Eduardo Mondlane et la Tunisie, le rôle d'Ahmed Tlili (1)
Les éditions Apollinia viennent de lancer les « Cahiers d’Afrique », une nouvelle collection destinée par son initiateur, Ridha Tlili, à « combler un manque de connaissances sur les mouvements d’indépendance africains ». Le premier ouvrage de la collection est un extrait de la biographie d’Eduardo Mondlane, le père du mouvement indépendantiste mozambicain, mort prématurément en 1969, à l’âge de 49 ans, où il est question de la Tunisie, de Bourguiba et d’Ahmed Tlili, de Mondlane et de la contribution de la Tunisie à la libération des pays africains sous domination anglaise et portugaise, notamment. On y découvre avec plaisir, le rôle joué par la Tunisie dans l’émancipation des peuples africains. Cela s’est fait dans la discrétion la plus totale et sans que notre pays cherche à en tirer des gains politiques ou même de prestige. Pourtant, cette action n’était pas totalement désintéressée. Il faut se mettre dans le contexte de l’époque. Le communisme marquait des points partout, en Amérique avec Cuba, en Afrique où des mouvements de libération se réclamaient ouvertement du marxisme-léninisme comme l’ANC de Nelson Mandela ou le MPLA angolais. Et l’idole de la jeunesse africaine, c’était Che Guevara. Il était partout, en Amérique Latine, au Congo. Par contre, le libéralisme était combattu, rejeté parce que perçu comme l’idéologie des anciennes puissances coloniales.
De tous les leaders du Tiers Monde, seul Bourguiba était resté attaché « au monde libre » et il n’aura de cesse de combattre l’infiltration communiste en Afrique, considérée comme une forme d’aliénation. Son engagement au côté du FNLA angolais de Holden Roberto et de Mondlane s’inscrit dans cette optique. Il va trouver en Ahmed Tlili, un collaborateur hors pair. Militant syndicaliste et nationaliste ayant noué des relations très solides avec les nationalistes africains, Ahmed Tlili sera le principal artisan de cette diplomatie secrète pendant de longues années. Avec Mongi Slim à l’ONU, il jouera un rôle de premier plan auprès des militants camerounais, ghanéens et sud africains.
L’ouvrage nous fait découvrir des pans entiers de notre histoire, méconnus parce qu’aucun historien n’a eu l’idée de s’y pencher. Il a fallu un chercheur portugais et l’initiative de Ridha Tlili pour que soit mis à la disposition du public tunisien ce livre fourmillant d’informations inédites. On saluera au passage la belle constance dans l’effort de M. Tlili qui n’a eu de cesse depuis longtemps d’entretenir la mémoire de son père, militant infatigable des causes justes disparu lui aussi à 49 ans comme Mondlane.
(1) Editions Apollonia, 93 p. Tunis 2010