COP 28: Les sceaux de l’apocalypse environnemental brisés
Par Monji Ben Raies - André Maurois a pu écrire dans son livre «Ce que je crois», (publié en 1952): «Je crois que l'homme ne peut vivre sans poésie. Tous les hommes n'aiment pas les mêmes formes d'art parce que leurs passions et leurs angoisses furent différentes, mais tous ont besoin qu'un artiste ramène pour eux le monde à l'échelle humaine. Je crois que de beaux tableaux, de beaux drames, de beaux romans sont aussi nécessaires à l'humanité que des lois sages et de religieuses cérémonies. Je crois qu'un artiste, en créant un monde neuf, sauve à la fois lui-même et les autres.».
Bientôt la COP 28. Après 27 sessions COP de décideurs autistes, et toujours les mêmes alarmes. La planète en est à 1,1°C par rapport à l'ère préindustrielle. Tout le monde était prévenu mais personne n'a écouté, jusqu’à ce que nous atteignions l’irrémissible seuil de non-retour. Les hausses de température, les modèles océaniques qui ont changé et les calottes glaciaires des pôles, en train de fondre de plus en plus vite. Ils appellent cela des conditions météorologiques extrêmes, sans qu’ils sachent réellement ce qu’"extrême" signifie. Des ouragans dans des lieux où il n’y en a jamais eu, des tornades dont la force dépasse les échelles de mesure, des inondations dans des zones désertiques et les sécheresses; ces phénomènes devenant endémiques pourraient déclencher des vagues de destruction sur notre planète que nous n’avons jamais connues.
Des incendies dévastateurs, des extinctions massives, une instabilité politique mondiale, ... le pire est vraiment à venir. Imaginez un monde où la température moyenne augmenterait de +4°C. Un monde où les jours de pires canicules, pouvant parfois frôler les 50 degrés à l'ombre, voire les dépasser dans certaines régions de la planète, ne seraient que des journées ordinaires d'été. Un monde de sécheresses, de nappes phréatiques anémiques. Un monde où les cyclones, tornades et tempêtes tropicales dévasteraient des régions où ils étaient inconnus, où de gigantesques incendies de forêt se produiraient de manière quasi-routinière chargeant l'atmosphère de particules venant s'ajouter à la pollution des villes. Nous perdrons bientôt des Etats entiers et des villes côtières, des littoraux en bord de mer par la montée des eaux. Imaginez les rivières et fleuves intérieurs engloutissant en partie les grandes métropoles; la Tamise, Londres; l'East River, la partie basse de Manhattan; la Seine, Paris; Venise submergée par les eaux de sa lagune.
La canicule tuant des millions de personnes. Des gens mourant sous l’effet de la chaleur, non pas à l’autre bout du monde, mais à notre porte. Dans un monde à +2 °C, les décès annuels causés par la chaleur augmenteront de 370 %, il en mourra cinq fois plus d’ici 2050. A cette échéance, plus d'un demi-milliard de personnes supplémentaires pourraient souffrir d'insécurité alimentaire dans le monde. Nous serons alors face à notre propre extinction, confrontés à un problème global qu'aucune nation ne pourrait résoudre seule. Le monde résigné se réunira alors pour ne faire qu’un, pour riposter. Les scientifiques de tous les pays devront travailler sans relâche, non pas en tant que représentants de leurs Etats de ressort mais de l'humanité. Ils devront trouver un moyen pour neutraliser les tempêtes en déployant des contre-mesures conçues pour avoir un impact sur les éléments de base de la météorologie, chaleur, atmosphère, pression et eaux. Il y a une morale ; nous ne pouvons et ne pourrons pas défaire le passé. Tout ce que nous pouvons faire c'est affronter ce qui nous attend. Une planète, un peuple, et aussi longtemps que nous nous souviendrons que nous partageons un avenir commun, nous survivrons.
Un portrait de notre présent et du futur
Notre monde semble gris; la vie, tout ce qui a été accompli, tout a perdu de son sens et de son attrait; voilà qui est inquiétant. La force de la nature sera toujours de nous montrer ce qu'elle ne nous dit pas avec une qualité visuelle rarement effleurée auparavant de cette manière, plonger des milliers d’âmes au cœur du nouveau à la beauté resplendissante, dont la relation au vivant apparaît comme exemplaire et diamétralement opposée à la société consumériste qui définit encore notre humanité à ce jour; à commencer avec la narration démoralisante d'hommes délaissés peinant à avancer dans un environnement moderne sans nature ni humanité au milieu d'une foule de personnes dont la plupart portent des masques. Un portrait bien terne de notre présent et du futur auquel il nous est aujourd'hui étrangement facile de nous identifier et c'est une fable intéressante pour illustrer un idéal de sagesse encore trop souvent oublié.
