Palestine - Israël: Le visage d’un conflit qui a trop duré!
Par Monji Ben Raies - Depuis le 7 octobre 2023, le monde est plongé dans l’effroi. Le bilan des victimes humaines s’alourdit chaque heure. Ayons alors une pensée pour ceux qui n’ont pas pris les armes et que la mort a fauché, pour ceux aussi qui se sont lancés dans une guerre inégale pour défendre leur droit à un devenir digne et à avoir un pays. Nous sommes en droit de penser que ces pères de famille, ces filles et fils embrigadés par une funeste destinée ne sont pas des sanguinaires sans scrupules, pas non plus des fous prêts à tout pour envenimer le conflit. Ils savent qu’ils ne reviendront peut-être jamais, mais ne le montrent pas. Les polémiques sont ahurissantes!
Ce qui se passe actuellement à Gaza peut être considéré comme crimes de guerre, aussi comme crimes contre l'humanité
Nos pensées, Nos prières vont à toutes les victimes, à leurs familles, à leurs proches. Chaque jour révèle les pires atrocités contre des familles entières, des jeunes, des femmes, des hommes, des personnes âgées, des enfants, des bébés, tous massacrés ou enlevés à la réalité. En 1946, le génocide a été reconnu comme un crime de droit international par l'Assemblée générale des Nations Unies (A/RES/96-I), et érigé en crime autonome dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 (Convention sur le génocide), en janvier 2018, compte tenu du fait que la convention consacre des Normes Impératives du Droit International Général (droit coutumier), des règles de Jus Cogens; cela signifie que les États, qu’ils aient ratifié ou non ce texte, sont juridiquement liés par le principe de proscription du génocide, celui-ci étant un crime au regard du droit international. L'interdiction du génocide norme de Jus Cogens ne peut souffrir d’aucune dérogation. L'article II de la Convention sur le génocide, comme l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale définissent le crime de génocide sous une même formulation. De nombreux États ont également érigé le génocide en infraction pénale dans leur droit interne. L’article II et l’article 6, disposent: «Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: a. Meurtre de membres du groupe; b. Atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; c. Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; d. Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; e. Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.»
La question de la possibilité d'un génocide à gaza, étant donné les circonstances est posée sans nuance par les faits. Même en Israël, de nombreuses gents de la population israélien ne critiquent leur gouvernement et la guerre contre le Hamas à Gaza qui y est menée; a fortiori, quand ils entendent le mot génocide, ils considèrent que c'est un pas de trop. Qu'est-ce qui, en fait peut-être un génocide? La situation à laquelle le monde est confronté actuellement, est une situation dans laquelle la possibilité d’un génocide nous regarde en face. De nombreux hommes politiques, des généraux, indiquent une intention d’éradiquer tout un peuple. Or l'intention de commettre un génocide, est l'un des aspects du crime, même s’il est le critère le plus difficile à prouver, lors même si certaines déclarations semblent le montrer. il faut démontrer que les auteurs des actes en question ont eu l’intention de détruire physiquement le peuple palestinien, prouver qu’il est la cible de la destruction, cette intention spéciale, le ‘’dolus specialis’’.
