Partenaires - 05.05.2025

Quelle est l’ampleur des déséquilibres extérieurs liés aux États-Unis ?

Quelle est l’ampleur des déséquilibres extérieurs liés aux États-Unis ?

Ce n’est un secret ni pour les analystes ni pour les investisseurs que le président américain Donald J. Trump affiche une nette préférence politique pour réformer le système commercial et financier mondial actuel. Depuis des décennies, bien avant de devenir politicien, Trump a exprimé de manière véhémente ses opinions négatives sur les importants déficits courants américains et sur la position nette de débiteur du pays vis-à-vis du reste du monde, soutenant également le rapatriement de l’industrie manufacturière sur le sol américain.

Cependant, au cours de son premier mandat présidentiel (2017-2021), Trump n’a pas agi de manière trop agressive pour traduire ses préférences politiques en actions gouvernementales. À l’époque, le président américain était freiné par des obstacles administratifs, un capital politique limité, un manque d’expérience, ainsi qu’une dépendance plus importante envers des conseillers traditionnels partageant des vues classiques sur le commerce et la finance.

Dans une rupture plus nette avec le consensus libéral d’après-guerre sur le libre-échange, le programme de Trump pour 2025 semble adopter sa vision « mercantiliste » ou « protectionniste » qui présente le commerce mondial comme un champ de bataille pour l’appropriation et l’accumulation de richesse nationale. Au cœur de cette réorientation se trouve un diagnostic très particulier : les déséquilibres extérieurs du pays seraient le résultat de relations économiques asymétriques, à savoir un accès non réciproque aux marchés, des subventions étrangères persistantes, le vol de propriété intellectuelle, et le poids supporté par les États-Unis pour la fourniture de « biens publics mondiaux », de la monnaie de réserve à la sécurité militaire.

C’est dans ce cadre qu’il faut interpréter ce qu’on appelle le « Jour de la Libération » du 2 avril, ce qui aide partiellement à expliquer la logique politique derrière l’introduction d’un tarif minimum de base de 10 % sur toutes les importations américaines, ainsi que des tarifs « réciproques » supplémentaires à l’encontre de certains partenaires commerciaux, comme la Chine. En outre, cela s’est ajouté à d’autres tarifs sectoriels. Bien que plusieurs exemptions aient déjà été annoncées après les répercussions du « Jour de la Libération » sur les principales classes d’actifs américaines, les tarifs américains restent néanmoins à des niveaux multiples par rapport aux normes des quatre dernières générations.

Cette semaine, afin de mieux comprendre les défis que la politique tarifaire de Trump cherche à relever, nous allons examiner l’ampleur globale et la taille des déséquilibres extérieurs des États-Unis. À notre avis, deux facteurs principaux expliquent les vulnérabilités américaines et permettent de comprendre pourquoi certains groupes politiques estiment qu’il est peut-être temps de prendre des risques élevés pour les atténuer.

Déficits courants structurels des États-Unis
(Données trimestrielles, en % du PIB, 1970-2024)

Sources : Haver, Bureau of Economic Analysis des États-Unis, analyse QNB

Premièrement, le solde du compte courant américain, qui mesure les flux de biens, services, revenus et transferts courants entre un pays et le reste du monde, présente des déficits structurels importants. En fait, au cours des 48 dernières années, les États-Unis n’ont enregistré des excédents que durant trois années seulement, et aucun depuis 1991. Il est important de noter qu’après une amélioration significative des déficits courants en pourcentage du PIB après la crise financière mondiale (GFC) et la révolution du schiste de 2007 à 2019, les déficits se sont à nouveau creusés après la pandémie. En valeur nominale, les déficits ont atteint 1,1 billion de dollars l’année dernière et affichaient un solde négatif sur tous les principaux composants du compte courant, à l’exception des services (voyage, éducation, services financiers). Cela signifie qu’en somme, les ménages, les entreprises et le gouvernement américains consomment plus qu’ils ne produisent, nécessitant un financement externe. La poursuite de cette dynamique peut accroître la vulnérabilité des États-Unis vis-à-vis des flux de capitaux et des décisions d’investissement des non-résidents.

Deuxièmement, l’accumulation sur plusieurs décennies de déficits courants a également engendré un déséquilibre important dans la position d’investissement international nette (PIIN) des États-Unis, c’est-à-dire l’écart entre les actifs détenus à l’étranger par des résidents américains et les actifs détenus par des non-résidents aux États-Unis. En d’autres termes, les États-Unis sont actuellement un débiteur net important vis-à-vis du reste du monde, en particulier envers des puissances industrielles prospères comme l’Allemagne, le Japon et la Chine. La situation s’est également fortement détériorée, puisque la PIIN des États-Unis est passée d’un chiffre négatif marginal d’environ 9 % du PIB au début de la GFC à 88 % du PIB à la fin de l’année dernière. Cela suggère que les États-Unis sont de loin le pays où les déséquilibres économiques mondiaux tendent à se concentrer le plus. Avec le temps, ce niveau d’exposition croisée pourrait devenir inconfortable tant pour les créanciers que pour les débiteurs, nécessitant un ajustement.

En résumé
Il existe d’importants déséquilibres économiques mondiaux liés aux États-Unis, à la fois en termes de flux (déficits courants) et de stocks (positions croisées d’actifs). Plus ces déséquilibres se creusent, plus les risques d’un ajustement désordonné à l’avenir augmentent. Bien que les politiques tarifaires de Trump semblent avoir été conçues pour répondre au moins partiellement à ces problèmes, les déséquilibres en cours et accumulés sont si importants que des mesures unilatérales ou bilatérales sont peu susceptibles de suffire à garantir un ajustement en douceur. Tout comme pour d’autres réponses majeures aux grands défis mondiaux dans le passé, la direction politique optimale pour traiter ces problèmes nécessitera probablement un bon niveau de coordination et de coopération à l’échelle mondiale.

Position nette d’investissement international
(Pays sélectionnés, en milliards USD, T4-2024 ou dernière donnée disponible)
 
Sources: Haver, QNB analysis
 

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