Palestine: Pour un simple statut d’observateur aux Nations Unies!
Par Monji Ben Raies - En septembre 2011, l’autorité palestinienne avait formulé une demande d’adhésion comme Etat membre aux Nations Unies. Le mouvement palestinien n’avait alors obtenu que le statut de ‘’non-membre observateur’’ grâce au parrainage de l'Organisation de la coopération islamique et de la Ligue des Etats arabes, deux organisations régionales qui se portaient garants de l’OLP. Le statut d'observateur est un privilège accordé par certaines organisations comme l’ONU à des entités non-membres pour leur permettre de participer aux activités de l'Organisation. Les observateurs pas la capacité de voter ni de proposer des projets de résolutions.
Conformément à la Charte des Nations Unies, peuvent devenir Membres de l’ONU «tous [les] États pacifiques qui acceptent les obligations de la […] Charte et, au jugement de l’Organisation, sont capables de les remplir». C’est l’Assemblée générale, sur recommandation du Conseil de sécurité, qui décide d’admettre des États candidats à l’adhésion. Si le Conseil recommande l’admission du candidat, sa recommandation est soumise à l’examen de l’Assemblée générale. Un vote favorable de l’Assemblée à la majorité des deux tiers est nécessaire pour admettre un nouvel État dans l’Organisation.
Article 4
1. Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l'Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire.
2. L'admission comme Membres des Nations Unies de tout État remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.
Pour l’admission de nouveaux membres de l’organisation, l’article 27 de la Charte des NU relatif au vote du CSNU dispose que :
Article 27
1. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix.
2. Les décisions du Conseil de sécurité sur des questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres.
3. Les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, étant entendu que, dans les décisions prises aux termes du Chapitre VI et du paragraphe 3 de l'Article 52, une partie à un différend s'abstient de voter.
L’admission d’un État à l’ONU doit donc faire l’objet d’une résolution affirmative positive du Conseil de Sécurité, adoptée à une majorité d’au moins 9 voix sur les 15 membres du Conseil dont les voix favorables des cinq membres permanents(Chine, France, États-Unis d’Amérique, Fédération de Russie et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord), c’est à dire sans que l’un d’eux n’use de son droit de veto, à l’encontre de la demande; ensuite la demande appuyée par la résolution du Conseil de sécurité doit être approuvée par l’Assemblée générale, à la majorité des deux-tiers de ses membres.
La reconnaissance d’un nouvel État ou d’un nouveau gouvernement est un acte que seuls les États membres de la société internationale et leurs gouvernements peuvent accomplir par une déclaration unilatérale. Mais l’ONU n’étant pas souveraine et n’étant ni un État, ni un gouvernement, mais une Organisation internationale dotée d’une compétence d’attribution, n’est pas habilitée à reconnaître un nouvel État ou un gouvernement et encore moins une entité qui n’est ni l’un, ni l’autre.
L’Etat au regard du droit
L’Autorité palestinienne ne répond pas aux caractéristiques de base d'un État, nécessaires pour une telle reconnaissance, selon les exigences énoncées par la convention de Montevideo de 1933 sur les droits et devoirs des États(1). Ce traité dispose que pour se proclamer «État» une entité doit remplir les conditions suivantes : une population permanente, un territoire défini, un gouvernement, la capacité d'entrer en relation avec d'autres États(2). Cet instrument est considéré comme du droit international coutumier, c'est-à-dire faisant partie du droit international général et que, par conséquent, il est opposable et s'applique par et à tous les États membres de la société internationale, même ceux qui n'ont pas signé ou ratifié cette convention internationale. Selon cette définition, il s’avère que «l'Autorité palestinienne n'a ni une population permanente, ni un territoire défini, ni un gouvernement qui aurait la maitrise du territoire assigné, ni de son peuple, ni même la capacité d'entrer en relation avec d'autres États(3)».
Contrairement à ce que l’on veut faire croire pour forcer l’opinion publique à prendre certaines positions, ce n’est pas tant le veto automatique des États-Unis, allié historique d’Israël, qui rend impossible l’adhésion du mouvement de libération palestinien en tant qu’Etat membre des Nations unies, mais le fait qu’en dépit de toutes les reconnaissances complaisantes que l’autorité palestinienne a pu acquérir(4), elle ne remplit pas les conditions juridiques pour être un Etat au regard du droit international, quand bien même les relations internationales, la politique internationale et la diplomatie seraient prêtes à écorner le droit en l’affaire présente pour faire admettre le contraire. Même sans le veto américain, si la recommandation du Conseil de Sécurité avait été adoptée, l’autorité palestinienne n’aurait pas obtenu mieux que ce qu’elle avait déjà acquis en 2012.
De plus, c'est le droit international qui énonce quelles sont les conditions d'existence d'un État. L'Etat est identifiable par des critères objectifs, des éléments constitutifs à réunir ensemble de manière cumulative ; en d’autres termes, qu’un de ces éléments fasse défaut et l’Etat ne pourra exister. Ces éléments sont un territoire et une population subordonnés à un pouvoir politique organisé et disposant du monopole de la contrainte armée. Le droit considère un Etat comme un ordre normatif de contrainte qui devra être centralisé et efficace, dans ses décisions et ses actions pour affirmer son effectivité. Le droit ou la reconnaissance internationale ne créent donc pas l’Etat, que ce soit le droit constitutionnel ou le droit international. Ces derniers ne font, au mieux, que constater qu’un Etat existe comme un fait, une situation, et en tirent des conséquences juridiques. L’apparition de l’Etat se constate au regard de la réunion cumulative des trois éléments énoncés. Une fois ce constat établi, l’ordre juridique international attribut un statut, tire les effets juridiques de cette existence et détermine le régime juridique applicable à l’entité nouvelle née. Il est à signaler que le droit international ajoute à ces éléments un autre critère et lui confère une importance particulière, celui de l’effectivité de l’Etat. Pour qu’un Etat soit effectif, il doit disposer de cette aptitude de maîtriser son territoire et sa population et la capacité d’assumer les droits et les obligations inhérents à la qualité d’Etat en soi et de membre de la société internationale. Le droit international, pour constater l’existence de l’Etat, attribue une importance accrue au territoire comme constituant factuel, au point que Georges Scelle a pu parler d’«obsession du territoire».