Pour autant que l’on sache, selon les rapports de la plupart des spécialistes, ce qui se passe actuellement à Gaza peut très clairement être considéré comme crimes de guerre, potentiellement aussi comme crimes contre l'humanité. Et la situation pourrait éventuellement devenir un génocide si elle s’envenimait davantage. Néanmoins, ce qui se passe actuellement ne doit pas être interprété comme étant un génocide. Il y a des déclarations contradictoires de la part des commandants sur le terrain qui prétendent que, bien qu'ils utilisent beaucoup de force militaire, ce qu'ils essaient de faire, c'est d’annihiler la présence du Hamas palestinien et ses partisans et qu’ils essaient, dans la mesure du possible, de ne pas tuer de civils; mais ils n’y sont pas parvenus avec beaucoup de succès, étant donné l’implantation des quartiers généraux du Hamas, au cœur de la population palestinienne. Mais il est très important de souligner que le danger de génocide est là, et que si les choses progressent comme elles le font actuellement, ce que nous constatons actuellement pourrait devenir bien pire. D’autant qu’il y a les déclarations très menaçantes qui ont trait à une intention de nettoyage ethnique de la part du gouvernement israélien. Une déclaration devenue publique émanant du ministère du renseignement israélien, parle de déplacer toute la population palestinienne de Gaza vers le côté égyptien de la frontière. Cela serait clairement une indication de nettoyage ethnique et il est une chose que l’histoire du génocide nous a enseigné, c'est qu'il commence souvent par une opération de nettoyage ethnique. C'est ce qui s'est passé lors de l'holocauste au cours de la seconde guerre mondiale. C’est aussi le cas du génocide arménien tenté par la Turquie en 1915, celui kurde par l’Irak et d’autres situations encore... Ce à quoi nous assistons actuellement, est un moment très dangereux et si aucun frein n’est mis en place maintenant, les choses iront rapidement en se détériorant. Un problème de génocide palestinien indique qu’Israël refuse d'accepter la possibilité d'un État palestinien indépendant voisin. C’est l’aveu que le gouvernement israélien ne veut pas tuer tous les Palestiniens, mais qu’il veut détruire l'idée de la nation palestinienne. En dépit du fait qu’Israël ait conclu certains accords avec l'OLP, de fortes pressions de Benyamin Netanyahou, de son gouvernement et de son administration, visent à faire partir les 2,2 millions de Palestiniens, d'une manière ou d'une autre, de Gaza et de la Cisjordanie et de les installer dans des camps de réfugiés dans le nord du désert du Sinaï égyptien. En effet, ce plan ne concerne pas seulement Gaza, mais aussi la Cisjordanie, où la violence des colons, protégées par l'armée et souvent avec l'aide de l'armée, exerce de plus en plus de pressions, qui font planer des risques d'une nouvelle expulsion des Palestiniens de la région. La population à Gaza était de 350 000 personnes, et aujourd'hui elle se situe entre 2 millions et 2 millions et demi de personnes, la population ayant augmenté dans une Gaza carcérale assiégée depuis trois quarts de siècle par les autorités coloniales. Aussi l'intention de déplacer les Palestiniens hors de leurs territoires d’implantation, peut laisser dire qu'il y a une indication de nettoyage ethnique.
Certes il est des voix Israéliennes et de leurs compatriotes juifs de la diaspora qui considèrent qu'il est scandaleux de tenter de commettre un génocide palestinien, avec ce qu’ils ont connu dans leur histoire. Tout d'abord, il est indéniable qu’il y a une intention génocidaire, sans qu’il y ait de doute à ce sujet. Mais ce qui est le plus étonnant, c'est que le gouvernement israélien, le gouvernement du seul État juif au monde, n’a rien appris de son histoire et ose mener des politiques qui peuvent facilement être identifiées comme des politiques de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et proférer des déclarations génocidaires. C'est l'aspect le plus scandaleux de cette affaire. Le gouvernement d’un État créé à la suite de l’holocauste, qui a répété à plusieurs reprises, plus jamais ça. Or, plus jamais, ce n'est pas seulement plus jamais contre les juifs, mais plus jamais de génocide sur quelques peuples que ce soit. Ce manque de résilience d’Israël se retrouve dans les propos de son président qui affirmaient qu’il fallait considérer tous les Palestiniens de Gaza, la population de Gaza, comme responsables des actes du Hamas. Indiquons que, pendant la Seconde Guerre mondiale, les politiciens britanniques et américains ont été très prudents vis-à-vis de l’amalgame et ont fait la distinction entre les nazis, diverses organisations, l'armée allemande et la population allemande et n'ont jamais parlé de la population allemande comme étant nazie. Même s’il y en avait beaucoup, le but était qu'après la guerre, il serait possible de reconstruire l'Allemagne, et non pas de l'éradiquer.
