Tunisie: «Le grenier de Rome» est capable de satisfaire les besoins alimentaires de nos concitoyens
Par le Colonel Boubaker Benkraiem - Notre pays a connu, ces derniers jours, et pour la première fois de son histoire, des difficultés dans l’approvisionnement en pains. Sans rentrer dans une polémique qui ne mènera à rien, la question que peut se poser la plupart de nos concitoyens est la suivante: est-il vrai que notre production en céréales n’arrive plus à couvrir tous nos besoins en farine et en semoule, alors que notre pays dispose, suite à la nationalisation des terres détenues par les anciens colons français et italiens, ces fermes représentant des centaines de milliers d’hectares de très bonne terre et, de surcroit, d’excellente fertilité? Ces terres domaniales sont-elles, correctement exploitées? Celles, à vocation céréalière, sont-elles, en totalité, mises en exploitation? Avons-nous, encore, des terres en jachère?
Aussi, comme nous avons de brillants cadres administratifs au sein de la fonction publique (PDG, Directeurs Généraux, Directeurs,) qui sont, en fait, les magnétos de la marche de nos départements ministériels, on peut se demander s’ils ont pensé proposer, au gouvernement, de ne pas léser nos agriculteurs, les producteurs de céréales, en leur accordant, lors de la réception de leurs productions par l’Office des Céréales, au moins le même prix du quintal de blé dur ou tendre que celui que nous payons lorsqu’on doit l’importer de l’étranger? Ainsi, nos agriculteurs ne se sentiront pas perdants ou défavorisés par rapport au produit importé, s’agissant de la même marchandise? Au contraire, cela les encouragera à semer le maximum de leurs terres et améliorer la qualité de leur production pour relever leurs revenus d’une part et satisfaire aux besoins de nos concitoyens, sachant très bien que nous sommes de gros mangeurs de pain d’autre part.
Ainsi, nous encouragerons nos agriculteurs, à semer les produits céréaliers en grande quantité pour satisfaire et nos besoins nationaux d’une part et pourquoi pas, dans un deuxième temps, exporter les surplus. Que sont devenues les anciennes terres des colons qui sont gérées par l’Office des terres domaniales et surtout celles à vocation agricole des gouvernorats de Beja, Jendouba, le Kef, Bizerte, Zaghouan, Siliana, Kairouan, Kasserine, Nabeul et Ben Arous? Et sont-elles exploitées en totalité, celles-ci disposant de grandes surfaces destinées à la production agricole et surtout céréalière.
Cependant, bien que la politique économique de notre pays tend, en même temps, à encourager certains secteurs industriels, nous ne devons, en aucune manière, négliger l’agriculture, s’agissant de la sécurité alimentaire de nos concitoyens. Au contraire, l’agriculture est un secteur stratégique et doit figurer parmi les priorités nationales.
Il convient de rappeler que le groupement professionnel des boulangeries modernes, a exprimé, dans un communiqué publié le 4 avril dernier, son inquiétude face à la persistance du manque enregistré en matière d’approvisionnement en farine dans plusieurs régions et surtout le grand Tunis, Kairouan et Monastir. Cela est incompréhensible pour un pays à vocation agricole.
Notre pays qui a été, dans l’antiquité, capable de nourrir une bonne partie de l’empire romain, est en mesure de satisfaire aux besoins des douze millions de tunisiens, y compris les expatriés, pour peu que nous exploitons toutes nos terres, que nous utilisons les techniques modernes et que nous employons les engrais appropriés.
Aussi, devrons-nous rappeler à nos voisins les plus proches, ceux de la rive nord de la Méditerranée de ne pas oublier, ce qu’a fait l’Ifriquia, la Tunisie d’il y a près de vingt trois siècles, pour assurer l’autosuffisance alimentaire de l’empire romain et mériter le titre fabuleux de "grenier de Rome" qui lui a été attribué, en reconnaissance de sa générosité et des services rendus.
Nos ancêtres, là où ils sont et qui ont eu, certainement, des échos sur cette affaire, ne doivent pas être fiers de nous et doivent s’inquiéter un tant soit peu. Nous les tranquillisons en leur affirmant qu’il ne s’agit que d’un petit incident de parcours et que la Tunisie du vingt et unième siècle, est capable, grâce à toutes ses compétences, de relever tous les défis. Qu’ils dorment tranquillement en paix et qu’ils soient, plutôt, fiers de nous. Qu’ils n’oublient pas que cette terre tunisienne qui a nourri une bonne partie de l’empire romain durant des décennies sinon des siècles, est capable, pour peu que nos concitoyens travaillent davantage pour produire plus et mieux, demeurent patriotes et solidaires, notre pays se suffira à lui-même, surtout dans le domaine stratégique alimentaire et à la satisfaction de tous.
Cela reste tributaire, d’une bonne vision prospective de la place de l’agriculture dans l’économie du pays, d’une politique adéquate et de beaucoup de sérieux de la part de tous les tunisiens.
Que Dieu veille et protège la Tunisie Eternelle, l’héritière de Carthage et de Kairouan.
Le Colonel Boubaker Benkraiem
Ancien Sous Chef d’Etat Major de l’Armée de Terre,
Ancien Gouverneur