News - 08.12.2023

Une analyse du Prof. Rafaâ Ben Achour : Le statut en droit international du territoire palestinien

Une analyse du Prof. Rafaâ Ben Achour : Le statut en droit international du territoire palestinien

Par Rafaâ Ben Achour, Professeur émérite -  Pour la détermination du statut du territoire palestinien, il faut remonter au plan de partage de la Palestine adopté par l’Assemblée générale de l’ONU, le 29 novembre 1947(1). Ce dernier a créé deux États (État juif, État arabe) et érige Jérusalem en zone sous administration internationale comme indiqué dans la carte ci-dessous:

Plan de partage

Le plan, rejeté par les Palestiniens et les États de la ligue arabe, n’aboutira pas à la création de l’État arabe. Au contraire, le 14 mai 1948, l’État d’Israël est proclamé. Cette proclamation déclenchera la première guerre israélo-arabe de 1948 - 1949. À la fin de cette dernière, des accords d’armistice, sont signés entre le 24 février et le 20 juillet 1949, avec la Transjordanie, le Liban, l’Égypte et la Syrie. Dans ces accords, des « lignes vertes » vont séparer le territoire d’Israël, tel que conquis suite à la guerre, des territoires placés soit sous contrôle jordanien (la Cisjordanie), soit sous contrôle égyptien (la Bande de Gaza) comme l’indique la carte ci-dessous:


Ligne d’armistice 1949

Cette situation, censée être provisoire, va perdurer jusqu’à la deuxième guerre israélo-arabe du 5 juin 1967. À l’issue de cette guerre, Israël va occuper une série de territoires dont le désert égyptien du Sinaï, les hauteurs du Golan en Syrie, la bande de Gaza contrôlée par l’Égypte et la Cisjordanie y compris la ville sainte de Jérusalem, contrôlée par la Jordanie comme le montre la carte ci-après:

Territoires occupés en 1967

À la suite de l’occupation des territoires par la guerre en 1967, le Conseil de sécurité de l’ONU adopta la célèbre résolution 242 du 22 novembre 1967 dont le texte suit:

«Le Conseil de sécurité,
Exprimant l’inquiétude que continue de lui causer la grave situation au Moyen-Orient;
Soulignant l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre et la nécessité d’œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région de vivre en sécurité;
Soulignant en outre que tous les États membres, en acceptant la Charte des Nations unies, ont contracté l’engagement d’agir conformément à 1’article 2 de la Charte.
1. Affirme que l’accomplissement des principes de la Charte exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient qui devrait comprendre l’application des deux principes suivants:
(i) Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit;
2. Affirme en outre la nécessité:
(a) De garantir la liberté de navigation sur les voies d’eau internationales de la région»

La résolution n° 242 a soulevé un problème d’interprétation. En effet, les deux textes anglais et français ne sont pas identiques. Dans la version officielle en français, il est question de «retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit », alors que la version officielle en anglais, «withdrawal of Israel armed forces from territories occupied in the recent conflict». Dans ses versions officielles en espagnol, arabe, russe et chinois (autres langues officielles de l'ONU), le texte est identique à celui en français.

Même si à l'ONU on emploie six langues officielles(2), l'anglais et le français ont une prééminence, à égalité, au sein du Conseil de sécurité. L'application de la résolution dans sa version en français signifierait le retrait d'Israël de la totalité des territoires occupés en 1967, alors qu’en anglais l'expression «from territories» qui se traduit soit par «de territoires», soit par «des territoires», sous-entendrait un retrait d'une partie des territoires seulement.

Israël et les États unis(3) ne tiennent compte que de la version anglaise pour une raison évidente : seule l’acception limitative permettrait, éventuellement, à Israël de conserver certains territoires occupés. Cette interprétation ne tient cependant pas et ne résiste pas à la logique juridique; le second considérant, affirme, en effet l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la force. D’ailleurs, les résolutions ultérieures du Conseil de sécurité utilisent toujours, pour désigner la Bande de Gaza ou la Cisjordanie, l’expression «territoires arabes occupés» ou «territoire palestinien occupé», ce qui sape l’interprétation israélo-américaine. Il en va ainsi des résolutions n° 476 du 30 juin 1980, 478 (1980), 1397 (2002), 1515 (2003) et 1850 (2008) et résolution 2334 (2016).