Il faut dire que la territorialité constitue un élément essentiel de la souveraineté, en ce qu'il permet aux États de demeurer libres et indépendants dans l'administration de leur territoire. Les juridictions internationale sont toujours veillé à ce que les sujets du droit international soient en mesure d'exercer librement leurs prérogatives au sein de leur territoire(5). Le territoire est l'étendue géographique, l’assise physique, sur laquelle va s'exercer l'autorité souveraine et exclusive de l'État. Il forme une unité cohérente, physique, administrative et humaine, sur lequel le pouvoir de l'Etat est exercé à l'exclusion de tout autre pouvoir, l'autorité souveraine et exclusive de l'État.
Lorsque l’Etat existe parce qu’il satisfait aux critères objectifs d’existence, son existence constitue une situation objective qui échappe à la volonté et qui est directement opposable à tous les membres de la société internationale. Il reste alors à cet Etat d’être admis au sein de la société internationale comme membre égal et souverain de ses autres membres. Pour cela il a besoin d’être reconnu par au moins un Etat membre de la société internationale et doit entretenir avec lui des rapports qui s’inscrivent dans les relations internationales. Si c’est le cas, il entrera dans la société internationale et agira en conséquence en assumant obligatoirement les droits et obligations qui y sont inhérentes. Du fait de leur caractère discrétionnaire, les reconnaissances d'États ne sont pas toujours bienvenues. Certaines sont prématurées, d'autres s'avèrent au contraire tardives, les unes comme les autres étant dictées par des considérations uniquement politiques et d’opportunité propres à la diplomatie. Tant qu'il n'est pas reconnu, un État nouvellement indépendant ne peut ainsi contraindre les autres États à reconnaître en lui leur pair et leur égal. Leur propre souveraineté les autorisant à ne pas considérer comme opposables sur leur territoire les actes juridiques de cet État nouveau (demandes d'extradition, cartes d'identité ou passeports de ses ressortissants). Surtout, les autres États sont également en droit de refuser d'entrer en relations diplomatiques et consulaires avec lui. De même, en pratique, l'État non reconnu par une partie de la Société internationale ne pourra espérer intégrer une organisation internationale universelle comme Etat membre.
La reconnaissance internationale n’est pas constitutive d’Etat; cependant, la non reconnaissance d'un Etat par la société internationale représente un lourd handicap. La reconnaissance d'État, c'est l'acte par lequel un État atteste que l'existence d'un État tiers est certaine. C'est aussi l'acte par lequel il manifeste sa volonté de le considérer comme membre de la Société internationale. C'est donc l'acte par lequel les États de la Société internationale déclarent qu'une nouvelle entité souveraine est apparue sur la scène internationale, qu'elle a bien la qualité d'État et qu'ils acceptent donc les conséquences qui s'y rattachent.
La question de la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État?
La question de la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État est dérangeante, car au cœur du conflit israélo-palestinien depuis 1948, tout comme l’est la reconnaissance de l’Etat d’Israël par l’ensemble des États arabes. Elle stigmatise l’impuissance pathologique de la société internationale à décider de manière impartiale de questions importantes comme celle-ci. Ce débat, en l’occurrence, suggère en effet que l’existence de la Palestine comme Etat souverain dépendrait de sa reconnaissance, ce qui n’est pas le cas, ni le propos. D’aucun oublierait que la reconnaissance n’est pas une condition d’existence de l’État en droit international. Ses fonctions sont limitées, et la question du statut, actuel ou futur de l’Autorité Palestinienne doit être envisagée à partir d’éléments objectifs de plus de poids, indépendamment des positions politiques exprimées par les uns et les autres. La question doit être décidée «en fonction des principes du droit international qui permettent de définir à quelles conditions une entité constitue un État(6)». L’existence d’un État ne dépend donc ni de sa seule aspiration à exister, ni des conditions que les autres États pourraient prétendre imposer à partir de leurs ordres juridiques nationaux. La reconnaissance, en tout état de cause, ne figure pas parmi les éléments constitutifs de l’État. Dès lors qu’une entité réunit les conditions requises, le fait qu’elle ne soit pas reconnue est ainsi sans effet sur son existence, sa pérennité et sur ses droits en tant qu’État. A l’inverse, la reconnaissance seule est sans effet sur l’existence d’un État qui ne réunirait pas ces conditions(7). À ce jour, l’autorité Palestinienne a été reconnue par 139 États sur les 193 que compte l’Organisation des Nations Unies. Toutefois ces multiples reconnaissances ne sauraient par elles-mêmes conférer le statut d’État à la Palestine. Elles sont néanmoins un horizon pour le Moyen-Orient d’une situation en devenir.
Bien qu'aujourd'hui la Palestine ne soit pas un État du point de vue du droit international, celle-ci existait avant la naissance du conflit israélo-palestinien. Son statut juridique est aujourd'hui devenu flou, alternant entre une situation coloniale et une occupation de guerre auxquelles se mêlent des aspects de droit et des aspects purement politiques. Il demeure néanmoins que la Palestine, comme d'autres entités contestées(8), est associée en permanence au conflit dans lequel elle est partie et n'est pas détachable du différend auquel elle est liée. Chaque intervention palestinienne dans la vie internationale est liéeà son conflit avec l'État d'Israël comme un rappel à l’ordre.
L'insurrection d’un peuple remet en cause, par la force, l'unité nationale et l'effectivité du gouvernement en place contre lequel il est en désaccord, ce qui peut avoir des répercussions sur la sécurité des biens et des personnes, comme c’est le cas à Gaza et en Cisjordanie aujourd’hui. À ce titre, les autres États dans l’expectative ne procèdent le plus souvent qu'à une reconnaissance d'insurrection qui a pour effet notamment de rendre les insurgés responsables au plan international de leurs actes et des dommages qu'ils causent dans ce conflit armé à la fois interne et international.