Les crises, sanitaires, économiques, sociales et écologiques auxquelles nous faisons face s'articulent avec le développement de technologies de plus en plus innovantes et les questions éthiques et morales concernant l'intelligence artificielle poussent même certaines personnalités à envisager d'augmenter l’homme, son corps et l'intelligence humaine et à coloniser d’autres planètes, une situation qui pousserait naturellement les esprits libres que nous sommes à fuir délibérément dans un monde de rêverie et de doux songe; notre lune, un spectacle à couper le souffle de jour comme de nuit. La biosphère révèle un équilibre qui alimente à la fois la fascination de l'étrange et l'empathie de la proximité.
On peut y découvrir des créatures diverses étranges comme les lémuriens, inoffensifs et très agiles; ils sont capables d'effectuer des sauts de plus de 12 mètres d'un arbre à un autre, des prédateurs, des animaux dont la communication et l'organisation sociale évoque celle des hyènes ou, haut dans les airs, il y a les irrésistibles êtres volants à l'allure surnaturelle. Ils animent le ciel rappelant le règne d'une autre espèce légendaire les dragons où les ptérodactyles des temps anciens, si encore une fois on s'en réfère au réel. Ils dominaient les airs et en étaient les maîtres car dans ce royaume bleu, c’étaient les animaux les plus respectés de l’ancienne Terre. Une biosphère resplendissante dont les montagnes insolentes, culminant à plusieurs kilomètres, pourraient être la signature de ce monde en quête d'inconnu; et fait briller un univers à l'esthétique singulière, tout en réveillant notre âme d'enfant, au point d'en oublier les merveilles de notre propre existence. Mais qu'y a t il de réel dans tout ceci, je veux dire si au premier regard on est tenté de se dire que la terre promise dont nous rêvons tous était déjà dans nos vies, proposant de plus grandes merveilles encore ; la découverte d'un signal électrique parcourant le sol de la forêt à travers un vaste réseau de racines, une structure biologique dont la transmission rapide d'informations rappelle celle du cerveau humain, notre cerveau architecturé comme un ensemble de cellules nerveuses. On y compte entre 86 et 100 milliards de neurones interconnectés.
L'information nerveuse transite de neurones en neurones à très haute vitesse; dans les fibres nerveuses les plus larges elle circule à une vitesse allant jusqu'à 120 mètres par seconde soit 430 km / heure. Une vraie autoroute de l'information, juste derrière notre front, semble dominer; et dans cet environnement cérébral, les arbres ont une importance capitale. Ils semblent être les centres de commande d'un organisme géant ou un système nerveux global qui traverserait ce monde en reliant tout. Nous prenons conscience d’un écosystème où tous les êtres vivent en harmonie, respectent les équilibres naturels de la vie et considèrent leurs terres non pas comme un territoire qu'ils peuvent dominer et dont les ressources sont exploitables, mais comme tout, un organisme vivant à part entière qui les accueillent et leur prête la vie. J’essaie de comprendre la relation profonde d'un réseau d'énergie qui circule dans toutes les choses vivantes ; comme toute cette énergie n'est que prêtée, un jour il faut la rendre et c'est ici que nous recevons l'essence d’un souffle, comme le nectar d'un fruit précieux, la vie qui nous est confiée en prêt et qu’un jour nous devrons rendre ; des mots qui rendent grâce aux vivants et célèbrent l'existence lorsqu'elle est vécue en pleine conscience et pour ce qu'elle est vraiment, un message fort qui sonne comme inconfortable pour celles et ceux qui sont très attachés à leur identité personnelle et à leurs possessions matérielles.