Dans cette dernière résolution 2342 du 23 décembre 2016, par exemple, le Conseil de sécurité:

«[R]éaffirme que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable». Il «[E]xige de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard».

Ainsi, il est incontestable que la Cisjordanie ainsi que la Bande de Gaza sont «des territoires occupés» et par conséquent soumis à l’application du droit international humanitaire, notamment la 4ème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, constamment rappelée par le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale.

Pour sa part, la Cour internationale de justice (CIJ) dans son avis consultatif du 4 juillet 2004, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur de dans le territoire palestinien occupé, affirme clairement que:

«[L]es territoires situés entre la Ligne verte […] et l'ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s'agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires tels que rapportés aux paragraphes 75 à 77 ci-dessus n'ont rien changé à cette situation. L'ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante» . Pour la juridiction mondiale «[s]elon le premier alinéa de l'article 2 de la quatrième convention de Genève, celle-ci est applicable dès lors que deux conditions sont remplies: existence d'un conflit armé (que l'état de guerre ait ou non été reconnu); survenance de ce conflit entre deux parties contractantes. Si ces deux conditions sont réunies, la convention s'applique en particulier dans tout territoire occupé au cours d'un tel conflit par l'une des parties contractantes»(6).

La Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël , créée par le Conseil des droits de l’homme en 2021(7), estime dans son rapport à l’Assemblée générale en date du 14 septembre 2022(8), «[q]u’il y avait des motifs raisonnables de conclure que l’occupation israélienne du territoire palestinien était aujourd’hui illégale au regard du droit international en raison de sa permanence et des mesures mises en œuvre par Israël pour annexer de facto et de jure certaines parties de ce territoire ». De même, dans son rapport du 5 septembre 2023(9), la Commission «[j]uge que les opérations de maintien de l’ordre de plus en plus militarisées et les attaques répétées dans la bande de Gaza visent à maintenir l’occupation israélienne illégale qui dure depuis 56 ans et servent à affaiblir l’opposition à l’occupation (ou sont utilisées à cette fin), en fragmentant la cohésion politique, économique et sociale des Palestiniens, en refusant l’autodétermination du peuple palestinien et en empêchant en fin de compte la création d’un État palestinien libre». Le 10 octobre 2023, La Commission d’enquête a annoncé qu’elle procédait « au rassemblement et à la préservation de preuves des crimes de guerre commis par toutes les parties depuis le 7 octobre 2023»

Plus particulièrement, et concernant la ville d’Al Qods, rappelons que dans son Plan de partage de la Palestine de 1947, la Ville sainte d’Al Qods (Jérusalem) est considérée comme un Corpus separatum (un corps séparé) qui doit être placée sous régime international. La ville sainte jouit ainsi d’un statut spécial visant à «[p]réserver les intérêts spirituels et religieux sans pareils qu'abrite la Ville des trois grandes croyances monothéistes [...], christianisme, judaïsme et islam». Le plan de partage envisageait en effet, la création d’un secteur de Jérusalem démilitarisé constituant une entité distincte sous l’égide du Conseil de tutelle des Nations Unies, qui devait élaborer un statut pour Jérusalem et désigner un gouverneur. Une assemblée devait être élue au suffrage universel par la population adulte, et ce statut devait rester en vigueur 10 ans, puis être dûment examiné par le Conseil de tutelle, la participation des citoyens étant assurée par une consultation par référendum.

Les hostilités qui ont suivi ont empêché l’application de la résolution. En effet,suite à la proclamation de l’État d’Israël, ce statut est ignoré par le nouvel État. Al Qods est partagée en deux parties: une partie occidentale contrôlée par Israël et une partie orientale (qui inclut toute la vieille ville) contrôlée par la Jordanie, séparées par un no man's land. La plupart des lieux saints sont alors sous contrôle jordanien.

