Coup d’envoi d’une Master Class en droit de la mer et des affaires maritimes, en partenariat entre le Secrétariat général des affaires maritimes et la Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis
Une Master class en Droit de la mer et des activités maritimes vient de commencer dans le cadre d’une convention de partenariat signée entre le Secrétariat général des Affaires maritimes et la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis (FSJPST). Elle se déroulera sur cinq modules de formation entre décembre 2023 et avril 2024, à raison de cinq jours par mois.
La mer a toujours été à l’honneur à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, relevant, faudra-t-il le rappeler, d’une université au nom emblématique, Université de Carthage. Carthage, cette cité phénico-punique qui survécut au «premier génocide» de l’histoire, en 146 av. J. C., pour citer Ben Kiernan: «Cartago delenda est», «il faut détruire Carthage», martelait Caton le Censeur au Sénat de Rome. Carthage, la principale rivale de l’empire romain de Jadis, ne disparut pas pour autant. Elle s’est reconstruite et a contribué à former.Cette master class lancée par les deux partenaires se veut structurante et globale, touchant l’essentiel mais pas le tout. Le montage pédagogique, la qualité des formateurs mais également celle des participants augure d’une belle moisson, de mer. Les participants viennent de différents bords mais avec une fibre maritimiste: haute administration, magistrats, avocats, assureurs, étudiants. Les objectifs recherchés sont de:
• Permettre à des étudiants de divers horizons académiques passionnés par le domaine maritime d’acquérir des compétences horizontales en droit de la mer et droit maritime leur permettant de s’orienter ultérieurement vers une formation plus spécialisée.
• Renforcer les capacités de l’administration maritime dans le domaine des affaires maritimes (droit de la mer et des activités maritimes).
• Renforcer les compétences des professionnels du secteur privé ayant un rapport avec les domaines couverts par la formation (cabinets d’avocats spécialisés, experts maritimes, armateurs, gestionnaires, chargeurs, courtiers maritimes, agents maritimes, assureurs maritimes, etc.).
Une équipe pédagogique mixte, comprenant des universitaires de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, des hauts cadres du Secrétariat général des affaires maritimes et des différents ministères concernés par les affaires maritimes ainsi que des praticiens, des avocats et assureurs, a élaboré un programme riche de formation couvrant les cinq modules qui vont structurer ce parcours de formation. Géopolitique maritime et droit de la mer d’abord. C’est que la mer est un creuset de projection de puissance et un enjeu de pouvoir. Rappelons-en la devise exprimée au 16ème siècle: «Celui qui commande la mer commande le commerce, celui qui commande le commerce commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même» (Walter Raleigh). Cette devise est passée à la postérité grâce aux théories anglo-saxonnes postérieures du Sea power ou maîtrise des mers, et demeure d’actualité. Cette Master class donnera l’opportunité de discuter des nouveaux enjeux géopolitiques de la mer et d’offrir une grille d’analyse intéressante des dynamiques géostratégiques du monde maritime. C’est pour encadrer les visées expansionnistes et les enjeux de souveraineté que s’est forgé le nouveau droit de la mer, composante très importante du premier module. Le droit de la mer est d’abord un droit des espaces et des fonctions. Un compartimentage des mers sans précédent, un partage en surface et en profondeur, vertical et horizontal, entre l’Etat côtier et la communauté des Etats. Entre espaces de souveraineté et sous juridiction nationale, et espaces reculés, au-delà des juridictions nationales, un dégradé juridique très intéressant cristallise une reconstruction de la géographie sous l’emprise du droit.
Le droit de la sécurité et de la sûreté maritime tient une place de choix dans ce programme de formation et meublera le deuxième module de la Master class qui sera l’occasion de scruter, avec des experts tunisiens de renom, le grand corpus juridique conventionnel développé en la matière.
Le transport maritime, tel est le point nodal du troisième module dédié au Droit maritime et des assurances. Un programme riche de formation couvrant les sources du droit maritime, ses opérateurs, le navire, qualification et classification, les différents types de contrat, la responsabilité du transporteur et les contrats d’assurance maritime.
Après le navire et les opérateurs, vient le tour de la ressource et du milieu qui seront le cœur du 4eme module de la Master class dédié au Droit de la pêche et de l’environnement marin. Dans un pays où la pêche est d’abord une question de culture et un marqueur identitaire de plusieurs villes côtières, il est impératif d’interroger l’important corpus juridique régentant la pêche et la conservation des ressources halieutiques. Le couplage avec le droit de l’environnement marin est incontournable, la ressource et le milieu étant à la base du cycle de la vie et contribuant au maintien de la biodiversité. L’interrogation sur le droit de l’environnement à l’ère de la dégradation alarmante des habitats marins et du spectre du changement climatique, dans une Tunisie qui tente de se mettre au diapason des défis environnementaux guettant le milieu marin, constitue l’un des objectifs prioritaires de cette Master class.
Et l’Etat dans ce milieu largement investi d’acteurs de toute nature ? C’est le mastodonte des mers et le principal régulateur de l’espace et des usages, d’où la consécration du cinquième module à l’Action de l’Etat en mer. L’emprise différentielle de l’Etat sur l’espace maritime relevant de sa souveraineté ou de sa juridiction, à travers les différents titres de compétences qu’il détient, sera analysée dans le cinquième module, via le triptyque d’action: légiférer, contrôler, sanctionner. Outre le cadre d’action, il sera également question de voir le jeu des acteurs, avec les différentes autorités nationales compétentes.