Ainsi, la dynamique imposée par l'action du Mouvement de Libération Nationale (MLN) palestinien lui-même propose une lecture de la situation politique et des faits qui, en dernière analyse, viennent rencontrer l’évidence du droit. La reconnaissance des mouvements de libération nationale est interprétée comme un élément de mise en œuvre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, leur droit à s'autodéterminer. Toutefois, le mouvement de libération nationale, l’autorité palestinienne, n’est plus l’interlocuteur inévitable dans le conflit au Proche Orient puisqu’il ne représente plus exclusivement, de fait, le peuple palestinien concerné, depuis les élections de 2006, pas plus que le Hamas d’ailleurs.
Le peuple palestinien
Un peuple est une entité réelle et physique constituée, autour d'un lien social, par un groupe d’individus ayant en commun un vécu historique et une volonté partagée d'évoluer et d'agir ensemble dans la dignité reconnue à tout regroupement d'individus, porteuse d'une potentialité à s'organiser en État, et ayant une propension à devenir titulaire des droits et devoirs impliqués par son statut de sujet de droit international et de membre de la société internationale. Mais encore faut-il qu’il satisfasse aux conditions juridiques d’existence de l’Etat pour devenir une population, composante sine qua non de l’Etat.
L’histoire du peuple de la Palestine est complexe et a été façonnée par divers événements historiques et migrations. L’émergence de l’identité palestinienne est relativement récente, puisqu’elle n’a été retracée que dès le milieu du XVIIIe siècle(9) et ne s’exprime comme nation que dans les premières décennies du XXe siècle(10). Toutefois, dans le cas de l'OLP et des Palestiniens, la cohésion entre le peuple et un éventuel État est extrêmement difficile à faire. S’il existe en effet un peuple palestinien, il n’existe pas ou plus, concrètement d'État palestinien, notamment du fait de la carence d'un territoire déterminé ou déterminable ou de son manque d’effectivité si l’on se plaçait dans une optique d’occupation de guerre(11).
Dans la lutte contre l'occupation israélienne, l'Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.) puis l’Autorité palestinienne (après la conclusion des accords d’Oslo), ont été pendant longtemps l’expression du Mouvement de Libération qui représentait officiellement le peuple palestinien uni, en lutte pour s’exprimer dans un Etat. Aujourd'hui ce n’est plus vraiment le cas puisque l’on constate que l'autorité palestinienne ne fait plus l’unanimité et ne représente plus qu’une idée d'unité qui s'est effritée avec les années d'occupation israélienne et la rivalité entre le Hamas et le Fatah. Aucun d’eux ne peut désormais être considéré comme représentatif du peuple palestinien du fait qu’ils ne s'accordent systématiquement pas. Le fait qu'un mouvement puisse être tiraillé entre plusieurs tendances et méthodes d'action, ne peut que nuire à l'exigence de cohésion minimale et d'une unité de celui-ci. Le peuple palestinien et ses représentants souffrent de fractures dont ils n'ont pas une maîtrise réelle, étant divisés notamment géographiquement et disséminés entre des camps de réfugiés, des territoires occupés et emmurés, détenus dans des geôles israéliennes ou dans des prisons à ciel ouvert comme GAZA, ou encore en exil constituant une diaspora assimilée par son environnement et ayant intégré psychologiquement sa situation. Les tentatives de l'État d'Israël de rendre le travail de l’Autorité palestinienne inefficace et figé par l'immobilité s’ajoutent au résultat des évènements du XXème siècle et des élections de janvier 2006 pour empêcher un gouvernement de prendre sa place et d'essayer de construire un ordre politique palestinien véritablement stable et fiable. Le Hamas considère que l’OLP et son successeur, l’Autorité palestinienne ont été vidés de leur substance et n’ont plus aucun sens. En outre, il est important de noter que le peuple palestinien semble être à la recherche d'une expression démocratique et d'une paix durable, loin des luttes intestines de suprématie et de pouvoir politicien.
L'OLP était l’expression matérielle, la voix et bien souvent le bras armé de tout le peuple uni par des intérêts communs et contre le gouvernement d’occupation oppressif et répressif en place en Israël. La question de la représentativité est centrale et est liée au fait que le peuple et le MLN ne fasse qu'un et que sa lutte correspond spécifiquement à celle de son peuple, de manière emblématique et caractéristique. L'OLP a donc obtenu le statut d'observateur auprès des Nations Unies en tant que représentant exclusif du peuple palestinien, une façon détournée et polie de lui faire comprendre que l’entité de libération de la Palestine ne satisfait pas aux conditions qui feraient d’elle un Etat à part entière admissible comme membre adéquat des NU et ne peut espérer mieux dans l’immédiat. Toutefois, le foisonnement croissant des conventions garantissant la protection et le respect des droits de la personne, signées par les États membres de la société internationale font de la notion de peuple palestinien un objet du droit à protéger et non un sujet de droit international.
La reconnaissance de l’Autorité palestinienne
En droit international, les mouvements de libération nationale ne disposent pas de la qualité de sujet de droit international. Ils ne sont pas des entités personnalisées, c'est-à-dire qu’ils ne sont pas dotés de la Personnalité Juridique Internationale. En droit international public il importe de distinguer strictement les simples destinataires de ses normes, et les sujets du droit international proprement dits. Ces derniers acquièrent leur personnalité juridique internationale en vertu des règles pertinentes du droit international. Ils sont les élaborateurs et les destinataires des normes internationales, et titulaires de droits et d’obligations résultant du droit international. Les personnes privées, physiques et morales (sociétés transnationales), les ONG et les mouvements de libération nationale, ne sont pas des sujets du droit international, mais peuvent être des objets du droit international lorsque les Etats ou les OI adoptent des instruments à leur propos ou les concernant. C’est le cas de tous les textes qui concernent le peuple palestinien. La qualité de sujet du droit international révèle que celle-ci implique des capacités inhérentes dont ne sont pas dotées ces entités telles que, conclure des actes juridiques valables en droit international, disposer d’un patrimoine propre et acquérir des biens, capacité d’ester en justice et de porter des réclamations fondées en droit international devant des juridictions internationales.