En 1967, à la suite de la guerre des Six Jours, Israël contrôle l'ensemble de Jérusalem. Dès lors, l’accès à l'Esplanade des Mosquées est régulièrement rendu difficile aux musulmans, dans les moments de tension. Dans sa résolution n°242 du 22 novembre 1967(2) , le Conseil de sécurité:

«Affirme que l'accomplissement des principes de la Charte exige l'instauration d'une paix juste et durable «au Proche-Orient qui devrait comprendre l'application des deux principes suivants:
«a. Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit;
«b. Fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de violence».

Dans plusieurs résolutions ultérieures, le Conseil:

«Affirme que l’acquisition de territoire par la conquête militaire est inadmissible»;
«Censure dans les termes les plus énergiques toutes les mesures prises pour modifier le statut de la ville de Jérusalem»(4)
«Considère que toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens ou autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’ont aucune valeur en droit»(5) .

Toutes ces résolutions, souvent unanimes, ne trouveront aucun écho auprès de l’occupant israélien.
Pour sa part, l’Assemblée générale des Nations Unies affirmera les mêmes positions que le Conseil de sécurité notamment dans ses résolutions n° 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967, et 2254 (ES-V) du 17 juillet 1967(6).

En 1980, poursuivant la politique israélienne défiant la légalité internationale, la Knesset adopte le 30 juillet, la «loi fondamentale» sur Jérusalem». Elle proclame que «Jérusalem, entière et unifiée, est la capitale d’Israël».

Avant même l’adoption formelle de ladite loi, et réagissant à la perspective de son adoption, le Conseil de sécurité adopta la résolution n° 476 du 30 juin 1980, par 14 voix contre 0 avec une abstention (Etats-Unis). La résolution dispose:

Réaffirmant que l’acquisition de territoire par la force est inadmissible.

Gardant présents à l’esprit le statut particulier de Jérusalem et, spécialement, la nécessité de protéger et de préserver la dimension spirituelle et religieuse unique des Lieux saints de cette ville.
«Déplorant qu’Israël persiste à modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de Jérusalem.
Gravement préoccupé par les mesures législatives entamées par la Knesset israélienne en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem.
1. Réaffirme la nécessité impérieuse de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem;
[…]
3. Confirme à nouveau que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucune validité en droit et constituent une violation flagrante des Conventions de Genève relatives à la protection des personnes civiles en temps de guerre et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient;
4. Réaffirme que toutes les mesures qui ont modifié le caractère géographique, démographique et historique et le statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité;
5. Demande instamment à Israël, la Puissance occupante, de se conformer à la présente résolution et aux résolutions précédentes du Conseil de sécurité et de cesser immédiatement de poursuivre la mise en œuvre de la politique et des mesures affectant le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem».

Ignorant cette résolution, Israël n’a pas suspendu l’adoption par la Knesset de la «loi fondamentale» sur Jérusalem. De nouveau, le Conseil de sécurité réagira fermement à cette décision. Reprenant pratiquement les termes de sa résolution n° 476 (1980), le Conseil adopta la résolution n° 478 du 20 août 1980, toujours par 14 voix contre 0 avec une abstention (Etats-Unis). En vertu de cette résolution, le Conseil:

1. Censure dans les termes les plus énergiques l’adoption par Israël de la ‘’loi fondamentale’’ sur Jérusalem et son refus de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité;
2. Affirme que l’adoption de la ‘’loi fondamentale’’ sur Jérusalem constitue une violation du droit international et n’affecte pas le maintien en application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem;
[…]
5. Décide de ne pas reconnaître la ‘’loi fondamentale’’ et les autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem et demande:
a) A tous les Etats membres d’accepter cette décision
b) Aux Etats qui ont établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces missions de la Ville sainte».

