La natalité au Maghreb: disparités et convergence
Par Habib Touhami - Le Maghreb compte aujourd’hui près de 106 millions d’habitants. Il n’en comptait que 27 millions en 1956. En soixante-dix ans, la population de la Tunisie a été multipliée par 2,9 ; celle du Maroc par 3,6 ; celle de l’Algérie par 4,3; celle de la Libye par 5,4 et celle de la Mauritanie par 6,5. Ce croît est évidemment dû à la baisse de la mortalité générale et infantile, mais il est dû principalement au haut niveau de l’ISF (nombre de naissances par femme). Toutefois, de 7 en 1960, l’ISF est passé en Tunisie à 2 en 2000-2004 et même à 1,8 en 2021. Au Maroc, l’ISF a atteint 2,8 en 2000-2004 et 2,35 en 2020 contre 7,04 en 1960. En Algérie, l’ISF a atteint 2,94 en 2020 contre 7,4 entre 1960 et 1974.
En dépit d’une division historique et géographique entre est et ouest, la Libye a connu elle aussi dans sa globalité une baisse de l’ISF, celui-ci passant de + 7 enfants par femme dans les années cinquante à près de 2,46 actuellement. Il ne semble pas que le partage de la Mauritanie entre un nord à dominante arabo-berbère et un sud à dominante africaine noire ait impacté significativement la baisse de l’ISF, au contraire de la sédentarisation et de l’âge au premier mariage. Selon le dernier recensement, 14.8% des Mauritaniennes âgées de 15-49 ans se sont mariées avant l’âge de 15 ans et 37.3% avant l’âge de 18 ans. Cette proportion est plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain: 17.2% et 41.3 % contre 12.1 % et, 33 %. Ceci explique en partie le niveau de l’ISF en Mauritanie (4,4).
Malgré certains particularismes nationaux, la baisse de la natalité au Maghreb s’est avérée convergente à minima, même en comptant avec le retard mauritanien. Partout au Maghreb, on a constaté une décélération graduelle du taux de natalité brut avec des variantes et des rythmes différents selon le pays. La Tunisie a été la première à instaurer une politique de limitation des naissances suivie quelques années après par le Maroc. Mais il a fallu attendre la fin des années soixante-dix du siècle dernier pour que l’Algérie abandonne le slogan «la meilleure pilule c’est le développement». Cependant, la mise en place du planning familial n’a pas constitué la seule variable impactant l’évolution de la natalité au Maghreb comme on le croit généralement. D’autres variables ont joué puissamment (âge du premier mariage, urbanisation, scolarisation des filles, développement de l’emploi féminin, etc.) sans que l’on puisse mesurer leur impact chiffré sur l’évolution de l’ISF.
Le fait est là : la convergence tendancielle de la natalité au Maghreb constitue la seule relative convergence qui ait prévalu jusqu’ici dans l’espace maghrébin. Aucune convergence de nature politique, économique ou culturelle n’a vu le jour dans un ensemble géographique et humain appelé «naturellement» à s’homogénéiser. Le Maghreb «rassemblé» constitue pourtant un marché intérieur porteur et plein de promesses pour l’avenir des Maghrébins et le sera davantage en 2075 avec ses 150 millions d’habitants. La raison d’être de l’UMA (Union du Maghreb arabe) était de travailler sérieusement à la convergence économique et culturelle de l’ensemble. Mais l’institution choisit la facilité pour devenir un «machin» aussi dispendieux qu’inutile. On ne peut que le déplorer.
Habib Touhami