Et si ‘’Gaïa’’ existait
Le lien avec le vivant permet de ressentir et d'échanger des informations en temps réel, se connecter à l'esprit de la nature et y retrouver le savoir des ancêtres, mais aussi s'unir dans un amour fidèle et éternel, la magie de gestes simples qui supprime la séparation entre les choses vivantes et pourrait permettre à l'individu de se diluer dans un champ bien plus vaste, qui unit à la fois ses propres perceptions et celles d'une énergie plus grande, une expérience physique et spirituelle quotidienne dont seraient tirés de précieux enseignements de fraternité, d'humilité et de sagesse, mais aussi d'indescriptibles sensations ; et les expliquer serait aussi frustrant que d'essayer de décrire le sens de la vue à une petite cellule humaine. Et c'est là que le bât blesse pour nous humains dont la séparation semble actée par ce coup de scalpel sur le cordon qui nous liait à notre mère. Une fois de plus, observons notre monde et quittons un instant la poésie du rêve pour embrasser notre réalité de tous les jours avec un regard plus affûté. Sur terre chaque créature est le château intime de son être, elle est le centre de son monde et le sanctuaire de sa perception.
Chacun des êtres humains est séparé et se sent comme le centre du monde et perçoit le reste du vivant comme extérieur à lui-même. Le monde des hommes est composé de plus petites choses, les Etats, qui se ressentent aussi comme le centre du monde et chaque individu et chaque regroupement d’unités forme un nouveau centre si bien que le centre est absolument partout; et les Hommes voient le monde à travers le prisme de leur personnalité, une identité, une idée d’eux-mêmes qui en fait des êtres enchaînés à leurs propres conditionnements, qui les empêchent de voir l'autre vérité, de créer le vrai lien, car ce lien existe bel et bien, même s’il n'a pas besoin de prendre forme pour se manifester à chaque instant. Mais pour en faire l'expérience il est nécessaire d'aller au fond de soi et de laisser au silence le temps de faire disparaître le moi arrogant, car il n'y a pas de moi tout comme il n'y a pas d'extérieur. C’est un mensonge comme la séparation, une illusion. Les sages d’il y a bien longtemps avaient nommée ‘’Gaïa’’, l’interaction de l’ensemble des organismes vivants qui maintiendrait des conditions optimales à la vie sur Terre, constituant une Terre-Mère, «une entité complexe comprenant la biosphère terrestre, l’atmosphère, les océans et la terre, l’ensemble constituant un système de feedback ou un complexe cybernétique qui rechercherait à maintenir un environnement physique et chimique optimal pour la vie sur la planète. La préservation de conditions relativement constantes par un contrôle actif pourrait être décrite de manière satisfaisante par le terme ‘homéostasie’.» (Lovelock, «The Ages of Gaia: A Biography of Our Living Earth», Paris, Robert Laffont, 1990, p. 31-32).
Tous les êtres vivants connectés à Gaïa grâce à une connexion neuro-psycho-physico-chimique, qui s'effectue à travers la faune. Une entité existant dans le réseau vivant parcourant la surface de la Terre. Chaque arbre, chaque plante de la Terre permet 104connections, et il existerait 1012arbres et plantes dans le monde, ce qui fait de la Terre un centre nerveux plus complexe qu'un cerveau humain, et que ce cerveau terrestre soit la résidence de Gaïa, une entité consciente à part entière. En elle-même, Gaïa est difficile à décrire humainement parlant, une Mère-Nature. D’un point de vue biologique, elle n'a jamais été observée, mais les théories penchent pour une forme d'Intelligence naturelle (I.N.) sous-jacente au bio-réseau planétaire, qui se serait formée lors des premières activités géologiques, il y a des milliards d'années. On ignore si Gaïa possède une conscience, mais on sait qu'elle vit dans la nature, littéralement. Elle régit tous les aspects de la culture naturelle, à la fois dans les moments de bonheur et dans ceux qui sont chargés de conflits. Une conscience décentralisée, distribuée globalement, un concept par lequel tout retourne à Gaïa, à la Terre.
Poser notre bagage de croyances et de conditionnement.
C'est une autre manière de dire que nous sommes tous endormis et donc, peut-être le temps est-il venu de se réveiller, d'accepter l'autre vérité, celle qui dit que nous sommes tous liés entre nous et à notre monde. Ce réel révoque la pensée qui domine la science moderne d'aujourd'hui, à savoir que l'esprit conscient est un produit du cerveau pour mettre en avant une autre idée, celle qui considère que le cerveau serait davantage une sorte de récepteurs offrant à l'esprit la possibilité d'expérimenter une vie matérielle. Ce positionnement donne à cette idée une dimension profonde rendant absurde que la matière soit à l'origine de l'esprit et faisant de la possibilité du transfert de l'esprit humain d'un corps à un autre une réalité incontestable, une théorie aussi fortement mise en avant dans le transhumanisme, très habile dans l'art de flirter avec l'immoralité.
