Tunisie: Face aux départs à l'étranger, comment régéner sans cesse les ressources humaines
Les flux migratoires des Tunisiens vers l’étranger affectent-ils le capital du pays en ressources humaines? Qu’ils soient réguliers ou irréguliers, ces flux emportent des effectifs de plusieurs milliers par an, croissant sans cesse. Ils attirent matière grise comme main- d’œuvre qualifiée, voire non qualifiée !
Ingénieurs, médecins, juristes, financiers, gestionnaires, techniciens supérieurs et autres compétences font le choix de l’expatriation. Ils ne sont pas les seuls à prendre le chemin de l’émigration. Infirmiers, plombiers, maçons, chauffeurs de poids lourds et de bus, mécaniciens, électriciens, agents de maintenance, ouvriers spécialisés et cadres de maîtrise n’hésitent pas à mettre les voiles. L’attraction est forte et le désir de découvrir de nouveaux horizons est irrésistible pour eux.
Ces départs mettent de nombreux métiers en tension. Il devient de plus en plus difficile de recruter de bons profils et de les fidéliser. Des filières comme le textile ou le digital sonnent l’alerte. S’il reste encore possible de pourvoir certains postes, moyennant des rémunérations plus attractives, la relève en ressources humaines qualifiées pourrait se poser dans les années à venir.
Le système éducatif et le dispositif de formation professionnelle sont-ils saturés? Certainement pas, au vu du nombre de demandeurs d’emploi. La formation de base est-elle de qualité, adéquate à la demande ? Un vrai débat. L’encadrement professionnel au sein de l’entreprise sera-t-il bien assuré pour favoriser une montée en compétence ? C’est là un gisement d’expertise à transmettre.
La valorisation des ressources humaines devient un enjeu majeur. Cette grande richesse de la Tunisie, facteur de développement et de croissance pour le pays et d’épanouissement personnel, mérite de nouvelles politiques publiques intégrées. Souvent, l’approche a été sectorielle : éducation, enseignement technique, enseignement supérieur… Juste comme un process, avec des contenus de savoirs divers et variés, dans un système public qui a montré ses limites.
L’enseignement privé gagne du terrain et fait preuve de performances. De nouveaux établissements couvrant les différents niveaux - du préscolaire au secondaire - se multiplient dans le Grand Tunis comme à l’intérieur du pays, étrennant des locaux spacieux et imposants. Ils s’érigent en grandes marques qui déclinent le même concept pédagogique. Il en va de même pour les universités privées en plein essor. La formation professionnelle privée se spécialise dans de nouveaux métiers prisés (développement informatique, réparation de smartphones, cuisine et pâtisserie, coiffure et esthétique, petits métiers…) et draine des effectifs significatifs.
Toute cette croissance bénéfique crée un écosystème nouveau à encourager et à promouvoir. Comment l’intégrer pleinement dans le dispositif général de l’éducation et de la formation des qualifications professionnelles ? Et comment lui apporter tout l’appui nécessaire ? Plus encore, comment faire du développement des compétences un atout stratégique majeur pour le développement de la Tunisie ?
Une refonte transversale du système est indispensable. Si certains métiers sont en butte à une pénurie, c’est tout de suite qu’il convient d’y remédier en anticipant. Toute la vision et toute l’approche sont à revoir. La puissance d’une nation se mesure à l’aune de sa politique des ressources humaines.
Des Tunisiens continueront de partir pour l’étranger. Difficile de les retenir. La réponse est de régénérer sans cesse nos ressources humaines et de créer en leur faveur les emplois appropriés. Un grand défi à relever.