Pas plus que la résolution n° 476 (1980), la résolution n°478 (1980) n’a pas été également appliquée par Israël, cependant les Etats membres des Nations Unis se sont abstenus de déplacer les sièges de leurs missions diplomatiques, de Tel Aviv à Jérusalem, malgré l’adoption de la «loi fondamentale» sur Jérusalem et malgré le déplacement des sièges des institutions politiques israéliennes à Jérusalem.

Il ressort des deux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité quant au caractère et au statut de Jérusalem, que cette ville, indépendamment de son histoire et de sa symbolique religieuse est, d’un point de vue strictement juridique, un territoire occupé et que le régime juridique auquel elle devrait être soumise est celui prévu par la IVème Convention de Genève  relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949.

Alors que la communauté internationale continuait à suivre avec inquiétude l’évolution de la situation en ce qui concerne la question de Palestine, le CS a pris une mesure importante en adoptant, le 12 octobre 1990, sa résolution 672, à la suite des actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes à la mosquée Al-Aqsa. Le Conseil, après avoir condamné tout particulièrement les actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes, qui avaient fait des morts et des blessés, a engagé Israël à «s’acquitter scrupuleusement des obligations juridiques et des responsabilités lui incombant en vertu de la quatrième Convention de Genève relative à la protection de la population civile en temps de guerre, en date du 12 août 1949, qui est applicable à tous les territoires occupés par Israël depuis 1967».

L’applicabilité à Jérusalem de la quatrième Convention de Genève a été réaffirmée par le Conseil de sécurité dans sa résolution du 20 décembre 1990 dans laquelle il exprime sa grave préoccupation devant la détérioration de la situation «dans tous les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem» et demande à Israël de s’y conformer.

La dixième session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale(10), ouverte en 1997, est restée ouverte. A la reprise de février 1999, l’Assemblée générale a affirmé son soutien au processus de paix au Moyen-Orient sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du principe «terre contre paix». Rappelant ses résolutions sur la question, notamment sa résolution 181 (II) et celles du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale a réaffirmé que la communauté internationale, par l’intermédiaire de l’Organisation des Nations Unies, porte un intérêt légitime à la question de la ville de Jérusalem et à la protection du caractère spirituel et religieux unique de cette ville. Elle a réaffirmé également que toutes les mesures prises par Israël, puissance occupante, qui ont modifié ou visaient à modifier le caractère, le statut juridique et la composition démographique de Jérusalem étaient nulles et non avenues.

La Cour internationale de Justice (CIJ) a, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 cité ci-dessus, a été très claire dans ce sens
En plus des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale citées également ci-dessus, il y a lieu de mentionner que des instruments juridiques conventionnels liant Israël à la Jordanie ou à l’Organisation de libération de la Palestine reconnaissent ce même statut à la Ville sainte. Il en va ainsi du traité de paix conclu entre Israël et la Jordanie le 26 octobre 1994. Ce traité fixe la frontière entre les deux Etats «par référence à la frontière sous le mandat [...] telle qu'elle est décrite en annexe 1 a) ..., sans préjudice aucun au statut de tout territoire placé sous le contrôle du gouvernement militaire israélien en 1967 (article 3, paragraphes 1 et 2). Quant à l'annexe 1, elle fournit les cartes correspondantes et ajoute que, en ce qui concerne «le territoire passé sous le contrôle du gouvernement militaire israélien en 1967», la ligne ainsi tracée «est la frontière administrative» avec la Jordanie.