La pollution lumineuse de nos villes nous empêche de voir les milliers d’étoiles qui ornent le ciel et nous prive du fabuleux spectacle naturel que la nuit a proposé aux hommes depuis des millénaires; notre dépendance à la société moderne et notre difficulté à voir ce qui est juste sous nos yeux, et notre ignorance des forces du vivant et de l'équilibre naturel des choses. Notre satisfaction enfantine à vouloir voir les méchants prédateurs tue notre personnalité et fait de nous des aveugles; la plupart d'entre nous serait incapable de se débrouiller seul dans la nature et notre dépendance à la chaîne de production industrielle nous déconnecte des maillons de la chaîne du vivant et de la réalité de la Terre. Ainsi sommes-nous tentés de nous réjouir de la mort d'animaux sensibles, parce que notre idée de la morale a choisi de les désigner comme des ennemis inférieurs, alors qu'il aurait été plus juste et certainement plus sage, de simplement ne pas se mettre en danger; sagesse consciente des anciens contre ignorance suffisante d'une personne qui croit déjà tout connaître; bien trop sûre de ce qu'elle croit déjà savoir de la survie, mais qui ignore tout et ne voit rien de la réalité.
On ne peut remplir une coupe qui est déjà pleine, nous enseigne l’ancien adage, pour apprendre il faut accepter de faire le vide, de renoncer et de poser notre bagage de croyances et de conditionnement. Il y aurait une sorte de transmission de type électrochimique permettant aux arbres de communiquer entre eux. Cela agirait comme les synapses entre les neurones et chaque arbre entretient un réseau impressionnant de connexions avec les arbres voisins et on sait qu'il y a environ 1012 arbres sur Terre, ce qui est énorme, soit plus de connexions que dans le cerveau humain; c'est comme un réseau d'une dimension phénoménale auquel les espèces ont accès et grâce auquel elles peuvent échanger des données de la mémoire dans des lieux tels que celui que nous aurions détruit.
Il est important de comprendre que notre conscience collective est corrompue par les systèmes en place, des systèmes fondamentalement discutables et conçus essentiellement pour maintenir un contrôle et une cohésion de masse. Ils sont pensés pour servir les intérêts des Etats et des entreprises, consortiums et firmes, partout dans le monde. La création de la monnaie sur laquelle est basée toute l'économie mondiale est l'une des plaies qui frappent notre espèce, une monnaie conceptuelle, digitale ou papier, sans valeur si ce n'est celle de la confiance, une confiance qu’une crise économique, sociale, sanitaire ou écologique peut largement ébranler. Pourtant dans notre tête et dans nos vies, l'argent déplace un nuancier considérable d'émotions et de comportements, parfois individualistes et autocentrés, qui nous éloigne et entretient l'idée de la séparation, ce qui indéniablement conditionne notre manière de communiquer, d'échanger et de percevoir les autres et le monde.
Notre société se définit comme une somme juxtaposition d'individus. Séparés, ces individus sont faciles à maîtriser tant qu'ils dépendent de la monnaie. Cette monnaie est une fiction, une entité invisible, déconnectée du réel, mais qui pourtant, en arrière-plan, tisse la toile de la majorité de nos interactions et façonne la condition humaine. En découvrant une abondance de ressources monnayables, il sera davantage question d'intérêts financiers que d'initiation au subtil et au sacré ; et si le plus gros gisement se trouve sous un immense arbre, un arbre vénérable qui s'avère être le lieu de connexion avec les divinités naturelles, un arbre plus grand que le plus haut séquoia de notre monde, un arbre millénaire, il sera abattu sans se soucier de ce que la chute de l'arbre emporte la vie que cet écosystème a mis tant de temps à bâtir.
Les faibles perçoivent les échecs avec accablement là où le fort y voit une opportunité d'apprendre et de faire mieux; et tout porte à croire que, faisant face à la difficulté sans créativité et courage, ce qui fera de nous un être fort ne sera simplement que notre aptitude à percevoir les chèques comme une étape supplémentaire vers notre réalisation. C'est ainsi qu’au milieu des cendres, alors que l'ombre règne, que nous devons faire le choix d'incarner la lumière. Le royaume bleu à un empereur et il est temps de le joindre à la révolte. Face à l'adversité nous avons toujours le choix; il y a toujours au fond de nous un espoir, une force qui dépasse celle du corps et du mental, une énergie qui ne prend pas racine dans la matière mais dans l'âme primordiale, qui est un symbole, la clé autant qu'elle est le chemin la force autant que le guide. Elle incarne la dernière ressource, la liberté, la justice et la fraternité, celle qui en nous activera les plus grandes volontés; le lien n'a jamais été aussi fort le cavalier et sa monture de feu parcourent le ciel pour rassembler tous les peuples du monde face à l'avidité et à la convoitise. C'est un nuage de guerriers qui charge l'adversaire avec la ferme intention de reprendre en main sa propre liberté.