Sur le plan international, la reconnaissance des MLN, est manifestement à caractère déclaratif, exprimée par le biais d’un acte unilatéral international. Elle peut avoir de l'importance dans le processus de fondation du Mouvement de libération nationale, en tant que représentant exclusif et interlocuteur valable porteur des aspirations du peuple qui lutte pour son autodétermination. La société internationale aurait le devoir de les reconnaître en tant que tel, et surtout de réagir face aux situations de violations flagrantes des droits et libertés fondamentaux contre lesquelles ces MLN luttent. Pour que leur lutte soit équilibrée et que l'exercice interne du droit des peuples soit efficace, les MLN, devraient pouvoir tirer directement leur capacité d’un statut de sujet du droit international, et non uniquement de leurs reconnaissances comme c’est le cas dans la situation actuelle du droit international. Il est donc urgent de définir un statut juridique plus approprié aux MLN, qui ne soit pas subordonné à la simple reconnaissance de leur légitimité. A l’heure actuelle, leur éventuelle reconnaissance sur la scène internationale ainsi que le caractère licite de leur action, ne détermineront pas leur existence en tant que sujet du droit international jouissant d'un statut juridiquement défini.
L'AGNU a elle-même souligné dans sa Résolution 3103 de 1973(12) «la nécessité d'élaborer des instruments et des normes internationaux supplémentaires visant notamment à renforcer la protection des personnes qui luttent pour la liberté et contre la domination coloniale et étrangère et les régimes racistes», rappelant ce qu'elle avait déjà énoncé dans ses Résolutions 2674 et 2852(13).
L’Autorité palestinienne n’est que la forme institutionnelle prise par l’OLP en application des accords d’Oslo, en chemin vers l’Etacité(14). Rétrospectivement, la tentation est de dire que ces accords obtenus difficilement, étaient une illusion dangereuse, tant les protagonistes, palestiniens comme israéliens, ne semblaient pas prêts à cette paix. Et pourtant, les deux parties étaient certes en désaccord sur presque tout, mais ils ne restaient pas moins passionnément engagés dans la cause de la paix. Mais l’assassinat de Yitzhak Rabin a fait régresser ces accords à l’étape d’utopie, donnant directement lieu à l’élection de Benjamin Netanyahu et à l’exercice en Israël d’un pouvoir davantage nationaliste, religieux et aucunement prêt au compromis avec les Palestiniens. D’autant qu’Israël semble émettre des réserves à l’égard de la démocratie, investissant tous ses efforts dans une croyance ferme en la loi du plus fort; c’est dans ce sens qu’a été adoptée une nouvelle loi faisant du pays un Etat officiellement juif(15), enterrant l’incarnation d’une croyance en une coexistence de deux Etats dans la paix, l’équilibre et l’harmonie. La politique actuelle des Etats-Unis ne faisant que conforter une évolution étalée dans le temps, accompagnant la politique d’occupation israélienne, l’élargissement territorial ayant rendu caduque sinon extraordinairement difficile à rattraper, la solution d’alors. Le déséquilibre de plus en plus croissant des forces, lié à la division du camp palestinien, a également contribué à rendre la solution de plus en plus hypothétique. Le vague espoir qui restait a été aujourd’hui enterré par l’évolution catastrophique de la situation à Gaza et en Cis-Jordanie. La solution à deux Etats, avec un Etat palestinien émanant de l’Autorité palestinienne n’existe plus, tout comme l’intégrité de l’ancienne mission de cette dernière.
Le territoire et la représentation du peuple palestinien
Dans le cadre du conflit au Moyen Orient, la question du territoire est centrale spécifiquement pour les objectifs de luttes du peuple pour son autodétermination. Il est notoire de considérer qu’Israël et le peuple palestinien se disputent principalement le territoire sur lequel chacun souhaiterait voir son statut d'État consacré. La question de l'autodétermination pour le peuple palestinien se pose de deux manières, l'exercice par les palestiniens du droit à l'autodétermination quant au territoire tel que défini en 1948(16) ou avant 1967, et quant à leur propre identité, voire existence. Ce qui contribue à rendre la question palestinienne si compliquée est justement la difficile distinction à établir au cœur de cette dialectique. Le peuple palestinien est un peuple en quête d'identité, identité probablement déjà en partie trouvée et qu'il tente d'affirmer aujourd'hui par tous les moyens, mais dont l'épanouissement semble devoir dépendre d'un rite de passage obligé pour exister en tant qu'État sur la scène internationale contemporaine, et dont l'une des pierres d’achoppement sur le chemin de l'émancipation semble être la question du territoire. Il est particulièrement difficile pour le peuple palestinien, qui souhaite se constituer en État, ne pas vivre sous le joug de colons et sous un régime politique qui ne leur correspond pas, de pouvoir exister sans territoire et sans devenir.
L'Autorité Palestinienne, en tant que Mouvement de Libération Nationale n’a pas de contrôle significatif sur un territoire déterminé ; c'est bien en ces termes que le critère du territoire a jusqu'ici été interprété au regard du droit international. L'élément qui fait se superposer les questions de la colonisation, d'Apartheid et du choix d'un régime politique différent et propre au peuple palestinien, est le fait que le territoire, considéré comme le leur, à la fois par le peuple israélien et le peuple palestinien, est aujourd'hui, suite à de nombreuses années de conflits, occupé par l'État d'Israël. La ville de Jérusalem, considérée comme ville sainte pour les deux peuples, est morcelée, et ainsi en vont d'autres parties du territoire objet de rivalité, telles que la Bande de Gaza ou Jericho ou encore la Cis-Jordanie.
La Déclaration de Genève sur la question de la Palestine, proclamée le 07 septembre 1983 au siège des Nations Unies(17) reconnaissait notamment au peuple Palestinien, représenté officiellement par l'OLP, Mouvement de Libération Nationale, l'exercice de ses «droits légitimes inaliénables, droits incluant (...) le droit d'autodétermination et le droit d'établir son propre État indépendant en Palestine». Mais l'identification à un territoire et la volonté d'être reconnu comme contrôlant ce dernier n’existent pas, et c'est justement là l'un des enjeux de l'exercice du droit à l'autodétermination par l'Autorité Palestinienne. Que l'on choisisse de se placer dans un cadre de décolonisation ou d'occupation, le nœud de ce droit est le passage de l'exercice de l'autorité sur le territoire, des mains du gouvernement israélien aux mains du peuple palestinien.