Cette session de Master classe, bien qu’elle ne soit pas diplômante, inaugure un partenariat prometteur entre le Secrétariat Général des Affaires Maritimes et la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis. En effet, les deux parties travaillent étroitement sur la préparation d’un dossier pour le lancement d’un master professionnel qui assurera la pérennité de la formation en droit de la mer et des activités maritimes.
La mer, une importance particulière
La mer a toujours représenté un espace de communication, une source de richesse pour l'humanité et un espace d'activités économiques diverses qui peuvent offrir de nombreuses opportunités et solutions contribuant à créer davantage de richesses, d'opportunités d'emploi, de nouveaux métiers et de services de grande valeur, et la compétitivité des économies des pays.
L’évolution de l'intérêt de la mer pour les Etats a franchi une étape importante au cours du XXe siècle avec l’évolution des technologiques des moyens d'exploration et d'exploitation de la mer et l'adoption d'un certain nombre de conventions internationales ayant trait à la mer, principalement la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer de 1982, qui a établit un nouveau partage de la mer, fixer le régime et le statut juridique des espaces maritimes, déterminé les droits et obligations des États et les règles d’utilisation de la mer.
Cette importance de la mer est mise en évidence à travers les défis et enjeux multiples, divers, évolutifs et interconnectés qu’elle représente dans les domaines géopolitique, stratégique, économique, sécuritaire, environnemental et social, et plus particulièrement par les activités d’exploration et d’exploitation de ses ressources qui ont nettement affecté l'environnement et l'écosystème marin et conduit à la détérioration de l'état de la mer et la bande côtière.
Cette importance a incité la plupart des Etats côtiers à miser dans la planification et l'élaboration de leur plan de développement et modèle économique sur la mer et le potentiel, les richesses et les opportunités qu'elle offre. Ce faisant, ils se sont appuyés sur le capital humain en développant et diversifiant les formations scientifiques, techniques et juridiques dans le domaine maritime et en améliorant et développant des compétences humaines, ainsi qu’en encourageant la recherche scientifique marine et l'investissement dans les activités maritimes dans le but de se positionner sur la scène internationale et dominer l’économie maritime.
La Tunisie et la mer
L'histoire de la Tunisie avec la mer a commencé depuis le 9ème siècle avant J.C avec l'arrivée des Phéniciens et la fondation de Carthage. Depuis lors, la mer a été constamment présente dans les différentes civilisations qui se sont installées dans notre pays. Sa position stratégique importante, au carrefour de l'une des routes maritimes les plus importantes du bassin méditerranéen, berceau des civilisations, lui a permis d’avoir cette vocation maritime, d’être parmi les pays qui ont dominé le bassin méditerranéen occidental et contrôlé les routes commerciales maritimes pendant de nombreuses époques de l'histoire jusqu'au Moyen Âge.
En tant qu'état côtier la Tunisie possède de nombreuses caractéristiques et atouts qui en font un pays maritime par excellence.
• Une position stratégique au carrefour entre les basins oriental et occidental de la méditerranée,
• Une façade maritime de +1300 km
• 30 % du trafic maritime internationale passe par ses côtes nord et nord-est,
• Des espaces maritimes qui dépassent les 100.000 km2 ; ce qui représentent plus que 2/3 l’espace continental; qui sont le siège d’une activité maritime importante,
• une activité de la pêche qui représente un des piliers de notre économie,
• 8 ports de commerce qui représentent les points nodaux de notre commerce extérieur puisque plus de 96% des échanges commerciaux se font via le transport maritime
• Une activité offshore qui ne cesse de se développer,
• Une activité touristique balnéaire, aussi qui offre énormément de potentiel avec 7 ports de plaisance, et des opportunités pour développer l’écotourisme.
Cette situation et ce potentiel dont dispose la Tunisie demeure une valeur certaine pour lui permettre de se positionner comme un Etat maritime et de jouer le rôle qu'elle a toujours joué auparavant dans ce domaine.
Le Secrétariat Général des Affaires Maritimes (SGAM)
Le 18 février 2019 et par le décret gouvernemental n° 144 fut créé le Secrétariat Général des Affaires Maritimes (SGAM) un organe central qui assure principalement la fonction de coordination, anime l’exercice de l’action de l’Etat en mer. Parmi ses missions la promotion de la formation dans le domaine maritime par la formulation de toutes propositions susceptibles de promouvoir et de développer le secteur de la formation dans le domaine maritime et assurer le suivi de leur mise en œuvre.
Le renforcement de la formation dans le domaine maritime était une priorité pour le Secrétariat Général des Affaires Maritimes. Un dossier qui a été confirmé dès les premières réunions de coordination avec les différentes structures intervenantes ou concernées par la mer par la nécessité de généraliser et soutenir la formation globale et horizontale dans le domaine maritime.
Dès la mise en place du SGAM des actions ont été entreprises dans ce cadre dont notamment:
• L’organisation d’une formation de trois jours durant le mois de mars 2022 sur le droit de la mer et le statut des espaces maritimes qui a réuni des cadres des différents ministères et structures publiques.
• La signature d’une convention de partenariat avec l’Ecole Supérieure de la Magistrature en septembre 2022 portant sur la préparation d’un programme de formation continue pour les magistrats sur le droit de la mer, le droit maritime et l’Action de l’Etat en Mer ajusté selon les besoins et les spécificités du travail des magistrats.
• La signature d’une convention de partenariat avec la Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis le 18 décembre 2023 qui a permis le lancement d’une Master class en Droit de la mer et des activités maritimes» qui se déroulera sur 5 modules de formation entre décembre 2023 et avril 2024 à raison de cinq jours par mois.