Ce combat se joue aussi chez nous, ici et maintenant, hélas, directement dans le cœur de chacun d'entre nous, contre cette partie de nous qui réclame égoïstement l'attention, convoite avidement une réussite personnelle et s'accroche à l'idée d'avoir toujours un peu plus et un peu mieux que les autres ; cette partie de nous qui se contente de juger le monde comme étant injuste, sans jamais prendre en main sa propre vie; cette partie de nous qui, dans la difficulté, dans la peur, se recroqueville sur elle-même et fuit; cette partie de nous qui s'échappe face à la vérité et dénonce son propre reflet dans le miroir que sont les autres.
Aujourd'hui beaucoup militent pour la création d'un système plus équitable et pour un retour évident à la terre, pour une réaction de nos institutions face à l'urgence de s'intégrer autrement, un environnement qui change pour sensibiliser le plus grand nombre à l'importance d'entretenir les sols et de vivre en accord avec cette immense organisme vivant qu'est notre planète; mais trop souvent encore nous oublions que ce combat a lieu en nous-mêmes et que le changement doit s'initier en chacun.
C'est une véritable inversion des pôles de l'esprit que de cesser de voir le monde comme un ensemble de ressources produisant des intérêts et du profit pour préférer y voir de la liberté et de la vie. Il est impossible de bâtir un nouveau monde sans que sa création commence dans nos esprits; impossible de dessiner les contours d'une civilisation plus sage sans qu'il y ait initiation à la sagesse accessible; impossible d'envisager la cohésion et l'harmonie sans qu'il y ait sincérité et bienveillance. Bien trop souvent nous nous trompons de combat et choisissons les mauvaises armes; nous utilisons encore trop souvent les leviers de la punition, de la privation et de l'interdiction pour ériger de nouvelles règles au statut de valeur et les leviers de la récompense pour valider, estimer, stimuler les bons suiveurs.
Nous perpétuons un langage violent et condamnons les écarts de conduite, alors que c'est la bienveillance et la bonne volonté qui, de l'action, sont les plus grands moteurs. Il est impossible de fédérer un collectif puissant sans faire de l'entr'aide, de la collaboration passionnée et de l'esprit de fraternité, des valeurs inébranlables. Seul le langage du cœur et la force du lien, pourront être fort pour qu'ils règnent sur la vallée des ombres. Le changement ne pourra avoir lieu que lorsque la dernière ombre, celle de l'avidité, de l’aversion et de l'ignorance, quittera définitivement nos cœurs ; et si le monde sombrait dans l'obscurité alors nous choisiront d'incarner la lumière. Peut-être pourrions-nous nous accorder un instant de présence avant de passer à autre chose, nous autoriser un espace de silence, permettre à notre esprit de faire une bonne action.
Ces derniers temps, il est beaucoup question de colonisation d’autres planètes, comme Mars et même de sa terra formation. Certains journaux, certains détracteurs reprochent le coût que peuvent représenter ces initiatives. Entre tensions et collaborations, projets politiques et commerciaux, scientifiques et créatifs, quels sont les risques et les espoirs que soulèvent projets et projections dans l’espace ? Nous devons investir dans ce genre d’impératif, mais sans oublier les impératifs sociaux sur Terre, comme l’éducation, la santé ou l’environnement.
Dans le monde ce sont des milliards de dollars qui sont dépensés pour de l’armement, des armées qui ne servent à rien, sinon imager des souverainetés étatiques dépassées et la destruction. L’espace ne représente qu’une fraction du montant mondial consacré aux budgets de défenses. Atteindre Mars sera probablement la plus grande de toutes les réussites humaines, non seulement pour la science mais aussi pour l’avenir de notre planète. Explorer l’espace est sans doute la chose la plus difficile que l’humanité ait entreprise. Cela nécessite le meilleur de l’homme, de chacun de nous. Ce n’est peut-être pas dans notre nature de travailler ensemble, mais notre avenir et notre survie nous imposent qu’il en soit autrement. Alors maintenant nous devons nous unir et nous réaliserons nos rêves ensemble, ces rêves qui autrefois nous semblaient impossibles. Nous pouvons tout faire, conquérir l’espace et survivre aux crises qui s’annoncent. Nous atteindrons la surface de Mars et tous nos objectifs et nous demeurerons chez nous par devers et contre tout.
