L'art, partie prenante dans le monde économique tunisien … de demain ?
Quatre poids lourds de la scène artistique tunisienne, Zeineb Farhat pour le théâtre, Sonia M’barek pour la chanson, Moncef Dhouib pour le cinéma et Mourad Sakli pour la musique, ont été conviés par l’ATUGE, ce mercredi, à un déjeuner-débat pour échanger, autour de Zeïneb Farhat (une homonyme de la première) de l’ATUGE, de l’influence de l’environnement sur la création artistique.
En prenant la parole tour à tour, les artistes présents ont dressé un tableau noir de la situation de la création artistique dans notre pays. Mourad Sakli ouvre le bal en mettant l’accent sur le manque d’espaces où les musiciens peuvent présenter leurs œuvres, l’absence d’une maison de production musicale digne de ce nom, le manque d’investisseurs privés dans le domaine, de mécènes et de sponsors ainsi que les problèmes de propriété intellectuelle qui minent le secteur.
Le fait est que, souligne M. Sakli, un musicien tunisien peut très bien gagner sa vie mais ne peut pas imposer son projet musical, se restreignant à un rôle de reproduction d’œuvres musicales venues d’ailleurs dans les fêtes et autres mariages. Pourtant, ajoute-t-il, le potentiel est là avec une formation académique de niveau très élevé. Mourad Sakli parle en connaisseur, lui-même étant enseignant universitaire. Autre artiste universitaire à prendre la parole, Sonia M’barek verse dans le même discours que son prédécesseur en soulignant que les artistes tunisiens, à quelques exceptions près, n’arrivent pas à construire, développer et diffuser une image forte et spécifique auprès de leur public.
Celui que l’on qualifiera rapidement comme le sage de cette assemblée, Moncef Dhouib, prit longuement la parole, pour décrire, avec son humour habituel, le marasme du cinéma tunisien. Ainsi, en cette année du cinéma, notre pays ne compte plus que 12 salles de cinéma (elles sont 200 au Maroc) mais 70.000 vendeurs de CD, "de pirates", dira M. Dhouib, soulignant qu’il n’a pu réaliser, tout au long de sa longue carrière de cinéaste, que deux films à dix années d’intervalle. Seule solution, selon lui, arrêter d’écarter le cinéma des recettes publicitaires et créer une structure unique où seraient regroupés le cinéma, l’audiovisuel et la publicité.
Enfin, Zeïneb Farhat a présenté l’exemple du "Théatro" comme le modèle d’un espace privé mais qui a été créé, rappelle-t-elle, grâce à une législation qui exigeait que les hôtels de plus de 200 lits prévoient un espace culturel et à l’aide d’un fonds de l’Etat. Si ce modèle est viable, dit-elle, c’est aussi, pour beaucoup, parce que c’est un espace qui vit dans son milieu urbain et noue des partenariats avec des associations et des amicales pour attirer un public suffisant car il faut savoir que, pour commencer à être rentable, une pièce doit faire plus de 50 représentations en salle pleine.
Ainsi, seuls des constats amers ont émergé des discussions avec des solutions peu nombreuses qui versent toutes vers une implication plus proactive du secteur privé dans la création artistique. Or ce dernier, en dehors de l’art pictural, est encore frileux à investir ce domaine de la communication par les arts.
Anissa BEN HASSINE