Israël, une entité voyoute
Il semblerait qu'Israël se soit systématiquement comporté comme une entité voyoute et qu’il a systématiquement et lentement empiété sur ce qui aurait pu et dû être un État palestinien dans les plans internationaux prévus. L'occupation de ce territoire palestinien s'est étendue au fil des années. Tout apparaît clairement quand on observe les cartes d’une histoire longue et complexe.1949, l'État d'Israël venait d'être créé puis reconnu par l'ONU et une partie de la société internationale; le territoire palestinien sous mandat britannique fut coupé en deux, la Cis Jordanie et la bande de Gaza au sud. En 1967,survint la guerre des six jours; face à la déclaration de guerre des pays arabes coalisés, Israël résista puis riposta et enfonça les troupes arabes jusqu'à occuper la Cisjordanie, Jérusalem, la bande de Gaza et le Sinaï.
Israël rendra le Sinaï à l'Égypte en 1982, mais gardera les autres territoires; puis dans les années qui suivent, la colonisation des terres palestiniennes commence vraiment. Israël réfute d'ailleurs ce terme et préfère parler d'implantation, ergotant sur les termes et ignorant l’essentiel. Concrètement les colons israéliens sont pour la plupart des agriculteurs et des éleveurs, qui bâtirent un pied à terre puis organisèrent eux-mêmes autour de leurs parcelles leurs communautés. Certains étaient là pour des buts économiques, mais beaucoup pour un but politique, bâtir le Grand Israël biblique. Le peuple juif réclama et obtint souvent le soutien de l'armée pour les protéger dans leurs implantations; puis vint l’exigence de la construction de routes, les quelles émaillèrent peu à peu le territoire colonisé. Beaucoup de ces avant-postes, illégaux au départ, ont ainsi été régularisés par l'État juif. Parfois ce mouvement de colonisation a connu des pauses, notamment au moment des négociations d’accords de paix; exemple avec les accords d'Oslo en 1993 et les négociations ultérieures. Mais depuis, un long enlisement de cette perspective, notamment depuis les attentats et les intifadas. Ce mouvement de colonisation arepris ensuite jusqu'à s'accélérer encore plus effectivement ces dernières années.
En 2023,la région de la Cisjordanie est devenue complètement morcelée et ressemble à une peau de léopard drapant une partie d’Israël du fait de son morcellement; la continuité territoriale devant relever de l’autorité palestinienne n'est plus qu'un souvenir. L’on compte aujourd'hui 465000 colons israéliens en Cisjordanie répartis en 138 colonies, reconnues par le gouvernement israélien et l'évolution est encore plus frappante quand on met les cartes les unes à côté des autres. Depuis les années 1940 cette politique est revendiquée et assumée, dans toute son illicéité, comme un fait accompli, à la face de la société internationale impuissante. Au moment de sa réélection, Benyamin Netanyahou et son gouvernement, aujourd'hui composé de supranationalistes juifs, ultra religieux, ultra nationalistes ont mis cette politique au cœur de leur projet, notamment Itamar Ben-Gvir, le ministre de la Sécurité publique d’Israël. Et si cette politique a été mainte fois condamnée, la cinquantaine de résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ont toujours été ignorées par les gouvernement successifs, jetant l’opprobre sur l’organisation mondiale.
«Ils sont tombés»!