L’homme par ignorance, a détruit son habitat, sans avoir appris à le connaitre et à le comprendre. L’homme n’a pas été capable de préserver sa planète, et les Etats ne font toujours rien pour contenir la crise de vie planétaire qui s’annonce, qui est là, à notre porte. On parle de réfugiés climatique et d’apatrides d’un nouveau genre, ceux qui auront perdu leur Etat de ressort, parce qu’englouti par l’océan. Que va-on faire des personnes dans ce cas tragique? Va-t-on les envoyer sur Mars, comme colons potentiels, pour peupler la planète? Aller dans l’espace nous apprendra peut-être l’humilité et nous permettra de savoir quelle est notre vraie place dans l’univers et le privilège dont nous disposons d’exister.
Neuf processus sont retenus comme étant les sceaux planétaires, les seuils de perturbations à ne pas transgresser, pour espérer préserver l’intégrité physique de la Terre; car rompus ensemble, ils remettent en cause la stabilité de la biosphère; ce sont, le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles biogéochimiques, du CO2, de l’oxygène, de l’azote et du phosphore, les changements d'utilisation des sols, l’acidification des océans, l’utilisation mondiale de l’eau, l’appauvrissement de la couche d'ozone, l'introduction d’entités nouvelles dans l’environnement (pollution chimique) et l'augmentation des aérosols dans l’atmosphère.
Six seuils planétaires ont été franchis jusqu’à 2022; la Terre se trouve désormais en dehors de l’espace opérationnel sûr pour l’humanité sans qu’aucun signe de retour en arrière ne soit enregistré. Des limites qui représentent le risque que des perturbations de notre environnement déstabilisent le système Terre à l'échelle planétaire du fait de l’Homme. Le plus connu des neuf seuils planétaires est le changement climatique. Les seuils planétaires interagissant entre eux, le changement climatique et l’intégrité de la biosphère, la diversité génétique, constituent deux piliers de la stabilité de notre Planète qui démontrent que l'atténuation du réchauffement climatique et la sauvegarde d'une biosphère doivent aller de pair. Le monde utilise de plus en plus de biomasse comme alternative aux ressources fossiles que sont le charbon, le pétrole et le gaz. Ce faisant, cela change l'affectation des sols et détourne environ 30 % d'une énergie qui devrait rester disponible pour la nature, avec pour conséquence très probable, une perte de la biodiversité. L’assèchement des rivières met à mal les poissons d’eau douce. Le 29 juin 2023, les Nations Unies ont finalement adopté l'Accord sur la biodiversité au-delà des juridictions nationales («BBNJ»). Si ce traité constitue une véritable étape pour la protection internationale des zones marines, certaines incertitudes et obstacles potentiels subsistent à son application effective. C’est la dynamique, et la portée systémique de ces perturbations, qui inquiètent les scientifiques. Car chacune de ces neuf perturbations anthropiques serait trop souvent étudiée isolément. «Mais cette approche ignore les interactions non linéaires et les effets agrégés de ces perturbations sur l’état global du système Terre».
