News - 20.09.2025

Mustapha Mnif: Vivre pour autrui

Mustapha Mnif: Vivre pour autrui

Il n’avait bénéficié d’aucune faveur ! Tout simplement, parce qu’il ne l’avait jamais demandée ! Mais, il avait été comblé de bonheur, d’amour des siens et d’affection de ses proches. Mustapha Mnif, décédé subitement le 15 août 2025, à 77 ans, incarnait l’abnégation, la probité et l’intégrité. Juriste de formation, doublé d’un énarque, il avait été pendant 8 ans, de 1980 à 1988, le chef de cabinet de quatre Premiers ministres successifs : Mohamed Mzali, Rachid Sfar, Zine El Abidine Ben Ali et Hédi Baccouche. Une longévité rare à un poste aussi sensible et un siège facilement éjectable. Ce fut  une confirmation de ses compétences et de son patriotisme.

L’amour de la Tunisie coulait dans les veines de Mustapha Mnif. Encore enfant, alors qu’il fréquentait l’école Kammoun, à la rue de La Mecque dans la médina de Sfax, il regardait avec émotion et admiration les militants destouriens conduits par Hédi Chaker, et les syndicalistes avec Farhat Hached en tête, s’activer dans la lutte contre l’occupant. Il n’en sera que plus déterminé à servir le pays, une fois il aura terminé ses études.

Ses années au lycée de garçons de Sfax seront, parallèlement à ses brillantes études, celles de son épanouissement littéraire, artistique, musical, et théâtral, au sein de la jeunesse scolaire. Doué pour la déclamation des poèmes classiques et modernes, doté d’une vaste culture, éloquent, faisant montre d’un esprit vif et d’une réplique facile et agréable dans ses conversations, Mustapha Mnif était la vedette des compétitions culturelles inter-lycées. Jouant de la flûte, il faisait également partie de la troupe musicale qui fera émerger de futures grandes vedettes.L’action politique et syndicale, c’est au campus universitaire à Tunis qu’il s’y engagera, rejoignant l’Union générale des étudiants de Tunisie (Uget) et l’organisation des étudiants destouriens. Elève à l’Ecole nationale d’administration, dont il sera diplômé en 1971, et étudiant en droit à la faculté de Droit et des Sciences économiques de Tunis où il décrochera une licence en droit (droit public), en 1971, il sera très actif sur les revendications prioritaires et les cas à résoudre. Mustapha Mnif s’illustrera par ses discours enthousiastes, ses écrits très vifs et ses propositions pertinentes.

Lorsqu’il ira à Paris pour poursuivre ses études de 3e cycle à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l’esprit de Mai 68 était encore très vivace. Destourien et cadre de l’Uget, Mustapha Mnif devait frayer son chemin parmi une large palette de familles idéologiques, ce qui ne lui sera guère facile, surtout qu’il devait réussir ses études. Sa chambre N°124, à la Maison de Tunisie de la Cité universitaire, sur le boulevard Jourdan, sera le lieu de rencontre et d’interminables débats de divers courants. Plus tard, lors qu’il s’installera à la rue Rémy-Dumoncel, près d’Alésia (14ème), son modeste studio sera ouvert à tous, dans une grande générosité, malgré la modestie de sa bourse d’études.

Mustapha Mnif obtiendra un diplôme d’études supérieures en droit public (1973), puis un diplôme d’études supérieures en sciences politiques (1974), et s’engagera dans la préparation d’une thèse de doctorat qui lui demandera beaucoup d’effort.

Sollicité par le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale, Hédi Zghal, et le ministre lui-même, Mohamed Mzali, il rejoindra le cabinet en qualité de conseiller juridique, mettant ainsi le pied dans l’étrier des hautes fonctions. Sa carrière de cadre au sein de l’Uget et de la société civile sera intense : membre de la commission administrative puis du bureau exécutif de l’Uget (1968 1977), membre du bureau national de l’Organisation tunisienne de l’éducation et de la famille (1978 -1980), membre du conseil d’administration de l’Utss et de l’Utaim… Il était très sollicité. Quant à son action au sein du parti socialiste destourien, elle est marquée par son élection en tant que membre du comité central durant deux mandats successifs de 1979 à 1986.

Lorsque viendra pour lui le temps de revenir à sa carrière de base de juriste, Mustapha Mnif sera chercheur universitaire au Ceres, avocat au barreau de Tunis, conseiller auprès de la Best Bank et arbitre international auprès de la CCI de Paris, dès 1996.

Tant de fonctions qu’il avait portées par un même esprit de servir la patrie et autrui. Prêter écoute, secours et conseil était son moule fondateur. Nullement attiré par le lucre ou ébloui par les fastes du pouvoir, il était dans la simplicité, la sincérité et la contribution aux nobles causes. Il se dédiait aux autres.

Fier de son identité arabo-musulmane, maîtrisant parfaitement les langues arabe et française, tribun, et à la plume fine, il aimait partager avec ses interlocuteurs tunisiens et étrangers ses valeurs et ses convictions. Mustapha Mnif était une pensée profonde, des écrits solidement charpentés et une voix puissante et convaincante qui sait également se faire douce et séduisante.

Allah yerhamou.

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