News - 23.11.2025

Khadija Taoufik Moalla - Dépasser la notion de “race”: vers une humanité réconciliée

Dépasser la notion de “race”: vers une humanité réconciliée

Ces dernières années, le monde a traversé une période marquée par l’intensification des conflits armés, l’aggravation des tensions géopolitiques, les fragmentations sociales, et des crises environnementales qui, chaque jour, mettent en péril la paix et le vivre-ensemble. Elles sont la source de plusieurs conflits et guerres qui jalonnent notre histoire commune. Les statistiques récentes sont effrayantes: augmentation des décès liés aux violences, montée de la haine et du racisme, exclusion basée sur la couleur de peau ou l’origine sont documentés sur tous les continents. Les Nations Unies alertent sur “des pressions d'une ampleur sans précédent”, pesant sur la sécurité internationale, rappelant que: “les conflits ont des coûts humains et économiques majeurs, et les tensions géopolitiques croissantes sont source d’incertitude et font obstacle aux initiatives multilatérales”. Dans ce contexte brûlant, il est indispensable de repenser les fondements de l’humanité, les catégories raciales et sociales qui divisent, et d’interroger les causes sous-jacentes de l'effritement des normes protectrices et le mépris pour la vie civile.

Cet article propose une réflexion sur la possibilité d’une humanité réconciliée, capable d’affronter les défis du monde contemporain. Il questionne en profondeur la notion de “race”, démontrée sans fondement biologique, et invite à une reconnaissance mutuelle, à une unité de l’humain au-delà de clivages artificiels. Cette réflexion s’inscrit dans la nécessité actuelle de dépasser les illusions destructrices qui alimentent les conflits et les inégalités, pour ouvrir la voie à une société solidaire et respectueuse du vivant—condition sine qua non pour construire l’avenir dans un contexte de crises multiples.

Et si le temps était venu de dépasser ce concept et d’en finir avec l’illusion que l’humanité puisse être divisée en “races”?

La “race”: une division fictive devenue arme de destruction sociale

Dans un monde où la violence et les divisions semblent croître plus vite que la solidarité, la question de “la race” s’impose comme un enjeu de société incontournable. Personnellement, j’ai toujours soutenu qu’il n’existe que trois races: la race humaine, la race animale et la race végétale. J’ai toujours pensé que ce qui nous différencie réellement c’est uniquement la couleur de notre peau, fruit d’adaptations géographiques et évolutives. Comme le rappelle le biologiste Jean-Loup Bertaux: “On a tous le sang rouge”!, et comme le certifie le Rapport du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (2025): “Les discriminations fondées sur la race sont une construction sociale et politique, sans fondement scientifique valide.” Pourtant, celles-ci continuent d’alimenter racisme, marginalisation et exclusion, minant la cohésion sociale et détruisant la santé mentale et physique de millions de personnes.

En fait, la science a tranché: cette notion n’a aucun fondement biologique. L’ADN de deux individus pris au hasard peut être plus proche entre continents qu’au sein d’un groupe perçu comme “racial”. Comme le rappelle le généticien Axel Kahn: “La notion de race humaine n’a aucune réalité scientifique, 99,9% de notre ADN est identique”. Les différences visibles relèvent d’adaptations morphologiques, et non d’une quelconque hiérarchie naturelle. Pourtant, ces divisions imaginaires produisent des ségrégations massives et très réelles. En France, selon un sondage Ipsos (février 2023), 91% des personnes noires ou métisses déclarent avoir subi au moins une fois une discrimination raciale. Aux États-Unis, le “traumatisme racial” est désormais reconnu comme une source de dépression, de stress chronique et même de maladies physiques. Comme le souligne Kwasi Kafele, expert en santé mentale: “Les inégalités raciales, combinées au sexisme et à la pauvreté, détruisent la santé mentale et entravent l’accès aux soins”.

