News - 10.01.2024

Slaheddine Dchicha - Gaza: «Vomito Blanco»

Slaheddine Dchicha - Gaza: «Vomito Blanco»

«Toutes les nations occidentales se sont empêtrées dans un mensonge; celui  de leur prétendu humanisme.» James Baldwin

En 1974, le grand écrivain et penseur marocain, le regretté Abdelkébir Khatibi, publiait son fameux pamphlet intitulé «Vomito blanco»* et dès l’ouverture du livre, il a posé des questions essentielles  dont la pertinence n’a fait depuis qu’augmenter et aujourd’hui encore, cinquante ans plus  tard, elles  sont d’une actualité brûlante. Que l’on juge:

«Pourquoi s'acharne-t-on à détruire le peuple palestinien? (…) Pourquoi ferme-t-on les yeux sur l'ethnocide des Palestiniens? Ne se tait-on pas sur les crimes sionistes tout en dénonçant hypocritement la contre-terreur palestinienne? (…) Au juste, pourquoi  un tel  aveuglement et une mauvaise  foi si  flagrante?» (p.1)

Depuis le 7 octobre  dernier, chacune  de  ces  interrogations s’est trouvée confirmée, étayée et amplement illustrée.

Mauvaise foi

Les montres et les agendas sont restés bloqués sur le 7 octobre  avec la ferme volonté de ne pas   contextualiser cette attaque et de ne tenir compte ni de l’ occupation, ni  de la  colonisation, ni  de  l’apartheid pour  qui  tout  geste de désobéissance, tout acte de résistance, toute velléité de rébellion  venant des Palestiniens, constitue un acte terroriste à réprimer dans le sang avec l’assentiment de  l’Occident convaincu du sacro-saint principe «Le droit d’Israël de se défendre». Et c’est au nom de ce  principe devenu mantra que, depuis trois mois, un déluge de bombes est déversé sur les  Gazaouis au  préalable transformés par la propagande israélienne en terroristes fanatiques et barbares voire  déshumanisés et réduits à la condition d’ animaux qu’il est permis et légitime d’affamer, d’assoiffer,  d’écraser et d’anéantir…

Génocide

Gaza, cette enclave assiégée, ce ghetto, ce camp de concentration, cette prison à ciel ouvert où s’entassent 2, 5 millions d’habitants est devenue depuis le 7 octobre une fosse commune pour tout un peuple, un tombeau à ciel ouvert! Et cela ne semble perturber en rien la  conscience de ce qui  est appelée la «Communauté  internationale». Cette dernière accepte sans verser une seule larme  ce bilan accablant et hélas très provisoire: les pertes palestiniennes s’élèvent à ce jour à 23 210 morts, 59 167  blessés et plusieurs milliers de disparus. Sachant par ailleurs que les enfants et les  femmes  représentent  70%  des  victimes…

Face à ce désastre, les puissants -autrement dit les U.S.A,  l’U.E et quelques-uns de leurs affidés- ne  pleurent pas et ils interdisent aux autres de le faire ou de parler de Génocide! Car ce sont eux seuls, en maitres du langage, qui peuvent définir et nommer «le génocide», comme ils l’ont fait pour «le terrorisme», «la démocratie», «la  liberté d’expression»,…

Urbicide

Les dirigeants israéliens nient, eux aussi, toute visée génocidaire et affirment faire la guerre aux  seuls «terroristes de Hamas», mais pour ce, ils recourent à des méthodes qui relèvent de la «guerre  de  la  terre  brûlée» puisqu’ils utilisent des munitions de 250 Kg qui dévastent tout: les habitations, les commerces, les hôpitaux… elles détruisent systématiquement toutes les institutions et toutes les  infrastructures… rendant ainsi toute vie impossible pour les survivants qui sont d’ailleurs fortement  incités à partir,… certains membres du gouvernement israélien parlent même de les déplacer au  Congo ou au Rwanda…  Et cet urbicide de réveiller dans la mémoire palestinienne le traumatisme de  la  Nakba de 1948 et le souvenir Deir Yassin et d’autres villages rayés de la carte par l’Irgoun, le Lehi et autres organisations terroristes sionistes…

Ethnocide

Les bombes  israéliennes n’épargnent ni les écoles, ni les universités, ni les bibliothèques… Elles n’épargnent ni les lieux de culte, ni les vestiges historiques, ni les cimetières…

Tout ce qui constitue l’identité, la culture, l’histoire, la vie spirituelle et religieuse du peuple palestinien est  saccagé si ce n’est par les bombes, c’est à coups de bulldozers… sans  oublier  les  hommes et les femmes de  science et de  culture. Outre la perte de 110 journalistes, les  Palestiniens  déplorent la mort d’universitaires comme le recteur Sufyan Tayeh, de scientifiques comme  le  Docteur  Muhammad Eid Shabir, d’écrivains et poètes comme Refaat Alareer…

Ainsi trois crimes sont en train de se commettre en Palestine au vu et au su de tous: un génocide, un urbicide et un ethnocide! Et cela ne fait que confirmer les propos de Abdelkébir Khatibi en 1974:

«Ce  que continue à vouloir Israël, c'est être l'Occident dans l'Orient, c'est expatrier le peuple palestinien hors de son projet» (p.4)

*AbdelKébir Khatibi, «Vomito Blanco», Ed. 10/18, 1974

Slaheddine Dchicha