Sur le front tout peut basculer en un seul instant ; les combattants de défendre leur position avec un devoir de vigilance extrême, l'ennemi étant tout près; des tirs parfois, le mode d’ordre étant simple, ne jamais permettre à l'ennemi de se reposer. Une guerre d’usure à la quelle il était impossible de ne pas participer sur le front. De part et d’autre, une jeunesse aussi qui a l'impression que sa place est là, sur le champ des hostilités. Ils ne savent pas comment l'expliquer; ils ont conscience que c'est difficile, ils y pensent parfois, mais qui d'autre le ferait sinon? Défendre son pays directement sur les terrains de guerre, une évidence pour ces combattants; aucun sentiment ne prend le pas sur leur abnégation. Ils sont venus pour accomplir une tâche. Ils admettent qu’il soit normal d'avoir peur mais il leur faut contrôler ça, car ils sont tous des êtres humains et veulent tous vivre; mais s’ils ne font pas leur travail là, qui le fera ? C’est la guerre qui est inhumaine. Les offensives et contre-offensives représentent pour eux un espoir, celui de retrouver bientôt des jours meilleurs.
Trois semaines de combats acharnés pour reprendre un pouce de terrain. C'est l'enfer vécu par les Palestiniens, combattants et non-combattants. C'est effrayant, cette lutte qui dure sans perspective et s’enlise dans la persécution. Un peuple tombé «sans trop savoir pourquoi, Hommes, femmes et enfants qui ne voulaient que vivre, avec des gestes lourds, comme des hommes ivres, mutilés, massacrés, les yeux ouverts d'effroi (…) En troupeaux de désert, titubant en cohorte, terrassés par la soif, la faim, le fer, le feu. Nul n'éleva la voix, dans un monde euphorique, tandis que croupissait un peuple dans son sang (…) Ils sont tombés pudiquement, sans bruit par milliers, (…) sans que le monde bouge (…) recouverts par un vent de sable et puis d'oubli. Ils sont tombés, les yeux plein de soleil, comme un oiseau qu'en vol une balle fracasse, pour mourir n'importe où et sans laisser de trace, ignorés, oubliés, dans leur dernier sommeil. Ils sont tombés en croyant, ingénus, que leurs enfants pourraient continuer leur enfance; qu'un jour ils fouleraient des terres d'espérance, dans des pays ouverts d'hommes aux mains tendues (…) ce peuple qui dort sans sépulture, qui a choisi de mourir sans abdiquer sa foi, qui n'a jamais baissé la tête sous l'injure, qui survit malgré tout et qui ne se plaint pas. Ils sont tombés pour entrer dans la nuit éternelle des temps, au bout de leur courage. La mort les a frappés sans demander leur âge puisqu'ils étaient fautifs d'être enfants (…)» de Palestine. (Charles Aznavour / Georges Garvarentz; Paroles de ‘’Ils sont tombés’’, chanson relative au génocide arménien de 1915).
Ils font de leur mieux. Les Israéliens tirent sur toutes les cibles, tout vole en éclat, c'est effrayant. Beaucoup d'entre eux ne reviennent pas. Plus d'une semaine après l'annonce du lancement de l’offensive tant attendue sur Israël, le Hamas a revendiqué des gains modestes; des premières avancées pour une opération appelée à durer face à des Israéliens ayant considérablement renforcé leurs positions défensives. Les analystes s'accordent à dire que le Hamas est encore dans une phase initiale de son opération, mais la libération de la Terre palestinienne ne sera pas chose facile.
Une pensée pour les familles des victimes et pour leurs proches.
Le grand déballage qui est fait sur les réseaux sociaux est regrettable. Les polémiques engendrées à chaque prise de parole, à chaque écrit, sont ahurissantes. L’humanité pourrait-elle faire preuve de plus de responsabilité et de maturité?