L'OLP donc a obtenu le statut d'observateur auprès des Nations Unies en tant que représentant du peuple palestinien. Elle était ainsi considérée comme exerçant une influence importante sur la population des territoires occupés dont elle était assurée de l’allégeance par sa présence historique. Mais depuis 2006 les choses ont changé et si l’Autorité Palestinienne est l’Héritière de l’OLP, elle est incapable d’assurer l’unité du peuple palestinien qu’elle devrait être seule à représenter mais ne l’est pas.
Il semble que l'autodétermination telle qu'envisagée par le peuple Palestinien et l’Autorité qui est sensée le représenter, devrait correspondre à la libération du joug d'un régime oppressif et castrateur pour finalement en arriver à l'expression de la voix du peuple et de ses aspirations à travers la mise en place d'un régime politique qui lui corresponde. Cheminant sur la frise temporelle de leurs histoires et après de multiples aléas, les discours teintés de résistance se sont de plus en plus parés d'attributs politiques pour passer de la réaction à l'oppression à des propositions concrètes et construites d'alternatives politiques, pour asseoir leur représentativité face à leurs peuples et pour gagner la reconnaissance des acteurs spectateurs de ces luttes.
Etat ou Non-Etat?
La dernière phase aurait pu correspondre à la mise en place d'un contexte politique qui aurait été, à la fois le test de la reconnaissance jusqu'ici gagnée et l'accomplissement ultime de cette reconnaissance.
La notions d'’’Etaticité’’(18) peut être entendue ou abordées différemment que par la notion d’Etat qui n’est pas appropriée dans ce contexte, l’Autorité palestinienne, en tant qu’héritière de l’OLP, n’ayant qu’une vocation reconnue prospective à se constituer en Etat, mais dont la représentativité est contrariée par les circonstances présentes, légitimité de l’Autorité palestinienne disputée par la Hamas et le conflit ouvert avec Israël.
L'indépendance d’un peuple sous le joug colonial(19) doit être considérée comme un prérequis à l'Etaticité, indépendance entendue comme la capacité du peuple d'exercer de manière substantielle des attributs de souveraineté ? La potentialité d'une entité à être constituée sous une forme étatique est à évaluer de manière tant factuelle que juridique, autrement dit, il faut chercher dans une situation particulière, à la fois les éléments de fait et les éléments de droit pour tenter de trouver une réponse cohérente à l'Etaticité de celle-ci.
De ce fait, la distinction entre États et MLN et surtout le glissement pouvant se faire du statut de MLN à celui de parti politique, éventuellement majoritaire au sein d'un gouvernement, à la tête d'un appareil étatique en place, ne peut véritablement se baser sur une interprétation téléologique du droit international, au risque de participer à une interprétation fantaisiste voire fictive ; en aucun cas nous ne pouvons admettre de transposer le raisonnement dans son entier, de l'État au MLN, comme semble le faire une grande partie de la société internationale.
S'il y a lieu de chercher les éléments de fait ou de droit pour argumenter en la faveur ou en la défaveur de la potentialité d'une entité à se parer des attributs d'un État, il semble que le critère du territoire, puisse être interprété comme un critère central fondé sur un élément de fait. L'on doit s'attacher au critère qui veut que l'entité en question soit supposée avoir un contrôle effectif ou substantiel sur le territoire pour remplir les conditions y liées, la nature de ce contrôle pourrait se rattacher à des éléments juridiques. Ces partages stigmatisés ces dernières années par la construction d'un mur par le gouvernement d'Israël, d'autres parties du territoire en question totalement colonisées par ce dernier(20); dans ces conditions, il est difficile d'affirmer que l'Autorité palestinienne a le contrôle sur le territoire qu'elle revendique, en tant que représentante du peuple palestinien, comme assise géographique de l'éventuel État de Palestine. Si la présence exercée par ce MLN, jusqu’avant le 7 octobre 2023 semblait plus évident, il semble que la situation se soit détériorée depuis cette date. L’autorité palestinienne ne semble plus présente sur toutes les parties du territoire en question, notamment à Gaza qui est revendiqué comme fief par le Hamas. L'endroit où l'effectivité du contrôle peut sembler inopérante semble provenir à la fois de l'occupation israélienne, mais aussi des difficiles discussions entre le Hamas et l’Autorité palestinienne concernant les portions du territoire revenant à l'un et à l'autre, sans autre souci du peuple dont ils se disputent de manière rivale la représentation. C'est ainsi que nous serions tentés d'en conclure que, à la fois le critère du contrôle sur ledit territoire et celui de la présence semble prendre une assise déterminante dans le cas du MLN pour lui dénier la qualité d’Etat.
Intégration des instances internationales
Le droit d'utiliser les armes par les combattants palestiniens pour l'autodétermination apparaît dans de nombreuses sources internationales telles que le Protocole I de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 et semble ne pas constituer un facteur excluant leur intégration à certaines instances internationales. De même, il semble y avoir de nombreuses bases théoriques à la légitimité de cet usage de la force, dont un argument serait que la théorie de la résistance à la domination coloniale, étrangère et aux régimes racistes, constituerait de l'autodéfense(21), compatible avec l’article 2 §4 de la Charte des NU et avec l’Article 51 de la Charte des Nations unies. La légitime défense est reconnue et élevée au rang de règle primaire de l'ordre juridique international. Ce droit accordé au profit d'un Etat victime d'une agression armée découle de l'interdiction générale du recours à la force posée par l'article 2§4 de la Charte des NU. Dans le cas présent, ce droit à l'autodéfense naîtrait comme corollaire de l'action même menée par le gouvernement contre lequel le MLN mène sa lutte. En effet, l'Assemblée Générale des Nations Unies a affirmé dans ses résolutions le principe d'équilibre qui nait des rapports de force(22), puisque les puissances coloniales, étrangères ont acquis et maintiennent leurs lois par l'usage de la force militaire, une lecture et un respect fidèle du principe d'autodétermination requiert l'acceptation qu'en face, les peuples colonisés aient le droit de prendre les armes pour se battre pour leur liberté. Toutefois, ce droit n'est pas illimité puisque, selon les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels, les combattants doivent respecter les règles du Droit International Humanitaire et respecter les modes permis de la résistance armée. Mais la relation entre le régime combattu, combattant avec les armes dont est paré l'État, et le MLN en étant démuni, serait déséquilibrée. L'État est l’entité qui dispose du monopole de la violence légitime, sans que l'usage qu'elle en fasse ne vienne altérer son statut d'État, tandis que le MLN serait confronté à l'interdiction absolue de tout recours à des modes d'action violents s'il veut être reconnu sur la scène internationale et se voir accorder un statut juridique au regard du droit international.
