Des technologies éducatives toujours plus performantes: un défi permanent
Sarah Henkelmann-Hillebrand d'Epson Europe, explore la manière de s'assurer que les technologies éducatives délivrent leurs bienfaits sans distraire.
L'éducation est sans doute l'investissement le plus important qu'une société puisse faire pour son avenir. Et la plupart des individus n'ont qu'une seule chance de l'obtenir.
Par conséquent, les décideurs politiques et les enseignants ont l'énorme responsabilité de bien faire les choses. La recherche de l'approche idéale, notamment en ce qui concerne le rôle de la technologie, a donné lieu à des débats passionnés et à des recherches approfondies sur la meilleure façon de gérer un système éducatif.
D'un côté, il y a ceux qui en vantent les mérites presque sans exception. De l'autre, ceux qui soulignent les effets néfastes d'un temps d'écran excessif et des médias sociaux, suggérant que moins de systèmes numériques devraient être entre les mains des enseignants et des élèves.
Au milieu de cette bataille permanente, le récent changement de perspective de la Suède sur la technologie dans les salles de classe, en partie grâce à la volte-face de son ministre de l'éducation, 1met en évidence la nécessité d'une approche nuancée.
Alors, qui détient véritablement la clé pour ouvrir la voie vers l'avenir: les partisans des technologies de l'éducation ou les sceptiques ? Pour répondre à cette question, il est important de comprendre les deux points de vue.
Les arguments en faveur des technologies de l'éducation
Les partisans de l'amélioration continuent des technologies de l'éducation estiment qu'elles ont facilité la vie de tous les acteurs du secteur. Ils soulignent le fait qu'au lieu d'utiliser un stylo et du papier, les étudiants utilisent désormais des ordinateurs portables pour prendre des notes et travailler. Comparé à une pile de cahiers, un iPad est relativement léger. Lancer une recherche sur Internet ou consulter un livre électronique est bien plus facile que de manipuler une énorme encyclopédie.
Ils soulignent que les temps ont changé, que les mentalités ont évolué et que la technologie s'est perfectionnée. Ils affirment qu'intégrer les technologies dans l'éducation permet aux élèves d'être mieux préparés face à un avenir incertain où elles joueront un rôle essentiel.
Et il existe de nombreuses preuves à l'appui L’utilisation conjointe d’ordinateurs et d’autres appareils avec des outils numériques permet aux élèves de jouer un rôle plus proactif et d’être au centre de ce processus. La population mondiale étant composée à 65 % d’apprenants visuels, la technologie offre également un moyen de mieux répondre à cette évolution démographique et d’améliorer la qualité de l’apprentissage pour tous, grâce à des aides visuelles numériques par exemple.
Avec ses affichages, moniteurs et projecteurs interactifs, les technologies fournissent aux enseignants une plateforme puissante pour créer un environnement éducatif visuel et interactif mieux adapté à la perception visuelle/spatiale des élèves que les outils traditionnels tels que les tableaux blancs ou noirs. Les enseignants sont également globalement d’accord : près de 78 % d'entre eux déclarent qu’une technologie d’affichage plus interactive et plus efficace leur permettrait de mieux impliquer les élèves dans le processus éducatif.
Par conséquent, de nombreux partisans des technologies estiment qu'il est vital de continuer à embrasser son potentiel transformationnel dans l'éducation. Elles offrent une nouvelle façon d’afficher des éléments visuels qui améliorent le processus d’apprentissage. Ce point de vue est partagé par de nombreuses administrations. Le gouvernement britannique a récemment annoncé un investissement supplémentaire de 150 millions de livres sterling pour permettre à l'ensemble des écoles d'exploiter au mieux les avantages des technologies numériques dans les salles de classe.
Mais les technologies numériques dans l’éducation ne se limitent pas à de simples écrans et aux images.
Des technologies simples, telles que les scanners, facilitent la vie des enseignants : ils peuvent scanner et envoyer des travaux manuscrits vers les plateformes de notation en ligne et ainsi mieux gérer le processus de notation des élèves. En fait, l'essai d'une plateforme de notation en ligne dans une université néo-zélandaise a permis aux enseignants de réaliser d'importantes économies de temps et d'argent, car la numérisation des documents dans le système a permis une correction plus rapide, réduisant le temps de réponse pour 1 000 copies de deux semaines à seulement deux jours.
Le point de vue des sceptiques
Les moins enthousiastes estiment que l’impact de la technologie au sein de l’éducation est plutôt terne. Indépendamment des progrès réalisés, on reproche souvent aux technologies éducatives utilisées dans les écoles d'être isolées des expériences personnelles des élèves en matière de médias numériques, et de donner la priorité aux besoins institutionnels plutôt qu'à ceux des élèves.
Pire encore, les résultats des tests aux États-Unis ont continué à baisser malgré les prédictions selon lesquelles la technologie révolutionnerait l'éducation et des universitaires ont déclaré que ces outils numériques risquaient de «nous empoisonner lentement».
