Opinions - 30.01.2025

Zoubeida Khaldi: Si au moins...

Zoubeida Khaldi: Si au moins...

Si au moins, les cœurs étaient de pierre
Gais et légers on traverserait
Les orages, les torrents et les rivières...
Des vieilles pierres de la terre,

L’on voit sourdre l’eau
Et jaillir de clairs ruisseaux...
De crainte et de ferveur,
Elles s’affaissent devant Le Créateur.

Les pierres des cieux dansent
Dans la sérénité et le silence
Légères, lentes, aguichantes...
Elles valsent, rient et chantent
Elles s’unissent et enfantent
Des étoiles éclatantes
Et des mondes dorés, meilleurs.

Si on avait un cœur de pierre
Ferait-on de Gaza un tel cimetière ?
Mais les humains les plus malins
Ont un cœur d’airain.
Abel mort de la main de Caïn...
Piètre passé et sales lendemains...
Qu’a-t-on fait à Gaza ?
Que n’a-t-on pas fait à Gaza ?

Les mignons de Cro-Magnon
Plantent leurs crocs dans la chair et les os...
Lancés par Ibliss,
Les chiens dévorent avec délice
Les derniers bébés et fœtus...
On rote et la vie l’on ôte
Emportant dans sa hotte
Les jouets d’enfants à jamais endormis...
Il ne fallait pas être Palestinien
Ni Libanais, ni Assyrien...

Feu, fer et grondements d’un vrai enfer...
Un monde à l’envers qui voit faire...
Regards bovins, sourires entendus...
Qui n’a pas vu ? Qui n’a pas entendu ?
Mais à Gaza tout est permis.

Ne sont-ils pas repus ou las
De faire ce qu’ils font à Gaza ? 
Cadavres et monts de gravats
Sur lesquels danse la folie...
Poursuivie par d’étranges bruits,
La douce brise marine de Palestine,
Tout affolée, s’est enfuie...
Ils avaient tenté de l’enfermer...
Délirants tableaux ! Sang et fumée
A couper le souffle et les jarrets...

Massacres à huis-clos
Corps en vrac et en morceaux
Et l’on s’acharne à hacher
Les chairs déjà en lambeaux...
Âmes en flammes dans des bocaux...
Et l’on continue d’occire
Les arbres, les mosquées et le sourire
De la terre et des cieux...

Les pierres soupirent et sanglotent
A qui la faute ?
« Celle des Palestiniens, disent certains...
A cause d’une soi-disant cause,
Ces terroristes, ces malins kystes osent
Nous narguer et faire des tours de piste
Nous faire courir des risques
Et nous coucher sur la liste des fascistes...
Faut déchirer leur ciel, assiéger leur soleil
Tuer leur sommeil, enterrer leur éveil...
Éclater les corps et les cris... Défigurer leur lune
Fracasser leurs astres... Tout mettre en ruine...
Que de fois leur a-t-on dit que La Palestine
A failli être notre patrie d’origine ?
Que font donc Les Palestiniens en Palestine ? »

Et des corps creusés par la faim, le froid, la mort
Des âmes meurtries et des restes de corps
S’élèvent des voix au-delà des toits 
Au-delà de l’horizon, de la raison et des lois...
A la lueur de leur douleur
Avancent, morts ou vifs, ces seigneurs
Une immense attente au cœur
Vers leurs hameaux et leurs villages,
Verts rameaux et doux ramages,
Vers leurs amandiers bientôt en fleurs...  

Mais autour d’eux et à la queue leu leu
A qui mieux mieux
Les roitelets et les émirs
Devancent les désirs
Courent servir briani et mets chauds
Non aux victimes, mais aux bourreaux...
Orgies de trahisons
De faux frères vils, débiles,
Habiles dans l’organisation
De leur propre extermination
Et leur belle putréfaction...
Où est passé entre humanité,
Jadis tant vantée, tant fêtée ?
On y avait cru, en vérité...
Mais envolé le conte de fée !
De nos jours, l’amour n’a plus de glamour
Il a épousé les intérêts...

De quoi s’emmêler les crayons !
Tous les moyens sont bons...
Capital disent certaines capitales
Occidentales et même orientales
De découper et décapiter
Les bébés, et faire capituler
Ces entêtés qui tiennent à résister...
L’ONU et autres organisations
Spécialisées en décoration
Font un petit tour...Puis s’en vont.
Et les droits des opprimés ?
Rien qu’une blague pour attardés.

Le pas lourd, le front baissé,
Harassés, comme tabassés,
Creusés par l’impuissance, crevassés, cassés,
Nous ne savons quoi dire, ni quoi penser
Nous ne savons plus dormir,
Nous désaltérer, ni nous nourrir...

Face à cette humanité fantoche,
Prostituée sur-maquillée et moche
Qui ne pense qu’à s’emplir les poches
Les pierres se sont demandées :
« Quand donc cette folle humanité
Va-t-elle laisser le soleil briller ? »

Si au moins on avait des cœurs de pierre...
Si au moins... Si au moins...
Mais à regarder de près et non de loin...
Aucun cœur supposé humain
Qu’il soit de pierre, d’acier ou d’airain,
Ne pardonnera, ni n’oubliera
Ce qui s’est passé à Gaza.

Zoubeida Khaldi