Lorsque l'OLP a été admise aux débats du Conseil de Sécurité des Nations Unies concernant la question de la crise au Proche-Orient, le 12 janvier 1976, avec les mêmes droits qu'un État membre de l'ONU et non d'un MLN observateur après un vote de 11 voix pour, contre une et 3 abstentions. Il avait été précisé au préalable qu’il s’agissait d'une dérogation au règlement intérieur du Conseil de sécurité, qui normalement, ne prévoit que l'audition d'États membres, et non d'organisations d’individus. Seuls les États-Unis avaient voté contre l'admission de l'0LP. Selon le représentant américain, «L'O.L.P. n'est pas un État et ne prétend pas même l'être, et les États-Unis, qui reconnaissent que la question des droits des Palestiniens fait partie intégrante d'un règlement de paix au Proche-Orient, n'en estiment pas moins que l'invitation faite à l'O.L.P. de participer aux travaux du Conseil de sécurité, comme si elle était membre des Nations unies, ouvrirait une boite de Pandore de difficultés et créerait un précédent que pourraient invoquer des factions dissidentes dans de nombreuses parties du monde». En 1974, l'OLP a aussi été reconnue par la Ligue des États Arabes comme le seul représentant légitime du peuple palestinien. Il s'agît là de l'une des premières reconnaissances internationales à la fois de la situation du peuple palestinien et de la lutte du mouvement qui le représente. En 1976, elle devint membre à part entière de l’Organisation, au même titre que les Etats de la Ligue des Etats Arabes. L'admission du Mouvement palestinien avec le statut d'Etat membre, dépassant la qualité réelle, pourrait avoir d'autres implications, d'une part comme un pas supplémentaire franchi dans le processus de reconnaissance, dépassant la structure réelle du Mouvement pour lui substituer un statut prospectif auquel il aspire certainement mais non encore atteint dans les faits, d'autre part, le fait que l'OLP n'ait pas été qualifié de MLN à l'égard du CSNU aurait une autre signification; il s’agirait d’un contournement volontaire de la notion de MLN pour des raisons purement politiques et ponctuelles du fait du caractère délicat et particulier de la question pendante devant le Conseil, quand bien même cela constituerait un précédent dangereux pour l’intégrité du droit international. Ce statut prospectif ressort du souhait de tous de voir un jour le peuple palestinien se constituer en Etat, mais pour cela, il n’est pas suffisant de se parer d’illusion ou d’inaugurer une ambassade de l’Etat de Palestine en Tunisie par une entité ne disposant pas du droit de légation diplomatique.
Le 9 septembre 1993 a été marqué par un échange de lettres entre l'OLP, alors présidée par Yasser ARAFAT, et l'État d'Israël représenté à cette époque par Yitzhak RABIN, premier ministre. Cet échange de lettres visait une reconnaissance mutuelle entre les deux parties. Cet acte avait été préparé en dehors des forums internationaux, et avec la médiation du ministre des affaires étrangères de Norvège d'alors. Autrement dit, à l'engagement de l'OLP de continuer les discussions en optant pour une solution pacifique du conflit et de reconnaître l'existence de l'État d'Israël correspondit la reconnaissance de l’OLP comme interlocuteur valable représentant le peuple palestinien.
En 1974, l'OLP a déclaré reconnaître et respecter la Résolution 242 de l'ONU, ce qui impliquait de sa part la reconnaissance de l'État d'Israël. L'OLP, dont le Fatah est une composante, a alors obtenu le statut d'observateur à l'ONU, où il représente toujours, aux yeux de la société internationale, l'ensemble du peuple palestinien, expatriés compris. Le Hamas, qui ne s'est créé qu'en 1987, n'a pas rejoint l'OLP, n'a pas adopté la Résolution 242 des NU et ne se considère pas comme représenté à l'ONU. En 1993, l'OLP a signé avec Israël les Accords d'Oslo qui prévoyaient que l'OLP créerait provisoirement une Autorité transitoire, pour administrer les territoires assignés au peuple palestinien (GAZA et la CIS-JORDANIE), durant cinq ans. Cependant, les Accords d'Oslo n'ayant pas été respectés par la partie israélienne, l'État palestinien n'a pas vu le jour et l'Autorité transitoire a vu sa fonction prorogée par le jeu des circonstances. De plus, l'AGNU a invité l'OLP, par la résolution 3237, à venir assister à ses délibérations en qualité d'observateur, également en 1974(23), l'État de Palestine comme un tout n'existant pas juridiquement parlant pour le moment, malgré les revendications du peuple palestinien qui convergent dans ce sens.
En 2006, l'Autorité palestinienne a organisé des élections que les diverses composantes de l'OLP ont perdues au profit du Hamas. L'OLP a refusé d'intégrer le Hamas. Dès lors, une légitimité historique et une légitimité populaire s'opposent pour le contrôle des diverses institutions palestiniennes à GAZA. Or, en l'absence d'État palestinien, de constitutionnalisme et de Constitution, il n'est pas de droit possible, pas de régulation juridique du conflit envisageable, juste une épreuve de force dans laquelle s'ingèrent des puissances extérieures.
