Hommage à ... - 19.04.2024

Mohamed Karboul: Seul comptait pour lui le service de l’Etat

Mohamed Karboul: Seul comptait pour lui le service de l’Etat

Il avait de multiples passions : son pays, la Tunisie, son île natale, Djerba, sa famille, ses amis, l’Allemagne, dans sa pluralité, la curiosité d’apprendre et d’interroger. Mohamed Karboul qui vient de nous quitter le 10 mars 2024, à l’âge de 89 ans, avait toujours incarné des valeurs d’intégrité, de discrétion et de fidélité en amitié. Son plus grand bonheur était de replonger parmi les siens dans le Menzel Karboul, à Djerba. En Djerbien authentique, en toute simplicité.

De toutes les hautes charges qu’il avait assumées, c’est sans doute celle d’ambassadeur de Tunisie en Allemagne (1991-1996) qui l’avait le plus marqué. Mohamed Karboul est en effet un germaniste accompli, qui non seulement maîtrise la langue, mais aussi connaît bien l’histoire, la littérature et la pensée allemandes. L’Allemagne, c’est le pays où il avait fait ses études, dans les années 1960, et obtenu en 1971 son doctorat en sciences économiques et sociales. Jeune étudiant, il animait des émissions en langue arabe à Radio Cologne, militait au sein de l’Uget, participait à diverses activités et fondait avec des compatriotes l’Amicale des Tunisiens en République Fédérale d’Allemagne dont il sera président. Son dynamisme et son parcours académique ne pouvaient échapper à l’attention de l’ambassadeur de Tunisie à Bonn, à l’époque, Abdessalem Ben Ayed.

Le moule formateur de Hédi Nouira

Bio express

Né le 15 février 1935 à Djerba

Docteur ès sciences économiques et sociales (faculté de Sciences économiques et sociales, République Fédérale d’Allemagne)

Expérience professionnelle

Chargé de mission au cabinet du Premier ministre (1972-1975)

Directeur des Affaires politiques au Premier ministère (1975-1977)

Directeur des Affaires politiques au ministère de l’Intérieur (1978-1980)

Directeur au ministère des Affaires sociales (1980-1985)

Directeur général au ministère de la Famille et de la Promotion de la femme (1986)

Directeur général des Affaires politiques au ministère de l’Intérieur (1986-1987)

Directeur général de la Sûreté nationale au ministère de l’Intérieur (octobre 1987)

Secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur (7 novembre 1987)

Conseiller auprès du Président de la République depuis avril 1989

Ambassadeur de Tunisie en Allemagne (1991-1996)

Décorations

Commandeur de l’ordre de la République

Ordre du Mérite de la République Fédérale d’Allemagne

Commandeur de l’ordre de la République Egyptienne

Tout s’enchaînera rapidement en 1971. Hédi Nouira, nommé Premier ministre, appellera à ses côtés Ben Ayed pour lui confier la direction de son cabinet. Karboul venait juste d’obtenir son doctorat et rentrait à Tunis. Il sera présenté à Nouira qui l’invitera à rejoindre son cabinet en qualité de chargé de mission. Le pied mis à l’étrier, ce sera le début d’une longue carrière de grand commis de l’Etat. Directeur des Affaires politiques au Premier ministère, puis au ministère de l’Intérieur, directeur au ministère des Affaires sociales, puis directeur général au ministère de la Femme, il s’exercera à des missions sensibles, toutes enrichissantes.

Sa vision des relations professionnelles et du dialogue social, des normes de production, des conventions collectives et du développement social était toujours fondée sur la dimension humaine. Aussi précis que devaient être les indicateurs socioéconomiques et poussés par les enquêtes et les analyses, pour fonder les stratégies nationales, tout devait converger vers le renforcement des équilibres globaux, le respect des droits des travailleurs et le soutien aux populations défavorisées.

Mohamed Karboul sera de retour en 1986 au ministère de l’Intérieur, dirigé alors par Zine El Abidine Ben Ali, et tout s’accélèrera en 1987. C’est ainsi qu’il sera nommé directeur général de la Sûreté nationale, en octobre 1987, et secrétaire d’Etat, le 7 novembre 1987. Il n’occupera ce poste que pendant quelques semaines. Sa trajectoire le conduira dans une ultime étape au Palais de Carthage en qualité de conseiller auprès du président de la République, Ben Ali, en 1989, après un passage à la direction du PSD qui sera reconverti en RCD.

Une empreinte indélébile en Allemagne

Consécration de sa carrière, Mohamed Karboul sera nommé fin 1990 ambassadeur de Tunisie à Bonn et prendra ses nouvelles fonctions début 1991. Il y évoluera avec beaucoup de bonheur. Etudiant, il avait suivi la montée en puissance de l’Allemagne, fondée sur une pratique démocratique et un retour intensif au travail. Depuis lors, Karboul n’avait cessé de suivre l’actualité politique, les fondements de la croissance, l’évolution des lands, et les performances de la recherche scientifique. En plus d’un engouement pour la littérature, la philosophie, les arts et la culture. En débarquant à Bonn, il était bien imprégné du contexte. Par petites touches successives, il agissait en douceur, efficacement. Renouant avec ses amis de longue date, activant tous les leviers, il renforcera les relations bilatérales dans tous les secteurs. Il laissera une empreinte indélébile.

En adéquation avec sa conscience

C’est dans le calme et la sérénité qu’aimait travailler Mohamed Karboul. Il se concentrait sur l’examen des notes et dossiers qui lui étaient soumis, s’approfondissait dans leur analyse, cherchait à comprendre le contexte, les motivations, les conséquences et s’employait à trouver les bonnes réponses. Méticuleusement, il lisait tout. La synthèse qu’il en faisait et les recommandations qu’il formulait étaient précises et pondérées. Les décisions qu’il devait prendre lui-même étaient appropriées, en son âme et conscience. De Hédi Nouira, il avait appris le sens de l’Etat, la rigueur, la précision, l’efficience. Rien pour lui ne se faisait dans la précipitation, sans le respect de la légalité et de l’intérêt national. S’il vérifiait le détail, à la recherche du significatif, il s’attachait à l’ensemble, privilégiant la cohérence d’une démarche porteuse, d’un projet d’avenir.Humble, discret et studieux, Mohamed Karboul n’aimait ni les affrontements, ni les jeux de pouvoir. Il en avait été témoin depuis les années 1970, et surtout 1987, mais ne s’y impliquait guère. Rien n’échappait à sa vigilance d’analyste, rien ne pouvait cependant l’entraîner, en compétiteur, dans la course. Seul comptait pour lui le service de l’Etat.Son dernier retour à Djerba sera poignant. Cette fois-ci, c’est pour y reposer, en paix.

Allah Yerhamou.

Taoufik Habaieb

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