News - 05.10.2023

Tunisie: Migration, tant de questions et de devoirs

Tunisie: Migration, tant de questions et de devoirs

Derrière ce grand drame humanitaire de la crise migratoire qui secoue l’Europe, il faut chercher les véritables enjeux. Economiques (dénatalité), sociaux (intégration, religions…) et politiques (divisions et déstabilisation): les risques pour l’Union européenne sont multiples. Nous devons bien les comprendre.

A quelques mois des élections du Parlement européen, en juin 2024, le discours identitaire s’enflamme, le populisme monte en puissance, et l’épouvantail de la «submersion» migratoire est agité. Des partis de droite et d’extrême droite cherchent à étendre leur emprise sur l’espace public et leur mainmise sur les institutions de l’UE. Leur but n’est pas de régler le problème migratoire, mais de l’exploiter à fond.

L’opinion publique européenne est chauffée à blanc. Les migrants sont présentés en «envahisseurs» dangereux. «Ils n’ont qu’à rester chez eux. Au mieux s’installer dans les pays de transit. Au pire, périr noyés dans la mer», osent certains. Les secourir n’est plus un devoir humanitaire et de civilisation, comme vient de le rappeler le Pape François à Marseille. Nous voilà en plein dans «le fanatisme de l’indifférence».

Les pays d’origine sont tenus pour responsables. Toute la bande soudano-sahélienne, allant de la Guinée au Soudan, est livrée à l’instabilité, aux conflits, à la pauvreté extrême et à la malnutrition. Au Mali et dans d’autres pays, des jihadistes islamistes étendent leur pouvoir, conquérant des régions entières. L’appel du Nord et le rêve de l’Europe se font encore plus pressants. Le chemin de l’exode, long et périlleux, conduit des dizaines de milliers de migrants subsahariens vers la Tunisie. La ville de Sfax leur est particulièrement mentionnée comme hub de départ vers l’Europe. Qui leur a indiqué le chemin, financé et organisé le voyage, facilité l’entrée sur le territoire tunisien, assuré l’accueil, établi le contact avec les passeurs? De grandes questions qui attendent réponse.

La Tunisie s’en trouve sous une double forte pression: celle des flux massifs de migrants avec les diverses problématiques qu’ils posent et celle de l’exigence européenne de démanteler les réseaux de passeurs et d’intercepter tout départ en mer. Avec quels moyens effectifs mis à sa disposition?

Mais aussi, que faire des migrants déjà arrivés par milliers?

La Tunisie refuse d’être un pays de transit ou un lieu d’établissement, avait martelé le président Kaïs Saïed. La question migratoire est à gérer dans sa globalité à un niveau international. 

Surmontant difficilement ses divisions internes, l’Europe tente de sceller un pacte migration et asile. Il risque d’être coûteux, inefficace et peu respectueux des droits humanitaires. La fermeture des frontières par divers moyens et la sélection rapide de ceux qui pourraient être admis en droit d’asile ou en migrants économiques, et ceux à expulser, marqueront un verrouillage plus renforcé. La durée de rétention avant expulsion serait prolongée jusqu’à 18 mois? Une dizaine de nouveaux centres pour rapatriement sont en construction en Italie. Ils seront mis en gestion par des opérateurs privés, aux moins-disants quant au prix journalier par migrant… Tristes perspectives.

Dans cette grande crise migratoire, la Tunisie ne doit pas être laissée seule. Tous les engagements déjà pris par l’Union européenne sont à concrétiser, sans conditions préalables. Plus encore, un soutien international, et non seulement européen, lui est indispensable. Un appui budgétaire immédiat est nécessaire pour faire face aux urgences. Des investissements extérieurs massifs permettront de créer des emplois et relancer la croissance.

Renforcer la Tunisie en ces temps de crises extérieures économiques et sociales, et accélérer son développement: un devoir prioritaire.

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