Ce type de preuves, combiné à la pression exercée sur les établissements d’enseignement pour ne pas commettre d’erreurs ou gaspiller de précieuses ressources, conduit à l’idée qu'il est peut-être judicieux de ne pas accorder la priorité aux technologies dans l'éducation. Après tout, une exposition prolongée aux écrans conduit à des dysfonctionnements émotionnels et affecte négativement les capacités des enfants à apprendre les mathématiques, ainsi qu'à lire et à écrire.
Au lieu de boire le calice empoisonné, la ministre suédoise de l'enseignement, Lotta Edholm, a pris des mesures, déclarant qu'il était essentiel de remplacer les manuels scolaires par des supports numériques, car ils offrent «des avantages qu'aucune tablette ne peut remplacer». Si la technologie est omniprésente dans les écoles, les machines pourraient bientôt y occuper des postes, et les enseignants pourraient même être entièrement remplacés par l'IA. Les implications pour les élèves de demain pourraient être inquiétantes.
Malgré tout, retirer entièrement les technologies des salles de classe et revenir aux tableaux noirs poussiéreux et aux rétroprojecteurs encombrants n'est pas forcément la meilleure approche non plus. D'autant plus que la transformation numérique est partout autour de nous. Le monde regorge de technologies et d’innovations en tous genres. Proviseurs, enseignants, élèves et parents ne peuvent pas essayer d'inverser le cours du temps, et de s'isoler dans un modèle qui ne correspond plus au reste de l'économie.
Heureusement, il existe une troisième voie.
Tout n'est pas noir ou blanc
Comme toujours, la modération est essentielle. Les deux camps présentent des arguments valables.
Pour optimiser l'influence positive des technologies sur l'éducation tout en limitant ses effets négatifs, il faut adopter un principe fondamental : stimuler et augmenter les interactions entre les enseignants et leurs élèves autour des supports pédagogiques. C’est ce qu’on appelle le «noyau pédagogique», un concept qui met en avant le facteur essentiel que la plupart des réformes scolaires négligent souvent.
En d’autres termes, les technologies de l'éducation sont plus efficaces lorsqu'elles complètent et améliorent ces interactions. Utiliser les technologies adéquates est le meilleur moyen de garantir que les élèves profiteront au mieux de leur éducation. Les technologies peuvent être utilisée de manière stratégique pour promouvoir des interactions efficaces entre élèves, éducateurs et supports pédagogiques sans se substituer au travail des enseignants.
En fait, les données montrent que pour les élèves, il est plus important de savoir qui utilise la technologie que ce qu’elle est. Les enseignants ne devraient pas se contenter d'ajouter des appareils dans la salle de classe sans réfléchir. Ils doivent au contraire tenir compte des besoins spécifiques de leurs équipes et de leurs élèves, et choisir les technologies adaptées à ces besoins.
Trop souvent, les écoles et les universités se sentent obligées de se lancer dans des investissements qui ne sont pas adaptés à leurs besoins, ce qui entraîne un gaspillage de ressources et de la frustration pour toutes les parties concernées. Tout comme Boucle d'Or à la recherche de la bouillie, de la chaise et du lit parfaits, les enseignants doivent naviguer dans la vaste gamme d'options technologiques pour trouver la solution qui leur convient le mieux.
Ce faisant, les enseignants doivent également recevoir une formation et s'engager dans un apprentissage tout au long de la vie pour s'assurer qu'ils sont prêts à tirer le meilleur parti des technologies qu'ils adoptent. Ils doivent prendre le temps de discuter entre collègues des différentes approches possibles pour partager des idées, s'inspirer mutuellement et apprendre les meilleures pratiques.
Cette quête exige de prendre soigneusement en compte les besoins, les préférences et les limites propres à chaque établissement d'enseignement et à ses élèves, afin de soutenir et d'améliorer l'apprentissage plutôt que de chercher à le révolutionner. En fin de compte, il n'existe pas de solution unique à ce dilemme.
Dans certains cas, il peut s'avérer bénéfique d'accorder moins d'importance aux technologies dans la salle de classe, mais il est essentiel de reconnaître que chaque contexte éducatif est radicalement différent et que les besoins des élèves sont tout aussi complexes. Bien entendu, les technologies appropriées peuvent simplifier les choses mais les enseignants doivent sélectionner avec soin les outils qui correspondent à la fois à leur style pédagogique et aux besoins des élèves.
L’aspect le plus important à retenir est que, même si chaque politicien, chercheur ou parent peut intervenir dans le débat sur les technologies dans l'éducation, ce sont les enseignants et leurs élèves qui doivent l'utiliser : c’est donc leur opinion qui compte le plus.
Alors, utilisons les technologies pour mieux renforcer le noyau pédagogique. Mais pour que les élèves de demain puissent pleinement réussir, tout ne doit pas être ramené aux technologies.