Réconcilier l’humanité avec elle-même… et avec le vivant

Transcender les catégories sociales qui nous divisent ouvre la voie à un projet inédit: l’unité. Comme le suggère l’anthropologue Ruth Benedict: “L’unité de l’humanité est notre seul horizon. La diversité est une richesse, non une hiérarchie”. Il est donc urgent de refonder l’éducation sur l’idée que l’humanité est une et indivisible, en y intégrant une pédagogie de la paix et du respect du vivant. Par ailleurs, notre responsabilité doit aller au-delà de notre espèce. Comment la “race humaine” peut-elle continuer à détruire les autres races — animales et végétales — sans remettre en cause ce comportement autodestructeur? Comme le souligne le biologiste Gilles Bœuf: “Notre survie dépend du respect du vivant dans son ensemble”, car la crise environnementale est aussi en partie le reflet d’un modèle économique destructeur de la biodiversité. Selon lui: “Il faut éduquer, éduquer, éduquer pour sortir de la crise et reconnecter l’humain à la nature”. La crise environnementale impose de penser une solidarité qui déborde de l’humain, une véritable écologie de la réconciliation, qui rejoint l’appel de Gandhi et d’Alexandre Adler à juger la “grandeur morale” d’une société à la façon dont elle traite les animaux et les végétaux.

Actions à entreprendre

Face à la montée des résistance à la réconciliation, tels que l’escalade des identitarismes, l’influence des réseaux sociaux et du populisme, le poids des héritages historiques et du nationalisme; il est primordial de mettre en place des stratégies pour surmonter ces résistances, en s’appuyant sur les exemples de médiation, d’innovation sociale et d’engagement citoyen.

• Éducation: curriculum antiraciste, ateliers de dialogue, formation des enseignants à la diversité.
 Culture: festivals multiculturels, commémoration de figures de la réconciliation, créations artistiques inclusives.
 Politique: lois antidiscriminatoires, chartes locales du vivre-ensemble, politique d’inclusion active dans les institutions publiques.
• Droit: accès égal à la justice, soutien aux victimes de racisme, formation des magistrats et des juristes en général aux stigmas inconscients.
• Économie: initiatives d’inclusion des minorités, encouragement de l’entrepreneuriat social, responsabilité sociétale des entreprises dans la lutte contre les discriminations.

Ces stratégies devraient s’inspirer des travaux et concepts de “ double conscience”, de (Du Bois), des “violence symbolique” de (Bourdieu), de “colonialité” de (Fanon), ainsi que des approches sociologiques contemporaines (Wieviorka, Taguieff). Ces apports théoriques permettent d’ancrer la réflexion sur la réconciliation dans les défis réels du monde, afin de s’assurer que la transformation des imaginaires collectifs et des structures symboliques soit aussi centrale que la réforme politique ou juridique.

Vers une société réinventée, affranchie des héritages du passé

Le XXIe siècle nous impose d’abandonner les vieilles illusions, de dénoncer le racisme comme vestige honteux et d’inventer une société où la diversité n’est plus source de peur, mais levier pour la créativité et la résilience. Refuser la fragmentation et assumer notre unité, c’est commencer à panser les blessures de l’histoire et construire un monde où la reconnaissance prend le pas sur toutes les appréhensions.  Là réside l’enjeu majeur de notre époque: transformer la fiction destructrice de la race en une vérité constructive, celle d’une humanité véritablement sans frontières. Abolir le mythe racial, c’est offrir aux générations futures une histoire nouvelle, basée sur le respect et la solidarité cosmiques. Ce n’est qu’en affirmant haut et fort notre unité dans la diversité, que nous pourrons construire une société où la paix et l’harmonie priment. Ce n’est qu’à ce prix que l’humanité, enfin réconciliée avec elle-même et son environnement, pourra tourner la page des divisions, pour écrire celle d’une cohabitation sereine et harmonieuse.

Khadija Taoufik Moalla