Des voix juives favorables à une Palestine
Le 7 octobre 2023, après l'attaque du Hamas, la riposte militaire menée par l'armée israélienne à Gaza a généré des vagues d'indignation légitime, du fait de ses disproportions, à travers le monde arabe d'une part, mais aussi parmi des membres de la communauté juive. Certains media ont pu révéler qu’à plusieurs reprises, des religieux juifs se sont rassemblés en signe de protestation et ont brûlé le drapeaux bleus et blancs de l'État hébreu. Des scènes surprenantes au premier abord, mais qui traduisent l'antisionisme revendiqué par une frange ultra-orthodoxe de la population de confession juive, en Israël et ailleurs au sein de la diaspora dans le monde. Parmi les entités les plus influentes, qui souscrivent à cette vision du judaïsme, on retrouve le mouvement NetureiKarta, dont le nom signifie "les gardiens de la cité" en araméen (en judéo-araméen babylonien: נטורי קרתא; «les gardiens de la cité»). Les NetureiKarta sont un groupe de juifs ‘’haredim’’ ou «craignant-Dieu» (en hébreu: חרדים), souvent appelés juifs ultra-orthodoxes, radicalement antisioniste, prônant le «démantèlement» de l’État d’Israël, et l'établissement d'un État palestinien hébergeant les deux peuples. En Israël, cette organisation est régulièrement décrite comme une "secte antisioniste", faisant l'objet de fréquentes accusations d'antisémitisme radical. Elle regroupe des membres en Israël, mais également ailleurs à travers le monde, aux États-Unis notamment et en Europe. Son hostilité à l'égard de l'État d'Israël lui vaut d'ailleurs la sympathie du régime iranien. Il est courant d'observer la présence de représentants de NetureiKarta lors de manifestations de soutien à la Palestine. Des événements au cours desquels le fait de brûler des drapeaux israéliens est un geste courant, le plus souvent filmé et relayé en ligne sur les media sociaux, comme un rassemblement à Londres en avril 2023, organisé en solidarité avec le peuple palestinien.
Paradoxalement, le groupe israélite «NetureiKarta» met en cause l'existence même de l'État israélien. C’est un mouvement qui soutient le projet des Palestiniens, depuis la création de l'OLP (Organisation de libération de la Palestine) en 1964. Pour eux, ce pays doit être dirigé par une autorité palestinienne, de la mer Méditerranée jusqu'au Jourdain. Ils ne soutiennent pas l'idée de deux peuples pour deux États, mais affirment qu’il ne devrait y avoir que l’État palestinien pour deux peuples, en attendant la venue du Messie. Ce groupe religieux affiche un positionnement assez singulier et ne représente qu'une part réduite des juifs ultra-orthodoxes. On constate cependant que l'organisation cohabite avec d'autres structures juives partageant une même doctrine antisioniste. Parmi elles, Jewish Voice for Peace, qui se décrit comme la plus vaste entité de cette nature à travers le monde et qui explique œuvrer tout autant pour la liberté palestinienne que pour la défense d'un judaïsme au-delà du sionisme. En France aussi, l'antisionisme hébraïque s'exprime, entre autres par la voix de l'Union Juive Française pour la paix, militant pour que des voix juives laïques et progressistes se fassent entendre, afin que cessent les hostilités entre les deux peuples. Courants minoritaires, mais très actifs NetureiKarta, tente d'expliquer à une audience difficile, sa vision de la religion et de l'État hébreu. Cette organisation est financée par des donations qui viennent en grande partie des États-Unis, car refusant toute forme de financement direct ou indirect de la part des autorités israéliennes ou de leurs partisans de la diaspora. Les tenants de ces courants ne travaillent pas, leur vie et leur quotidien étant dédiés à l'étude de la Torah. Ils sont totalement déconnectés de l'entité sioniste et des organismes sociaux israéliens. Quand leurs enfants naissent, ils ne les enregistrent pas, et ils ne disposent pas de la carte d'identité israélienne.
Il faut préciser que ce rejet d'Israël en tant qu'État-nation est justifié par ces groupes, par des motifs religieux. "Certaines branches de la société ultra-orthodoxe refusent de reconnaître l’État d’Israël et s’opposent au sionisme", puisque leurs membres "croient en l’établissement d’un État juif uniquement après l’arrivée du Messie juif", résume le média ‘’Times of Israël’’. Le professeur d'histoire Yakov Rabkiny notait en 2004 que "lorsque, à la fin du XIXe siècle, les sionistes ont appelé les juifs à se rassembler en Palestine dans le but d’y former 'une nation nouvelle', cette idée radicale en a rebuté la grande majorité, tant laïcs que pratiquants, qui ont rejeté comme absurde le concept sioniste de la nation, pastiche tardif du nationalisme européen du XIXe siècle".