Par ailleurs, plusieurs accords sont intervenus depuis 1993 entre Israël et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) mettant diverses obligations à la charge de chacune des parties. En vertu de ces accords, Israël devait notamment transférer à des autorités palestiniennes certains pouvoirs et responsabilités exercés dans le territoire palestinien occupé par ses autorités militaires et son administration civile. De tels transferts ont eu lieu, mais, du fait d'événements ultérieurs, ils demeurent partiels, limités et largement violés par Israël.
A la lumière de tous ces instruments internationaux et du droit international général (coutumier), il est très clair que la Ville sainte de Jérusalem est considérée à ce jour comme un territoire occupé et qu’Israël n’a de compétences juridiques sur cette ville que celles qui sont attachées à sa qualité de puissance occupante. La proclamation de Jérusalem comme capitale de l’Etat n’est pas opposable à la communauté internationale dans son ensemble. Elle a été explicitement et constamment déclarée comme étant non conforme au droit international et considérée comme nulle et non avenu. Il s’agit d’un fait internationalement illicite. La présence d’institutions politiques israélienne dans cette ville ne change rien à cette qualification juridique et au statut juridique d’occupation réalisée suite à une conquête armée qualifiée d’inadmissible. Le seul cadre juridique international applicable à la Ville sainte et à l’ensemble du territoire occupé est celui de la IVème Convention de Genève.

Les accords d’Oslo de 1993(10) ainsi que les accords subséquents, notamment l’accord du 4 mai 1994 (Accord Jéricho-Gaza), ou l’accord de Washington du 28 septembre 1998 (Oslo II), ou encore l’accord deWye Plantation (Etats-Unis) du 23 octobre 1998 n’ont pas changé fondamentalement cette situation, de même que l’établissement de l’autorité palestinienne n’a pas mis fin à l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza. Les autorités israéliennes ont gardé le contrôle et l’administration de la plupart des territoires occupés en 1967 comme le montre la carte ci- dessous. Seules les Zones A et B relèvent de l’administration de l’Autorité palestinienne alors que la zone C (60% de la Cisjordanie) demeure sous le contrôle exclusif des autorités israéliennes.

Les négociations sur le statut final des territoires occupés, y compris Jérusalem, n’ont pas abouti(11). Au contraire, Israël a intensifié sa politique d’établissement de colonies dans les territoires occupés et a multiplié ses opérations militaires dans les territoires occupés(12), notamment dans la bande de Gaza, en totale impunité et avec la bienveillance, voire la complicité des puissances occidentales et, hélas, les timides condamnations des États arabes.

Les bombardements israéliens indiscriminés, l’incursion militaire et les opérations de déplacement des populations civiles menés en vengeance à l’opération déluge d’Al Aqsa du 7 octobre 2023, déclenchée par le mouvement de résistance Hamas dans le pourtour de Gaza, constituent une énième violation de toutes les règles juridiques internationales applicables aux territoires occupés. Il s’agit d’un mépris du droit international humanitaire que la puissance occupante, Israël, est tenue d’appliquer. L’opération dite épée de fer est la continuation de la longue histoire d’Israël faite de meurtres, de terrorisme, d’agressions, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de colonisation, de spoliations, de destruction, d’emploi d’armes prohibées, de violations permanentes, systématiques et intentionnelles du droit international, un droit auquel l’État hébreu doit pourtant son existence(13).

Rafaâ Ben Achour
Professeur émérite

1) Résolution n° 181 (II) du 29 novembre 1947 intitulée «Gouvernement futur de la Palestine».La résolution a été votée par 33 voix contre 13 avec 10 abstentions. Ont voté pour: États-Unis d’Amérique, Australie, Belgique, Bolivie, Brésil, République socialiste soviétique de Biélorussie, Canada, Costa Rica, Danemark, République dominicaine, Équateur, France, Guatemala, Haïti, Islande, Libéria, Luxembourg, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Nicaragua, Norvège, Panama, Paraguay, Pérou, Philippines, République populaire de Pologne, Suède, Tchécoslovaquie, République socialiste soviétique d’Ukraine, Union sud-africaine, URSS, Uruguay et Venezuela.
Ont voté contre: Afghanistan, Arabie saoudite, Cuba, Égypte, Grèce, Inde, Iran, Irak, Liban, Pakistan, Syrie, Turquie etYémen.
Se sont abstenus: Argentine, Chili, Chine, Colombie, Salvador, Empire d'Éthiopie, Honduras, Mexique, Royaume-Uni et Yougoslavie.

