Boujemaa Remili
Grande figure de la gauche tunisienne depuis les années 70, Boujemaa Rémili vient de nous gratifier d’un remarquable essai politique, « Quand le peuple réussit, là où toute la société a échoué ». Rédigé au cours de l’année 2010, le texte est une réflexion pénétrante de la Tunisie d’avant la révolution : d’abord, un état des lieux caractérisé par un hiatus intenable entre la modernisation de la société et le cadre politique étroit qui continue à l’enserrer ; ensuite l’esquisse des objectifs : « une refondation qui pourrait emprunter tous les chemins possibles, sauf celui de l’effacement de la mémoire ou de la liquidation de l’imaginaire dans lequel nous avons toujours tenté de loger nos projets les plus fous ». Prémonitoire, cet essai, comme l'a voulu l'auteur est une sorte « d’examen de conscience, à la lumière « du retour d’expérience » auquel on voudrait se livrer dans l’unique et modeste dessein de pouvoir se remettre à mieux remarcher». Entretien :
1. Quand est-ce que vous avez commencé à écrire ce livre ?
J'ai écrit le livre pendant la deuxième moitié de 2010.
2. Pourquoi l’avez-vous écrit ?
La principale motivation est le bilan d'une génération qui a tout fait pour faire le changement mais qui s'est heurtée à des obstacles majeurs. C'est alors que je me suis fixé l'objectif d'identifier les raisons les plus profondes du blocage politique et démocratique, y compris en décortiquant le projet de modernité et le processus de modernisation et surtout en n'épargnant personne, c'est-à-dire aussi bien les pouvoirs des idépendances, les mouvements progressistes et démocratiques que les sociétés elles-mêmes ; mais il s'agissait également pour moi de démontrer que la contradiction entre d'un côté un modèle socioéconomique sommé d'approfondir constamment sa modernisation et un schéma politique pratiquement à l'arrêt, entre donc ces deux tendances de fond, la contradiction allait, indépendamment de la force des oppositions progressistes et démocratiques, aboutir à la 'rupture'. Quand ? Je ne pouvais pas le dater avec plus de précision. Mais je montre que c'est inéluctable 'inéluctable' parce que encore une fois cela était devenu indépendant de l'éternelle question du repport des forces.
3. Quel est votre message central ?
On peut dire que 'le message central', c'est ce qui correspond à ce qui a été intitulé : 'les quatre piliers de sagesse de la refondation moderniste', de la page 73 à la page 136, où j'ai développé le 'projet' de société sur la base duquel on peut mettre en place une nouvelle plateforme nationale, progesssite et démocratique. Reprendre ces 63 pages de propositions de 'fondement' d'une nouvelle modernité serait long. Ce que je peux dire c'est qu'à propos de questions aussi fondamentales que l'Islam, la libération nationale, le développement socioéconomique, dont le développement régional, la marginalisation sociale et le chômage, y compris celui des diplômés et, la démocratie, j'ai essayé d'élaborer des propositions que je pense aussi bein pertinentes que innovantes. Ce seront les questions qui seront mises sur le tapis dès que des conditions un peu plus sereines pour le débat national autour de l'avenir de la Tunisie seront remplies.