Les sceaux de l’apocalypse environnemental
En 2009, le «Stockholm Resilience Center» établissait que neuf conditions constituaient les limites à ne pas franchir pour maintenir l'équilibre des écosystèmes de la planète et la survie humaine, neuf sceaux à ne pas rompre, pour que ce qui se trouve sur la Terre ait un avenir préservé. Parmi les neuf sceaux planétaires apposés par la nature pour la maintenir en équilibre, huit ont déjà été brisés. Depuis 2015 jusqu’en 2023, en seulement huit ans, nous sommes passés de trois à huit seuils planétaires transgressés, le dernier en date est celui de l’eau douce, ressource devenue de plus en plus rare, inégalement répartie et gaspillées. En 2023, deux sceaux critiques ont été rompus, la quantité de particules fines dans l'atmosphère et l'acidification des océans. L’avenir de l’humanité semble désormais en balance pour cause de dérèglement de la mécanique planétaire. C’est un constat triste et alarmant, si l’on considère que nous avions quand même une marge de manœuvre pour prendre des mesures de survie, depuis que le signal d’alarme avait été tiré et que nous avons simplement ignoré la sirène d’alerte. Le viol environnemental planétaire par les Etats et les activités des hommes a continué et la mécanique terrestre de se désagréger dans un crescendo irrémédiable. Huit des neuf sceaux naturels ont déjà été brisés maintenant, déchainant autant de cavaliers d’une apocalypse d’un autre genre, le changement climatique, le cycle de l'eau douce, l'érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’oxygène, du CO2, l'azote et du phosphore, la déforestation et la pollution chimique, le changement du climat, l'air pollué, l'eau contaminée par une utilisation excessive d'engrais azotés et phosphatés, les approvisionnements en eaux souterraines par une mauvaise gestion, les eaux douces de surface, l'environnement naturel non-bâti et l'environnement naturel bâti par l'homme. Deux nouveaux sceaux rompus récemment, l'acidification des océans, avec de lourdes conséquences pour les espèces qui les habitent, et la tendance s'aggrave à mesure que les émissions de CO2 continuent d'augmenter ; l’autre limite outrepassée, la quantité d’aérosols atmosphérique, particules fines dans l'air (poussières, cendres, suie, sable) pourrait affecter la respirabilité de l’atmosphère et provoquer des affections respiratoires. Seul un dernier sceau n’avait pas été rompu, l’état de la couche d’ozone se maintenait au-delà des niveaux nocifs pour les humains en groupe, mais pas tout à fait au-delà de la ligne directrice de sécurité pour la planète en tant que système. En septembre 2023, des chercheurs devaient découvrir un des plus grands trous jamais observés dans la couche d'ozone, au-dessus de l'Antarctique, qui atteignait la taille d’un continent, couvrant une superficie équivalente à celle de l'Amérique du Nord.
Notre situation actuelle est marquée par des risques croissants et potentiellement catastrophiques, à l'échelle planétaire. Certaines régions du monde vivent actuellement une période de sécheresse inquiétante, la pluie semblant ne plus vouloir tomber, seuil planétaire qui touche au cycle de l'eau douce. Dans d’autres pays il pleut au-delà de la mesure ; séisme au Maroc, ouragan tropical en Méditerranée dévastant la Grèce et la Libye, des précipitations et inondations dévastatrices dans des régions sèches … des catastrophes hors du commun se sont succédées en 2023, laissant derrière elles des milliers de victimes, des enfants, femmes et hommes survivants, sans toit, ni abri, ni nourriture suffisante, choqués et des ruines.
Poursuivre de façon inconsidérée sur la voie d'une exploitation toujours plus importante des ressources de notre Planète devait immanquablement nous mener dans le mur, un mur dressé quelque part sur le chemin, du XIXe au XXIe siècle, qui doit nous empêcher d'accéder librement à un avenir que l’homme a compromis, avec pour résultat, une dégradation dramatique de nos conditions et de notre espérance de vie, qui pourrait mener à la disparition de la civilisation des hommes. Avant 2022, avec quatre sceaux planétaires franchis, relatifs, au changement de l’usage des sols, à l'intégrité de la biodiversité, à la perturbation des cycles du phosphore, du dioxyde de carbone, de l’oxygène et de l'azote et au changement climatique, il y avait encore quelque chose à faire. Mais à l’heure actuel, l’homme doit apprendre à s’adapter aux nouvelles conditions de vie qui vont s’instaurer ; événements climatiques extrêmes, l'état du climat mondial montre déjà des changements, sur terre, dans l'océan et dans l'atmosphère, à l'échelle planétaire, causés par des niveaux records de Gaz à Effets de Serres qui piègent la chaleur solaire. Les neuf dernières années, de 2015 à 2023, ont été les plus chaudes jamais enregistrées. De fait, les événements climatiques extrêmes ont, à eux seuls, plongé environ 16 millions de personnes dans le monde dans des crises alimentaires dans 15 pays.