2) Anglais, Arabe, Chinois, Espagnol,Français et Russe.

3) Plusieurs diplomates anglo-saxons, protagonistes de la rédaction de la résolution, ont déclaré que l'absence de l'article défini était volontaire. Arthur Goldberg, ambassadeur des États-Unis à l'ONU à l'époque et Eugene Rostow, sous-secrétaire d'État américain aux Affaires politiques sous le gouvernement Lyndon Johnson, ont défendu la position que l'absence de l'article défini afin de marquer qu'Israël n'était pas tenu d'évacuer l'ensemble des territoires occupés.

4) «Réaffirme la nécessité impérieuse de mettre fin à I' occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem»;

5) § 78 de l’avis.

6) § 95 de l’avis.

7) À l’issue de sa trentième session extraordinaire, le Conseil des droits de l’homme décide, par 24 voix pour, 9 voix contre et14 abstentions de créer d’urgence une Commission d’enquête internationale permanente pour enquêter dans le Territoire palestinien occupé et en Israël sur toutes les violations présumées des droits de l’homme commises depuis le 13 avril 2021et sur toutes les violations présumées du droit international des droits de l’homme et toutes les atteintes à ce droit qui auraient été commises depuis le 13 avril 2021, ainsi que sur toutes les causes profondes des tensions récurrentes, de l’instabilité et de la prolongation du conflit, y compris la discrimination et la répression systématiques fondées sur l’appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse. Présidée par la Sud Africaine, Navi Pillay, ancienne Haute-commissaire aux droits de l’homme de 2008 à 2014, juge et présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda, la Commission a pour membres : l’Indien Miloon Kothari, rapporteur spécial de l’ONU sur le logement de 2000 à 2008 et l’Australien Chris Sidoti, avocat spécialiste reconnu des droits de l’homme.

8) (A/77/328)

9) (A/78/198).

10) La Déclaration de principes, signée à Washington le 13 septembre 1993 en présence de Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, de Yasser Arafat, président du comité exécutif de l'OLP et de Bill Clinton, président des États-Unis, instaure un mode de négociations pour régler le problème et pose une base pour une autonomie palestinienne temporaire de 5 ans pour progresser vers la paix. Les deux parties se donnent pour objectif «notamment d'établir une autorité intérimaire autonome, le Conseil élu (le «Conseil»), pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour une période transitoire n'excédant pas cinq ans, en vue d'un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du CS».

11) Des négociations sur le statut définitif des territoires palestiniens, échouent en juillet 2000 à Camp David. Voir à ce sujet : Jalal Al Husseini et Ricardo Bocco, «Les négociations israélo-palestiniennes de juillet 2000 à Camp David : reflets du ‘’processus d’Oslo», Relations internationales, 2008/4, N° 136, p; 51 – 72. Voir également: Rafaâ Ben Achour, «L’accord israélo-palestinien du 13 septembre 1993». Revue Générale de Droit International Public, 1994, p: 337-376

12) À titre indicatif: Opération rempart en 2002 ;opération arc-en-ciel en 2004; opération jours de pénitence en 2004; opération pluie d'été en 2006; opération changement de direction en 2006 ;opération orchard en 2007; opération plomb durci en 2009; opération pilier de défense en 2012; opération divulgation totale  en 2014; opération bordure protectrice en 2014; opération gardien de nos frères en 2014; opération bouclier du nord en 2018 ;opération ceinture noire en 2019; opération gardien du Mur en 2021.
L’opération épée de fer, déclenchée le 13 octobre 2023, en riposte à l’opération déluge d’Al Aqsa du mouvement palestinien Hamas du 7 octobre 2023 a fait, selon le ministère palestinien de la santé,16 000 morts, 35 000 blessés et 6 000 disparus au 26 novembre 2023.,

13) Rafaâ Ben Achour. «Le mépris israélien du droit international: de l’opération plomb durci à l’opération vengeance légitime», Études internationales, N° 121, Décembre 2011, p: 35 – 78.