News - 19.11.2025

Habib Touhami: Associations, société civile et politique en Tunisie

Habib Touhami: Associations, société civile et politique

A l’instar de celui des partis politiques, le nombre d’associations actuellement en activité en Tunisie n’est pas arrêté avec précision. Ce qu’on sait, c’est qu’entre 2011 et 2020, période critique s’il en est, plus de treize mille nouvelles associations ont été créées et que leur nombre aurait atteint 25.000 à la fin de 2024. D’autres sources parlent de 18.000, tenant compte du nombre d’associations fictives ou en sommeil. On ne connaît pas grand-chose sur le nombre de leurs adhérents, leur budget, leur source de financement et la nature de leurs attaches avec l’extérieur. L’opacité règne, et qu’elle soit la faute des associations elles-mêmes ou non, qu’elle résulte ou non d’un manquement de l’Etat à accomplir ses missions de contrôle des flux financiers, elle a fini par susciter suspicions et hostilité dans un large public. Plus qu’ailleurs, la transparence est ici requise.

Qu’il soit de 25.000 ou 18.000, le nombre d’associations est jugé excessif. Certains sont allés jusqu’à le considérer comme suspect, forcément suspect. Mais même si l’on retient le nombre de 25.000, cela ne fera in fine qu’une association pour 476 habitants en moyenne. Comparé au ratio français, une association pour 65 habitants, le ratio marocain, une association pour 290 habitants, le ratio tunisien d’une association pour 476 habitants apparaît plus proche de la normalité internationale que le contraire. Faire le procès des associations en raison uniquement de leur nombre est dénué de sens. Il existe par contre une ombre qui plane sur leur gestion, leur mode de fonctionnement, leur obédience politique et leur pénétration éventuelle par des forces extérieures hostiles.

Les termes du décret-loi n°2011-88 du 24 septembre 2011 portant organisation des associations permettent pourtant à l’Etat de procéder à tous les contrôles et investigations qu’il juge nécessaires et de traduire les contrevenants devant les tribunaux, et ce, sans aller jusqu’à remettre en cause la liberté d’association elle-même. Pourquoi ne le ferait-il pas avec un peu plus de célérité et de clarté? Il est possible que le décret-loi en question ait donné «des pouvoirs trop larges aux associations»,  pourquoi ne pas en débattre sans grandiloquence ou procès d’intention? Il est possible aussi que les activités de certaines associations aient touché directement à la souveraineté nationale? Qu’elles soient alors mises à l’index, punies et bannies. Dans le cas d’espèce, un procès devant le public a plus de portée symbolique et de résonance qu’un procès devant le tribunal.

Les Tunisiens n’ont manifestement plus confiance dans leurs partis politiques, leurs syndicats et leurs associations. C’est grand dommage! Un pays sans corps intermédiaires, sans vie associative, sans négociation sur le partage équitable des richesses produites et la répartition juste de la charge fiscale, est un pays nécessairement corseté, figé, travaillé par les passions extrêmes et les rancœurs inassouvies. La vie des nations est dans le mouvement, pas dans l’immobilisme, et les associations participent, qu’on le veuille ou non, de ce mouvement, tout autant que les partis politiques ou les syndicats, pour peu que les uns et les autres agissent en conséquence.

Habib Touhami