News - 07.11.2024

«La Pédagogie de la différence, l’exemple de l’école tunisienne» du Professeur Mourad Bahloul

«La Pédagogie de la différence, l’exemple de l’école tunisienne» du Professeur Mourad Bahloul

Par Arselène Ben Farhat - J’ai lu avec grand intérêt et grand plaisir le livre du Professeur Mourad Bahloul «la Pédagogie de la différence, l’exemple de l’école tunisienne» (Mohamed Ali Editions, 2003,159 pages). Il aborde une problématique qui intéresse les enseignants du primaire, du secondaire et du supérieur. En effet, la réforme de l’enseignement est aujourd’hui un grand chantier et le Professeur Mourad Bahloul  est engagé comme expert en didactique dans les diverses commissions chargées de l’élaboration des  nouveaux programmes et du nouveau référentiel qui sera le fondement de cette réforme. De plus, ce livre a un lien avec la problématique de du colloque  «l’interdisplinarité à l’université» qui aura lieu les 7, 8 et 9 à  la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Monsieur Mourad Bahloul est un conférencier invité chargé de nous présenter sa vision de l’interdisplinarité.   

Mourad Bahloul montre que l’école tunisienne est encore «une machine lourde et rigide, peu adaptée à la diversité» des apprenants (p.9) et à la multiplicité des besoins. Elle génère une formation linéaire qui privilégie "le même" et qui donne la primauté à un système hyperspécialisé et hypercomplexe. On impose aux jeunes une même stratégie d’apprentissage pendant plusieurs décennies sans tenir compte de l’évolution de leur mentalité, ni des changements de leurs modes de pensée, ni de l’essor des nouveaux moyens d’information et de formation. On oblige les apprenants à suivre un programme unique et on les assujettit aux mêmes méthodes et aux mêmes grilles d’évaluation. Or un tel choix engendre des conséquences néfastes non seulement sur la formation des élèves et des étudiants mais également sur leur épanouissement.

Selon Mourad Bahloul, il faut mettre en place une pédagogie différenciée «soucieuse de prendre en compte les différences entre les sujets apprenants et de les doter tous d’outils intellectuels communs qui leur permettent de se comprendre et de comprendre le monde» (p.6). Pour atteindre cet objectif, on doit tout d’abord rejeter le postulat de l’apprenant-type, de l’apprenant-universel qui est en fait inexistant, sans rapport avec l’apprenant réel. On doit ensuite mettre en œuvre une pédagogie qui respecte les différences et qui assure l’épanouissement de chacun tout en cherchant à atteindre des objectifs communs.
Pour soutenir son point de vue, Mourad Bahloul a adopté un plan rigoureux: le premier chapitre définit la Pédagogie différenciée et le contexte qui permet son apparition et sa réussite comme modèle didactique. Le second chapitre a pour objet le référentiel les méthodes  qui assure la mise en œuvre de la Pédagogie différenciée. Le dernier chapitre fournit un exemple concret de la Pédagogie différenciée : c’est le cas de la Tunisie.
Ce livre nous offre aussi un bel exemple concret de la mise en place de l’indisciplinarité. Selon Mourad Bahloul, elle se situe au niveau de deux types d’équipe pédagogique:

L’équipe disciplinaire: elle regroupe les enseignants de la même discipline. Elle établit les objectifs qui doivent être atteints dans le cadre d’une discipline, mais chaque enseignant choisit librement l’approche à exploiter. L’apprenant aura ainsi affaire à plusieurs enseignants ayant diverses approches mais les mêmes objectifs. Il bénéficiera d’«un pluri-modèle pédagogique» et d’une «multiplicité d’itinéraires» pédagogiques (p. 101).
• L’équipe interdisciplinaire: elle regroupe les enseignants qui appartiennent à diverses disciplines dans un même établissement ou plusieurs établissements, mais «au-delà de leur différence, toutes les disciplines manifestent les mêmes exigences méthodologiques, valorisent et s’attachent aux mêmes notions et s’efforcent de construire les mêmes opérations mentales.» (p. 102). Grâce à l’indisciplinarité, les jeunes peuvent découvrir les mêmes notions sous divers éclairages avec des enseignants  qui appartiennent à diverses spécialité et à différents horizons scientifiques, littéraires et culturels. Du coup, les apprenants vont acquérir des compétences qui se situent au-delà des disciplines.

En conclusion, Mourad Bahloul signale, dans cette magnifique étude qui porte sur la pédagogie différenciée, l’importance de l’indisciplinarité comme moyen qui permet l’évolution de l’enseignement et sa modernisation en Tunisie. Il affirme: «A vrai dire, un tel usage de l’interdisciplinarité nous invite à considérer la discipline scolaire non comme un ensemble de savoirs constitué en soi pour soi, mais comme supports possibles pour les objectifs et les compétences de la formation.» (p. 104)