La révolution est également dans les kiosques à journaux
Du jamais vu auparavant : Le Canard Enchaîné pointe à 7000 exemplaires, Jeune-Afrique à 17 000, voire 20 000 exemplaires, les deux numéros spéciaux de Paris Match sont à 30 000, puis 20 000 exemplaires, alors que pour les quotidiens, Le Monde et Libération atteignent jusqu’à 4000 exemplaires par jour ! L’affranchissement de la censure sur l’importation de la presse étrangère et la levée des quotas imposés aux publications qui étaient parcimonieusement admises en Tunisie, font fleurir les kiosques à journaux de pas moins de 50 nouveaux titres significatifs, qui s’ajoutent au 1000 déjà sur le marché, alors que 300 à 400 autres périodiques se bousculent au portillon.
La distribution de la presse étrangère en Tunisie est assurée en grande partie par la Sotupresse qui compte parmi ses actionnaires les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP). Jadis, les titres autorisés par le ministère de la Communication, selon des quotas précis, sont réceptionnés à l’aéroport, retirés ou gardés sur place, jusqu’à la notification d’une sorte de main levée qui peu trainer en longueur et peut être générale ou restrictive en fonction des circuits de points de vente : certains seulement, exposition sur les présentoirs ou non, retrait, etc. A chaque instant, sa décision. Les équipes de la Sotupresse, comme les quelques autres distributeurs (notamment Jeune-Afrique) ont dû en subir.
Deux impératifs
Désormais, plus jamais ça ! Mais, quelle responsabilité portée sur les épaules des diffuseurs de périodiques, mais aussi de livres. Vérifier le contenu et s’assurer qu’il ne porte aucune atteinte aux bonnes mœurs, aux institutions, à l’ordre public et aux croyances : c’est devenu de la responsabilité directe des distributeurs. Le code de la presse, bien que désuet, mais encore en vigueur, institue un système de responsabilités en cascades, qui fait, en bout de chaîne, du distributeur, voire-même du revendeur, un co-auteur en cas d’infraction ou de délit de presse. La censure préalable offrait une certaine protection, mais la liberté, tant revendiquée impose des responsabilités. Quand on traite plus de 1000 titres, de diverses périodicités et en différentes langues, on mesure l’ampleur de l’effort à fournir.
Deuxième impératif, d’ordre économique et pratique : maintenant que plusieurs dizaines de titres étrangers se pressent à s’installer en kiosques, pour un double objectif de vente, puis, en créant de l’audience en Tunisie, séduire les annonceurs par leur présence et leur audience élargie, quels critères de sélection retenir. « De par la taille du marché, son élasticité et sa capacité d’écoulement, les dimensions des points de vente, la multiplication des titres de chaque catégorie, souligne à Leaders, un dirigeant de la Sotupresse, il va falloir opérer progressivement et éviter l’encombrement et la saturation. Si par exemple, nous avons actuellement plus de 100 périodiques féminins, la marge d’extension du segment est limitée. Par contre, nous n’avons aucune revue consacrée au Rap, alors que la demande commence à se faire pressante dans cette catégorie. »
Les projections portent à croire que les 1000 titres étrangers importés en janvier 2011, passeront à 1500, voire même 1700, d’ici la fin de l’année, soit au même niveau que le Maroc, trois fois plus peuplée que la Tunisie.
Et la presse tunisienne ?
A titre indicatif, la presse tunisienne enregistre elle aussi des mutations progressives quant à la liberté de prise de parole, avec le changement de vocation de certains média, la disparition de journaux de partis de l’ancien régime, et l’ancrage de la presse interactive. Si l’accélération de l’actualité favorise l’internet, la radio et la télévision, élargissant grandement leurs audiences, la presse écrite n’est pas en reste. Les quotidiens auraient enregistré dans le Grand Tunis, une croissance des ventes allant jusqu’à 30% pour certains journaux, notamment La Presse, Ech-Chourouq, Assarih et Assabah. Quant aux hebdomadaires, concurrencés par les médias d’alerte, leurs ventes auraient augmenté de 7 à 10%, selon des diffuseurs.