Décès de Mohamed Driss : Une légende vivante s’éteint
Il était exceptionnel tout au long de sa vie, brillant, entrepreneur, laborieux, et constamment sur la brèche. Mohamed Driss aura toujours été fidèle aux préceptes de son père Sadok Driss, un grand patriote de Sfax, agriculteur et commerçant, et de son grand-père maternel, Mohamed Elleuch, une illustre figure de la région à qui on doit de grandes réalisations entre écoles primaires franco-arabes, mosquées, bourses d'études, associations théâtrales, clique musicale, club sportif et autres.
Bel homme, la taille élancée, le regard perçant et la réplique prête, Mohamed Driss, était dès sa prime jeunesse très apprécié par ses camarades au lycée de Sfax, mais aussi par ses amis français, italiens, grecs et maltais dont grouillait Sfax à l'époque. Pas une fête, un bal, un anniversaire sans lui, pas une baignade où il n'apportait pas joie de vivre.
Avocat de profession à l’origine, Mohamed Driss cultivera l’héritage de son père, mais construira lui-même l’un des groupes économiques tunisiens les plus performants. Finances (participation significatives au capital de plusieurs banques et autres), hôtellerie (Hôtel le Diplomate à Tunis et Hôtel El Fell à Hammamet), immobilier (de grands immeubles un peu partout, dont l’ancien siège de la Ligue arabe et de la BAD), commerce, distribution, électroménager, agriculture et autres : son champ d’activité est aussi large que diversifié.
L'intelligence vive, juriste chevronné, fin négociateur, investisseur avisé, commerçant dans l’âme, agriculteur passionné et la grande éloquence : Mohamed Driss avait le don de créer de la valeur ajoutée. Il ne laissait jamais son auditoire insensible à ses propos.
Repéré parmi les jeunes futurs cadres de la nation, Mohamed Driss avait été nommé dans les années 1960, délégué à Kebili, puis Premier délégué à Gabès, au moment où l’expérience collectiviste battait son plein. Il s’initiera à l’action régionale et mettra les pieds dans l’étrier de l’Etat. Puis, on le rappelle à Sfax, pour diriger l’Union régionale des coopératives. Mais, rapidement, il préfèrera quitter le service public pour se consacrer au développement de ses affaires. Sans renoncer à son devoir de servir la région, il présidera le Club sportif sfaxien et lui fournira un soutien financier substantiel, en plus de la bonne gestion qu’il appliquera à sa direction.
Membre du Conseil économique et social, Mohamed Driss avait toujours une lecture avisée des textes soumis à l'examen, une proposition pertinente à formuler, une idée géniale à partager. Son franc parler et sa perspicacité sont légendaires.
Mécène, Mohamed Driss multipliera les actions de bienfaisance. C’est ainsi qu’il construira à Gammarth un centre d’hébergement des personnes âgées démunies. Il le dédiera à son père Sadok Driss et prendra à sa charge ses frais de fonctionnement. Membre du Rotary Club de Carthage, il ne manquera jamais d’apporter son obole à de multiples actions et projets sociaux.
D’agréable compagnie, Mohamed Driss, certes rigoureux dans la gestion de ses affaires et irréductible dans la défense de ses droits, avait en fait toujours une bonne histoire à raconter, un enseignement à partager, une expérience personnelle à mettre en exergue. Son bonheur était de s’entourer des membres de sa famille et d’aller les weekends visiter ses champs d’olivier. Celui qui en semaine traitait avec des officiels, ainsi que des partenaires et clients, des dirigeants de banques et de grands groupes, aimait retrouver en fin de semaine les paysans, humer l’odeur de la nature vivifiante, voir pousser ses plantations.
Un homme multiple, Mohamed Driss aura été une légende vivante. Elle vient de s’éteindre.
Allah Yerhamou
Taoufik Habaieb