En janvier 2023, un cinquième sceau venait d'être brisé relatif à la pollution chimique. Aujourd'hui, un sixième, un septième, un huitième, sceau planétaire sur neuf viennent d'être rompus. D’abord celui qui a trait au cycle de l'eau douce; un quart de la population mondiale n'ayant pas ou plus accès à une eau potable. Un monde sans glaciers, le rétrécissement des «châteaux d'eau» (glaciers) du monde, qui affecte déjà la disponibilité des ressources en eau douce dans le monde. Les perturbations du cycle de l’eau douce sont telles, qu'il existe un risque réel d'effondrement des écosystèmes entiers. Ces processus sont très difficiles à arrêter une fois qu'ils ont commencé, d'autant que le problème touche l'ensemble de la Planète et que les Etats n’ont tenu aucun des engagements de Paris de 2015. L'humidité des sols change désormais, des forêts boréales aux tropiques, en passant par les terres agricoles et les forêts tempérées. Et un sceau de plus vient d’être brisé, relatif à la pollution chimique. Des volumes inacceptables de produits chimiques se retrouvent, à polluer la nature à un rythme incompatible avec l'idée d’un espace sûr pour l'humanité. Depuis, encore un autre sceau planétaire a été rompu, Celui du cycle des nouvelles entités introduites dans l’environnement, comme les nanoparticules. Comment ne pas faire un parallèle avec l’annonce de l’apocalypse dans les livres et les sept sceaux que doit briser l’ange élu pour ouvrir le livre du jugement, libérer les quatre cavaliers (Guerre, Famine, Pestilence et Mort), déclencher la fin du monde des hommes et les évènements planétaires en résultant par la sonnerie des trompètes du jugement?...
S’adapter, réinventer la vie sur Terre
Les enjeux du présent impliquent, pour demain, une réinvention profonde des modes de vie, c’est-à-dire aussi bien la manière d’habiter, de travailler que de vivre-ensemble. La ville de demain sera aussi promesse et défi, d’intelligence, de durabilité, de savoir et de résilience, par l’éveil de la conscience de devoir changer de mode de vie et d’organisation, de la ville, du quartier, de l’îlot et de l’immeuble. Nous devons aussi changer notre rapport avec la planète et avec la nature. Les enjeux impliquent d’évaluer chaque procédé et d’interroger chaque certitude sur la manière de penser, de construire et de faire vivre un bâtiment ou une installation urbaine. Répondre efficacement à ces impératifs implique une sélection rigoureuse des procédés et matériaux employés, afin de privilégier la performance environnementale et énergétique, le recyclage et les circuits courts. La ville de demain doit sortir du prisme des zones monofonctionnelles et ainsi permettre une mixité des usages.
L’humain n’est pas le centre du monde. Perdu au fin fond du cosmos, il partage une planète anodine avec des millions d’autres espèces, toutes uniques et fascinantes, dont il dépend entièrement pour son bien-être et pour sa survie.
Dans cette immensité, l’être humain ne semble pas si exceptionnel. Et pourtant... En suivant sa propre voie, l’humain a maîtrisé les éléments, repoussé ses prédateurs, combattu la faim et la maladie, pour survivre, puis s’épanouir, et enfin conquérir. Il a inventé la philosophie, l’écriture, l’art, la science. Il a développé l’altruisme, changé d’échelle la portée et le volume de sa communication, de ses échanges, de ses connaissances et de sa réflexion. Il s’est imposé des valeurs, une morale, une éthique. Progressivement, il a aussi inventé la religion, le commerce, la politique... mais aussi la discrimination, la haine, la guerre, l’oppression et la torture...Il a développé le consumérisme, la destruction des terres et des mers, l’exploitation des autres espèces, en même temps que de la sienne. L’Homme a réussi la prouesse de souiller les plus hauts sommets du monde, et les plus profonds océans, l’intérieur des espèces, et l’extérieur de sa planète. Chaque minute, il donne naissance à 250 bébés, et produit 4 000 tonnes de déchets.
Tous les jours, il produit 240 000 voitures et annihile 400 espèces vivantes. Chaque année, il laisse mourir près de 9 millions d’enfants de moins de 5 ans, et détruit 13 millions d’hectares de forêt. L’Homme semble privilégier la croyance au savoir, l’avoir à l’être, et l’image du bonheur au bonheur lui-même. Il se pense maître de tout, mais ne se maîtrise pas. Il est la seule espèce à avoir développé la capacité de détruire son propre environnement, sans avoir développé la sagesse de ne pas le faire. L’Humain, si précoce, est encore immature, capable du meilleur comme du pire. Parviendra-t-il à l’âge de raison avant d’avoir brûlé sa propre maison ? Cette question est tout sauf...insignifiante.
Monji Ben Raies
Enseignant Universitaire
Juriste Publiciste Internationaliste et Politiste
Chercheur en Droit public et Sciences Politiques
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
Université de Tunis El Manar