Dans les Cahiers de l'Orient en 2009, Sophie Bélaïch, journaliste, soulignait que pour cette frange de religieux ultra-orthodoxes, "seul le Messie peut établir un État juif". Dès lors, "toute tentative de le créer avant sa venue constitue une provocation envers Dieu et le non-respect de sa volonté". Dans ce contexte, l'idée même de nation israélienne est rejetée frontalement et sa légitimité remise en question. Ce rejet d'Israël en tant qu'État-nation est justifié par des motifs religieux du dogme hébraïque. Ces branches de la société ultra-orthodoxe refusent donc de reconnaître l’État d’Israël et s’opposent au sionisme comme entité illégitime.
Qu’en est-il des hommes?
On ne connaît de la guerre d’aujourd’hui, que celle de l’Ukraine (qui n’est pas notre propos) et celle de libération d’une Palestine qui tarde à venir. Le monde sait son récit politique et géopolitique, médiatisé et contrôlé par la communication militaire, qui fait partie du dispositif déployé. Pourtant dans les rangs des institutions militaires, il existe un autre besoin de paroles. Parler des opérations qui se déroulent bien, parfaitement réussies, d’autres qui le sont moins, parce que mal organisées; les jeunes voudraient évoquer le danger plus grand que prévu, les frustrations d’un feu incessant, alors qu’ils espéraient rentrer promptement dans leur pays promis; mais aussi la peur, les insomnies après les combats, les vies de famille ruinées ou l’insensibilité à la douleur des autres. Tuer ou être tué. Les témoignages sont souvent émouvants, livrés de manière brutale ou assez factuelle, parfois candides, sans préparation de personnes traumatisées de par et d’autre du front, par les opérations suicides et les raids. Reste au bout du chemin beaucoup de solitude et de désarroi et aussi du désespoir. Des questions lancinantes reviennent entre les lignes, que l’on se pose du regard; quels sont les ordres? Qui est l’ennemi? Cette incertitude, surprenante, est pourtant le centre principal de préoccupation. Pourquoi et comment ces femmes et ces hommes endurent la douleur, la leur, celle des autres. La mort est présente partout, pour sa menace, sa promesse ou sa fulgurance et elle hante les esprits. Les combattants racontent entre eux la mort des leurs, celle de leurs ennemis et les traces qu'elle laisse chez les vivants, militaires et civils, adultes ou enfants. Des hommes, avant toute chose, plongés au cœur d'un événement infernal qui les dépasse. Au-delà des mots, parfois poignants, l'histoire d'un basculement. Dans un premier temps, le climat est à la confiance, les combattants ont le sentiment d'une guerre juste, convaincus par exemple qu'il faut attaquer l’adversaire car ce sont eux qui ont commencé d’attaquer. Puis vient un autre visage du conflit, telle pilonnage de Gaza et le ciblage des civils et non-combattants; et le temps d'une guerre facile est définitivement révolu. L'enlisement présage peu à peu de la catastrophe finale. Que savent exactement les réservistes Israéliens des exactions d'une ampleur inégalée commises par Israël? Les choses sont dites sans ambages; la plupart des soldats de l’armée israélienne sont parfaitement au courant, pour y avoir directement participé, à un moment ou à un autre de leur vie militaire. Ils devront en rendre compte en temps et heures. La machine de guerre est aussi une machine de mort, dont le caractère monstrueux n'empêche pas, chez certains acteurs, une humanité vibrante.
Monji Ben Raies
Enseignant Universitaire
Juriste Publiciste Internationaliste et Politiste
Chercheur en Droit public et Sciences Politiques
Université de Tunis El Manar
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis