plats utilisent de grosses quantités d’ail. On l’ajoute même dans le pain pour fabriquer du pain à l’ail. L’ail confit à l’huile d’olive est excellent à consommer en tartine ou pour aromatiser un tas de préparations culinaires (sauces, salades…).
La médecine traditionnelle a également consacré une place importante à l’ail pour soigner de nombreux maux. Ses propriétés antiseptiques, antibiotiques, antifongiques et antiinfectieuses sont bien connues. Il est utilisé dans de nombreuses pathologies comme le diabète, l’hypertension, les pathologies digestives diverses… Les gousses d’ail peuvent être consommées écrasées crues seules ou avec de l’huile d’olive ou du miel pour profiter également des effets bénéfiques de ces aliments naturels. Une ruée vers l’ail a été enregistrée au début de la pandémie covid-19 qui a entrainé une hausse importante du prix pour atteindre parfois les 25 dinars le kilo. Malheureusement, malgré ses bienfaits antimicrobiens reconnus, l’ail s’est révélé inefficace pour combattre ce virus. Des études sérieuses ont montré qu’en absorbant une gousse d’ail/jour, on réduit de 50% au moins les risques de cancer de la prostate, de l’estomac, du colon ou du rectum.
Culture de l’ail en Tunisie
Dans le monde, l’ail occupe près de 1,5 million d’hectares et représente une production moyenne de 29 millions de tonnes/an. La Chine représente le producteur principal de l’ail et le principal pays exportateur (de 75 à 80%). Elle est suivie de loin par l’Inde (4% seulement). Au niveau de l’UE, la production d’ail se situe à près de 250 000 tonnes. L’Espagne produit à elle seule 145 000 tonnes. L’Egypte est également un gros producteur d’ail avec environ 160 000 tonnes/an. L’Algérie en produit 50 000 tonnes et le Maroc 20 000.
Pour la Tunisie, quoique les données sur la culture de l’ail soient rares, on peut estimer toutefois la superficie réservée annuellement à cette culture de 3 000 à 4 000 ha. Compte tenu d’un rendement moyen d’environ 7 tonnes/ha, la production nationale serait de 21 à 28 000 tonnes. Sur Internet, le site https://www.tridge.com/ avance une production nationale de 25 000 tonnes et une importation de 6 000 tonnes. La disponibilité par habitant serait environ de 2,500 kg/tête/an. Les Coréens du Sud sont champions dans la consommation de l’ail. La consommation serait de 7 à 8 kg/personne/an. Les Français consomment seulement 0,8 kg/habitant/an alors que les Américains en consomment 1,5kg/habitant/an.
Le climat Tunisien est favorable et la culture de l’ail remonte à très loin. Béja occupe la première place en matière de culture de l’ail en pluvial. Sidi Bouzid est un pôle important de production de l’ail en irrigué. La culture est facile, toutefois l’ail est exigeant en fertilisants et qualité du sol. Il est également sensible aux mauvaises herbes. Le désherbage manuel ou chimique est nécessaire pour éviter la concurrence et s’assurer une récolte satisfaisante. Le prix des bulbes d’ail varie en fonction des saisons et de la qualité de l’ail. Il peut atteindre 17 dinars le kg en cours d’année pour l’ail rouge de qualité. Au moment de la récole, il est vendu en bottes fraiches à 2 dinars environ le kg.
A côté de la consommation des ménages, certaines industries agroalimentaires utilisent l’ail dans leurs préparations. L’industrie pharmaceutique utilise également une certaine quantité d’ail pour l’élaboration de certains produits (gélules d’ail en poudre, huile essentielle d’ail…). Cette quantité demeure toutefois faible et ne doit pas dépasser au plus les 2 000 tonnes.
La production de l’ail est faite par de petits agriculteurs qui utilisent rarement la mécanisation. L’ail est grand consommateur de main d’œuvre allant du semis jusqu’à la récolte en passant par de nombreux binages et sarclages pour aérer le sol autour de la plante et arracher les mauvaises herbes. La part dans les couts de revient de la main d’œuvre est importante. A côté, le prix des intrants (semences, engrais, désherbants…) ne cesse d’augmenter, surtout avec la dépréciation du dinar. Ces facteurs conduisent à des couts de revient élevés.
Promouvoir la culture de l’ail
Pour ses usages culinaires et ses bienfaits médicaux scientifiquement prouvés, l’ail est un aliment très important et sa consommation tend à augmenter. Il est indispensable de soutenir et d’encourager la production locale d’ail. Il est nécessaire d’interdire et combattre l’importation illégale et même légale de l’ail chinois et imposer, si nécessaire, une taxation douanière conséquente.
Doubler le rendement et atteindre 15 tonnes/ha est réalisable. La mécanisation est également possible et permet de réduire sensiblement les frais de la main d’œuvre. Il est nécessaire soutenir la production locale en:
• Motivant les agriculteurs pour augmenter les surfaces et améliorer les rendements
• Un bon encadrement et de la vulgarisation auprès des agriculteurs en matière de choix variétal, lutte contre les maladies et les ennemis de la culture, la conduite de la culture, les techniques de séchage et de conservation de la récolte…
• Approvisionnement et soutien à l’achat des intrants (semences, engrais, pesticides…)
• Soutien à la commercialisation de la récolte,
• Aider les producteurs à s’organiser en associations et coopératives de services et à travailler mécaniquement la culture.
En été, durant la période de récolte, des camionnettes chargées d’ail sillonnent le pays pour écouler leur produit. Il serait intéressant de créer une petite industrie de séchage, conservation et de conditionnement de l’ail dans des filets de différentes capacités. Ce genre de présentation permet une meilleure valorisation de l’ail, crée de l’emploi et est plus pratique pour le consommateur. Pour l’agriculteur cette industrie permet de vendre plus facilement sa récolte et de ne pas être à la merci des intermédiaires.
La recherche doit également s’impliquer surtout en matière de sélection variétale. En effet, très peu a été fait dans le domaine de l’amélioration végétale de l’ail. Au niveau mondial l’ail intéresse peu les sélectionneurs privés du fait d’une rentabilité très limitée et que la Chine est le plus gros producteur-consommateur. Il est nécessaire de sélectionner des variétés locales saines, productives, résistances aux maladies et parasites et adaptées au stress thermique et au changement climatique.
Il serait intéressant également de créer un label qualité une «Appellation d’origine Contrôlée ou Protégée (AOC/AOP)» par exemple et de célébrer une fête régionale de l’ail (Béja ou Sidi Bouzid) à l’image d’autres cultures comme l’olivier, le grenadier, le cactus…
L’ail est un produit indispensable pour la cuisine. Ses bienfaits sur la santé sont connus depuis longtemps. C’est un produit naturel alternatif aux médicaments couteux. Il est accessible facilement à tous et peu couteux. Soutenir les producteurs, encourager et promouvoir la culture de l’ail a des conséquences bénéfiques sur l’économie nationale, les agriculteurs et le consommateur.
Ridha Bergaoui