Les évènements liés à l'élection du Hamas au mois de janvier 2006, comme parti majoritaire au sein du gouvernement de transition palestinien, ont été suivi par un déni de la part de l'État d'Israël de la reconnaissance du caractère démocratique de celles-ci et par extension, de la non-reconnaissance du Hamas comme interlocuteur politique pour la suite des négociations au Proche-Orient. La gestion du gouvernement de l’Autorité palestinienne menée par Yasser Arafat a été sanctionné par le peuple palestinien en 2006, les résultats du scrutin ayant mené à l'isolement de ce dernier dans ses quartiers à Ramallah et à une réduction consécutive de son champ d'action. Une telle réaction n'a, semble-t-il mené qu'à l'immobilisation de l'interlocuteur palestinien et au gel du processus de paix dans son ensemble. Le Haut Représentant de l'Union Européenne de déclarer le 29 janvier 2006: «La démocratie ne se réduit pas aux élections: elle implique un comportement conforme à l'Etat de droit et au respect de la loi. La légitimité ne naît pas seulement du vote mais aussi de l'action. Il faut éviter de reconnaître un groupe terroriste pour la simple raison qu'il a gagné un scrutin. Un groupe terroriste ne devient pas légitime simplement parce qu'il a gagné des élections. L'espoir de tout le monde est que l'obligation d'agir, de s'inscrire dans un processus politique, aura des effets positifs sur le Hamas».
En définitive, si l’Autorité Palestinienne, héritière de l’OLP, parait aller dans le sens d'une allégeance à la Charte des Nations Unies, certains de ses principes, aussi fondamentaux soient-ils, semblent d'une application limitée tant que le MLN, représentants du peuple reste un acteur non-étatique dont le statut juridique national et international reste à déterminer. L'histoire montre que l’Autorité Palestinienne essaie d'établir des relations avec les autres acteurs tant nationaux qu'internationaux, de manière à pouvoir engager un dialogue et à donner plus de chance au succès de leurs actions(24).
Le contexte politique dans lequel s'ancre l’action de l’autorité palestinienne n'a pas encore fait l'objet d'un consensus suffisant et les acteurs clefs ne semblent pas encore prêts à accepter les changements nécessaires qui se matérialiseraient en la mise en p1ace de situations politiques et territoriales tout à fait nouvelles, inédites et spécifiques.
Monji Ben Raies
Enseignant Universitaire
Juriste Publiciste Internationaliste et Politiste
Chercheur en Droit public et Sciences Politiques
Université de Tunis El Manar
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
1) La convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États est un traité signé à Montevideo (Uruguay) le 26 décembre 1933 au cours de la septième Conférence panaméricaine. No. 3802, p. 24,25.
2) Claude Duval et François Ettori, «États fragiles… ou États autres? Comment repenser l’aide à leur développement, notamment en Afrique?», Géostratégiques, no 25, octobre 2009
3) Anke Van DerMeersch, «Proposition de résolution visant à reconnaître Taïwan (République de Chine) comme un État indépendant et à soutenir les efforts déployés par Taïwan pour devenir membre des organisations internationales dont la Belgique fait partie», Sénat de Belgique, 19 avril 2012, document législatif 5-1582/1.
4) Selon le décompte de l’Autorité palestinienne, 137 des 193 États membres de l’ONU reconnaissent de façon unilatérale un État palestinien fictif.
5) Article 2 §4 de la Charte des Nations Unies.
6) Robert Badinter, Président de la Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, instituée afin de fournir un cadre juridique au règlement du conflit dans les Balkans à partir de 1991 et jusqu’à la conclusion des accords de Dayton en 1995. La Commission a rendu dix avis portant sur les conditions d’apparition des nouveaux États sur la scène internationale. Dès son premier avis, rendu le 20 novembre 1991, la commission a rappelé les principes fondamentaux régissant la question.
7) É. WYLER, «Théorie et pratique de la reconnaissance d’État», Bruylant, 2013.
8) Plusieurs entités revendiquent sans succès ou se sont vu contester le statut d’Etat souverain et indépendant dans la société internationale, que l’on se situe au Moyen Orient, la Palestine et à Daesh ; sur le continent européen, Chypre du Nord, Kosovo ; sur le continent africain, le Sahara occidental, Cabinda, Somaliland ; sur le continent nord-américain, la question récurrente d’un Etat amérindien ; et sur le continent asiatique, Taïwan, le Tibet, l’Ossétie du sud, l’Abkhazie, le Haut-Karabagh; Cette énumération n’est évidemment pas exhaustive.
9) Tamir SOREK, «The Orange and the Cross in the Crescent», Nations and Nationalism, vol. 10, no 3, 2004, p. 269–291.
10) Assaf LIKHOVSKI, Law and identity in mandate Palestine, The University of North Carolina Press, 2006, p. 174
11) «Une nation sans terre, le symbole de l'existence d'un peuple sans identité», Janet et John Wallach, «ARAFAT, La poudre et la paix», Bayard Éditions, 465 P.
12) «Principes de base concernant le statut juridique des combattants qui luttent contre la domination coloniale et étrangère et les régimes racistes», Résolution AGNU 3103, Doc.Off.AG NU, 2197, séance plénière (1973).
13) Résolutions relatives au «Respect des droits de l'homme en période de conflit armé», Rés. AGNU
2674 (XXV), 1922" séance plénière, (1970) Recueil des Traités des Nations Unies et «Respect des droits de l'homme en période de conflit armé», Résolutions AGNU 2852, Doc.Off.AG NU, 2027" séance plénière (1971).
14) En 2024, le processus de paix d’Oslo est mort et la solution à deux Etats progressivement devenue impossible. La signature des accords d’Oslo intervenait dans un contexte d’optimisme où toutes les utopies semblaient réalisables, le mur de Berlin était tombé en 1989, l’Allemagne s’est réunifiée, l’Apartheid était terminé en Afrique du Sud et Nelson Mandela donnait le sentiment que la réconciliation était possible partout. Oslo a donc été une utopie qui aurait pu marcher, mais l’assassinat de Yitzhak Rabin a fait régresser ces accords à l’étape d’utopie, donnant directement lieu à l’élection de Benjamin Netanyahu et à l’exercice en Israël d’un pouvoir davantage nationaliste, religieux et aucunement prêt au compromis avec les Palestiniens.
15) Loi fondamentale du 19 juillet 2018 définissant Israël comme le «foyer national du peuple juif» et précisant ses attributs, avec Jérusalem comme capitale du pays.
