Et maintenant?
Il est de connu que l’art en général, et la musique d’une façon spéciale, accompagne ou, mieux, devance les actions et révolutions populaires pour orienter les masses, aviver leurs sentiments afin qu’elles maintiennent la chaleur et l’enthousiasme, nécessaires pour atteindre l'objectif assigné. L’histoire est riche en exemples de ce genre. Personnellement j’ai vécu une situation similaire, à savoir écrire les paroles, composer la musique, l’apprendre et l’enregistrer dans les studios même de la radio en l’espace de moins d’une heure. Pour ne citer que deux exemples bien connus, je mentionne La Marseillaise et l’hymne Allahu Akbar.
Hélas, nos paroliers, compositeurs, chanteuses et chanteurs ont brillé par leur absence durant notre glorieuse révolution.
Cela dit, qu’allons-nous faire maintenant ?
J’ai toujours soutenu que le changement devait se faire de l'intérieur. J'ai déjà écrit un article dans ce sens en arabe. Hélas j’ai l’impression que la censure ou l’autocensure n’a pas été balayée par les récents événements. Ici sur les terres d’exil, j’ai essayé, dans la mesure de mes possibilités, de faire connaître la vérité et la réalité que vivait notre chère Tunisie. J’ai même publié des livres dans ce sens dont l’un, écrit en espagnol, portant sur la situation de tout le monde arabe.
Ces derniers jours, à la suite de la glorieuse révolution de nos jeunes, j’ai écrit sur les journaux, parlé à la radio et la TV car l’intérêt des Espaghols pour notre pays était grand. Heureusement je n’étais pas seul sur la scène. D’autres compatriotes ont fait de même y compris l’attaché de presse de notre ambassade et tout le personnel ambassadeur y compris.
Malgré ma conviction de ne pas agir hors des frontières, je me vois dans l’obligation de crier de l’extérieur PRENEZ GARDE LES ENFANTS votre révolution est plus que jamais en danger. D’ici, comme dans un mirador, nous apercevons des doigts, des mains, des mouvements divers pour essayer de freiner la marche et faire dévier la locomotive. Il ne s’agit ni de prêcher ni de donner conseils. Notre peuple est assez mûr, émancipé, cultivé, intelligent pour savoir ce dont il a besoin. Mais l'âge et le cumul des expériences, m'ont rendu un peu méfiant.
C’est pourquoi, mon devoir est de crier ATTENTION : beaucoup avant vous sont passés par cette dure expérience et ont vu leurs efforts échouer pour s’être laissés bercer par des promesses et des paroles mielleuses.
Je ne veux pas couper la main du voleur avant qu’il ne vole, selon notre expression bien tunisienne. Mais ce gouvernement d’union nationale n’est-il pas aujourd’hui pareil au soleil qui éclaire et englobe le monde entier ? Comment pourrait-il gérer le quotidien, relancer l’économie, veiller á la bonne marche des institutions, administrations, établissements scolaires, sanitaires et autres, épurer les rouages de l’ancien régime dont les principaux acteurs protagonistes sont encore en place, établir et garantir la sécurité et la paix nationales, renouveler la confiance des voisins et amis et renouer les relations internationales sur de nouvelles bases, et une liste sans fin de dures et nécessaires tâches ?
Comment pourrait-il accomplir toutes ces obligations quand d’autres tâches plus complexes encore ne peuvent pas attendre car elles sont la base de la réforme et les piliers de la démocratie à édifier comme l’élaboration d’une nouvelle constitution qui ne laisserait la place à aucune manipulation, la séparation des pouvoirs ; le nouveau code électoral, le code de la presse, et la liste n'est pas exhaustive.
Certes il y a les trois commissions, mais auront-elles le temps de remplir les tâches qui leur ont été confiées? A mon modeste avis, avec un gouvernement de technocrates pour le quotidien et une ou plusieurs assemblées ou comités ou commissions pour les affaires constitutionnelles et législatives.
Je termine en envoyant un chaleureux salut au ministre de la justice car, s’il n y a pas de confusion dans les noms, c’est un ami des années de la lutte contre le colonialisme et je me permets de lui dire et le supplier en disant : en souvenir des années 40 et de la rue de l’église – de la mosquée Zitouna actuellement – fais en sorte que la justice acquière son indépendance par des lois solides et durables. Je sais que tu peux le faire car tu y crois.
Mohamed Abdelkefi
Madrid