Technologies numériques: Emprise et addiction aux écrans
Par Lotfi Souab
Peut-on s’en libérer?
Les écrans, ce pluriel qui désigne les technologies numériques et leurs supports – smartphones, ordinateurs, tablettes – se retrouvent au cœur de discours polarisants. On oscille entre optimisme démesuré et peur face au risque de l’addiction. Incontestablement, nous sommes tous plus ou moins sous l’emprise des écrans. Le temps numérique l’emporte sur le temps social, constatent les sociologues. Ce constat nous place devant le défi du XXIe siècle: éviter la démesure qui conduit à la perdition. Est-ce encore possible? N’est-il pas trop tard? Mais d’abord, il s’agit de comprendre comment on est arrivé là, d’analyser les chaînes de dépendance. C’est la condition pour tenter de s’en défaire.
De l’hyperconsommation à l’hyper connexion
Le XXe siècle a été celui de l’entrée dans la «société de consommation», associée à l’automobile, la radio, la télévision, le prêt-à-porter, la publicité. Depuis, le phénomène s’est amplifié.
Le XXIe siècle a consacré l’hyperconsommation (les grandes surfaces, les galeries marchandes, le commerce en ligne…). Après la société de consommation est venue la «société de communication» (1990) (le besoin de radios, de chaînes de télévision, de la vidéo.)
En moins d’une génération, on est passé à l’ère de l’hyper connexion (le web, Smartphones, tablettes, réseaux sociaux [Facebook, Twitter, Instagram], le poids grandissant des GAFA [Google, Amazon, Face book, Apple].) Plusieurs recherches ont été menées pour comprendre les mécanismes de dépendance aux écrans.
Ce qui au départ étant un plaisir s’est transformé au fil du temps en un besoin. Le même phénomène est observé dans la drogue. On est pris au piège de son désir. C’est le phénomène de l’emprise. Le psychologue et psychanalyste Michel Stora s’inquiète, à son tour, du danger lié à la surconsommation des réseaux sociaux. Dans son ouvrage Réseaux sociaux (Larousse, 2021), il développe une analyse critique des dommages qu’il constate et qu’il résume en cinq points:
• Captation permanente de l’attention;
• Radicalisation des propos;
• Aggravation des sentiments anxieux et dépressifs;
• Addiction;
• Appauvrissement de la pensée et de la créativité.
Isabelle Varescon, auteure des Addictions comportementales. Aspects cliniques et psychopathologiques prend en compte trois facteurs pouvant nous alerter sur un possible risque d’addiction:
1. Le degré d’isolement de la personne;
2. L’utilisation d’internet pour s’évader de son quotidien;
3. Consultation du Smartphone (ressentir des manifestations d’anxiété en son absence.)
Peut-on se défaire de l’emprise?
Disons d’emblée qu’il est difficile de pouvoir «se libérer» des emprises. Il peut être possible de desserrer les liens pour gagner des marges de liberté. Les techniques psychologiques d’autocontrôle peuvent être d’un utile recours. Une autodiscipline efficace suppose de mettre en place des stratégies de ruse et d’évitement. Voici quelques stratégies qu’il est aisé de mettre en place:
• Mettre son Smartphone hors de sa vue;
• Ne pas amener son portable au lit, s’imposer des moments de diète, fermer sa messagerie;
• Se déconnecter de temps en temps afin de retrouver la tranquillité d’esprit;
• Se consacrer à d’autres activité sociales ou créatives (lire un livre passionnant, faire du footing…), faire de la relaxation, de la méditation.
En résumé, la déconnexion exige une autodiscipline. Il faut savoir aussi qu’on ne peut lutter contre une emprise qu’en la substituant par une autre (le sport, la lecture…).
Bien entendu, il ne s’agit pas de supprimer l’activité numérique mais tout simplement la doser. Vouloir se libérer complètement des emprises et addictions est un combat sans doute difficile. Mais résister à l’envahissement est un objectif à votre portée.
Pour conclure, je vous recommande, pour ma part, de vous défaire durant quelques jours d’affilée de votre «tétine» digitale, d’entretenir le vide dans l’esprit, de substituer le lien à la ligne, de vous adonner aux plaisirs de la méditation, de vous abandonner à la paresse. C’est la meilleure thérapie qu’on puisse s’administrer.
Lotfi Souab