News - 16.09.2025

Fadhel Jaziri (1948-2025): La pensée et le spectacle

Fadhel Jaziri (1948-2025): La pensée et le spectacle

Il était immense. Plus qu’un inventeur de théâtre, de cinéma et de spectacles, Fadhel Jaziri était avant tout une pensée, un passeur entre soufisme et post-modernité. Emporté par la maladie le 11 août dernier à l’âge de 77 ans, il aura incarné jusqu’au dernier soupir une vision renouvelée de la personnalité tunisienne dans ses multiples interrogations. Sa proximité avec Abdewahab Meddeb sera fusionnelle. Ils auront beaucoup à partager ensemble (lire le témoignage d’Amina Meddeb, et le texte publié par Abdelwahab, en juin 2010, dans Esprit, à propos du film Thalathun).

Enfant de la médina de Tunis, féru de théâtre et de cinéma dès sa prime jeunesse, alors qu’il était encore au Sadiki, s’abreuvant de philosophie, qu’il étudiera à la faculté des Lettres, Fadhel Jaziri sera fortement interpellé par le mouvement de la jeunesse tunisienne de la fin des années 1960, et s’y engagera jusqu’à en payer un lourd tribut en arrestations. Il partira étudier à Londres et à Paris, puis à son retour, il créera le premier festival de la Médina (1971), au sein de l’Association de la sauvegarde de la Ville de Tunis, avant de lancer en 1972, avec Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar, le Théâtre du Sud à Gafsa. Ce fut le départ d’une véritable saga. Fadhel Jaziri sera de tous les moments forts de la création théâtrale innovante : les pièces J’Ha et l’Orient en désarroi, La geste de Mohamed-Ali El-Hammi, La geste hilalienne, El-Karrita… Ses compagnons de route seront, outre Jaïbi et Baccar, Mohamed Driss, Habib Masrouki, Taoufik Jebali, Raja Ben Ammar…

Eclectique, il sera dramaturge, comédien, réalisateur et producteur de cinéma et de spectacles. Ses talents seront partout.

Avec son mégaspectacle Nouba (1991), puis El Hadhra (1992), Fadhel Jaziri inaugurera un art nouveau puisant dans les traditions populaires séculières, les expressions d’un soufisme inspirant. Il réconcilie les Tunisiens avec leur héritage, transcende leurs goûts et les fait vibrer tous. Le vif succès rencontré par ses tournées à l’étranger (salle comble au Zénith à Paris, et diffusion sur France 2) témoigne de la qualité d’une œuvre réfléchie et d’une production réussie regroupant plusieurs dizaines d’artistes.

Son premier long métrage, en tant que producteur et auteur à part entière, Thalathun, bien accueilli, lui ouvrira de nouvelles perspectives, révélant d’autres aspects de ses multiples talents.Dans chacune de ses œuvres, rien n’était futile pour Fadhel Jaziri, la force du détail n’a d’égale que la puissance de la pensée.

Son œuvre majeure qu’il lègue est sans doute le Centre des Arts Jerba entre Guellala et Sedouikech, avec son théâtre de plein air de 3 000 places tourné vers la mer et ses espaces couverts de 7 000 m2. A la mesure de son ambition pour son pays. Immense.

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