16) Le 29 novembre 1947, le plan de partage de la Palestine élaboré par le Comité spécial des Nations unies sur la Palestine (UNSCOP) créé par l’Assemblée générale de l'ONU, est approuvé par cette dernière à New York, par le vote de sa résolution 181du 29 novembre 1947. Ce plan recommande la partition de la Palestine mandataire en trois entités, avec la création d’un État juif (sur 56% du territoire de la Palestine mandataire) et d’un État arabe (sur 42% du territoire), tandis que la ville de Jérusalem et sa proche banlieue (2% du territoire) sont placées sous contrôle international en tant que corpus separatum. Les arabes de Palestine représentaient alors 70% de la population.
17) Voir la Déclaration adoptée lors de la Conférence internationale sur la question de la Palestine, Genève, 07 septembre 1983. La Conférence internationale sur la question de Palestine a eu lieu à l'Office des Nations Unies à Genève du 29 août au 7 septembre 1983, avec la participation des représentants de 137 États, 117 en tant que participants à part entière et 20 en qualité d'observateurs, ainsi que de l'OLP. Cette initiative n'a pas été soutenue par toutes les parties; Israël, les Etats-Unis et plusieurs autres Etats ont exprimé leur opposition à la tenue de la Conférence. La Conférence a adopté par acclamation une déclaration sur la Palestine et a approuvé un programme d'action pour la réalisation des droits des Palestiniens, contenant des recommandations quant aux mesures que devaient prendre les États, les organes des Nations Unies et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Par la suite, en 1983, l'Assemblée générale a approuvé la Déclaration sur la Palestine. Voir Question de Palestine, Résolution AGNU 38/58, Doc.Off.AG NU, 95e séance plénière, pp. 52-54 (1983). Voir aussi «La question de la Palestine», site officiel de l'Organisation des Nations Unies.
18) Vocable néologique utilisé avec la signification de caractère d'une entité qui se destine à être un État ou comme la potentialité de celle-ci à devenir et à être considérée comme un État. Voir à ce propos l'article de James CRAWFORD, «The Status of the State of Palestine», II. The Status of Palestine under the Traditional Criteria for Statehood, 1990-2004; European Journal of International Law. L'article peut être consulté sur le site Internet de Academy of European Law; URL: http://www.ejil.org/joumaI/vol l /No1/art21-01.html
19) La colonisation, contrairement au protectorat, anéantit l’Etat, le fait disparaître. Le territoire est alors intégré comme territoire de la métropole. Ce fut le cas de l’Algérie qui, colonisée en 1830 par la France, était devenue un ensemble de départements français.
20) On parle des «Territoires Palestiniens Occupés».
21) Voir O. Christopher QUAYE, «Liberation Struggles in International Law», Philadelphia, Temple University Press,1991,382 p., pp. 272-81.
22) Voir Activités des intérêts étrangers, économiques et autres. Qui font obstacle à l'application de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux en Rhodésie du sud, en Namibie et dans les territoires sous domination portugaise. Ainsi que dans tous les autres territoires se trouvant sous domination coloniale, et aux efforts tendant à éliminer le colonialisme, l'apartheid et la discrimination raciale en Afrique australe, Rés. AGNU 3117 (XXVIII), Doc.Off.AG NU, 2198< séance plénière, pp. 109-110 (1973). Voir aussi Importance of the Universal. Realization of the Right of Peoples to Self-Determination and of the Speedy Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples for the Effective Guarantee and Observance of Human Rights, G.A. Res. 33/24, U.N. GAOR, 33d Sess., Supp. No. 45, V.N. Doc. N33/37 (1978) ; GA Res. 2621, U.N. GAOR, 251h Sess., Supp. No. 28, U.N. Doc. N8086 (1970) ; Implementation of the Declaration of the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples, GA Res. 2708, U.N. GAOR, 25'h Sess., Supp. No. 28 U.N. Doc. NL.621 & Add. 1,2, NL.622 (1970) ; Importance of the Universal Realization of the Right of Peoples to Self-Determination and of the Speedy Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples for the Effective Guarantee and Observance of Human Rights, G.A Res. 3070, U.N. GAOR, 28'h Sess., Supp., No. 30 al 78, U.N. Doc. N9325 (1973); Importance of the Universal Realization of the Right of Peoples to Self-Determination and of the Speedy Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples for the Effective Guarantee and Observance ofHuman Rights, G.A. Res. 31/34, U.N. GAOR, 31 st Sess., Supp. No. 39, U.N. Doc. A/31/291 (1976) ; Importance of the Universal Realization of the Right of Peoples to Self-Determination and of the Speedy Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples for the Effective Guarantee and Observance of Human Rights, G.A Res. 32/14, U.N. GAOR 32d Sess., Supp. No. 45, U.N. Doc. A/32/318 (1976); Implementation of the Declaration of the Granting of Independence 10 Colonial Countries and Peoples, GA Res. 33/44, U.N. GAOR, 33d Sess., Supp. No. 45, U.N. Doc. A/33/L.16 &Add. 1 (1978).Programme d'action pour l'application intégrale de la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Résolution A.G.N.U. 2621 (XXV), (1970); Recueil des Traités, 25" session, 1862" séance plénière.
23) Voir Invitation à l'Organisation de libération de la Palestine, Rés. AGNU 3210 (XXIX), Doc.Off.AG NU, 2268c séance, p. 3 (1974). «L'Assemblée Générale, Considérant que le peuple palestinien est la principale partie intéressée à la question de la Palestine, Invite l'Organisation de Libération de la Palestine, représentant du peuple palestinien, à participer aux délibérations de l'Assemblée Générale sur la question de Palestine en séances plénières». C'est la résolution 3237 qui consacra l'octroi de ce statut aux MLN.
24) S'ils n'ont pas véritablement de droit de légation et ne peuvent envoyer des représentants diplomatiques auprès des États étrangers, avec nécessité d'être accrédités par l'État accréditant, et d'autre part ne peuvent recevoir des représentants diplomatiques des Etats étrangers, devenant ainsi État
Accréditaire, ils sont toutefois autorisés à ouvrir des bureaux, plus ou moins officiels, sur le territoire des États qui les ont reconnus.