Réplique à la Tribune d'Elyès Jouini
Dans la tribune publiée par la Presse dans son numéro du 23 février 2011, le Ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des réformes économiques et sociales et de la coordination avec les services concernés, essaie de répondre aux craintes des Tunisiens de voir leur révolution confisquée et perdre ainsi cette occasion historique de prendre leur destinée en main. Ces tunisiens dont je fais partie sont nombreux et si leurs actions se précisent [Cf manifestation a la Kasbah et ailleurs] leurs voix restent malheureusement ignorées à ce jour.
C’est bien, Monsieur le Ministre de rassurer par les mots mais c’est encore mieux de le faire par des actions précises. Des actions qui s’inscrivent dans une logique révolutionnaire plutôt que dans une logique de continuité à peine camouflée. Le gouvernement actuel est comme vous le dites conscient des défis et il doit savoir que personne ne nie que l’économie est une des pierres angulaires de toutes les sociétés contemporaines. Mais certainement pas la seule.
Il ya des moments dans l’histoire ou il est impératif de prendre le temps de bien réfléchir avant d’agir et la révolution en est un moment privilégié. Il ne faut pas qu’au nom de l’économie les Tunisiens aient l’impression qu’on est en train de leur faire avaler des couleuvres. Pourquoi cette hâte à vouloir privilégier presque manu militari le dossier économique alors qu’on marginalise des questions fondamentales que la révolution a si bien posé.
A ce qu’on sache la Tunisie n’as pas été bombardé comme l’Irak, son infrastructure et ces hommes qui sont à l’ origine des indicateurs économiques qui forçaient le respect de nos amis du nord il n’ya pas si longtemps, sont à ce toujours la. Ne suffit-il donc pas de charger les technocrates du gouvernement de veiller à ce que la machine reprenne même légèrement au dessous de ce son niveau d’avant le 14 Janvier 2011 ? Ne peut-on vraiment pas attendre le temps des élections ? Y a t-il eu exode en masse des investisseurs étrangers, qu’on ignore, pour qu’on se dépêche d’organiser un forum économique pour attirer d’autres IDE ? L’objectif ne serait-il pas alors de mettre rapidement les jalons d’un nouveau modèle de coopération avec nos vieux partenaires qui ont volé à notre secours et nous promettent un statut privilégié dans l’union européenne alors qu’on ne l’a pas eu du temps où on nous qualifiait de miracle Tunisien ? J’oublie qu’ils nous ont généreusement promis 17.350,000 d’euros.
Cela ne ressemble à s’y méprendre à la politique de la carotte, petite carotte quand même. Si c’est dans cette voie que le gouvernement de transition comme vous l’avez bien répété Monsieur le ministre, veut engager le pays, je vous demande solennellement s’il est habilité à le faire et à engager de ce fait le prochain gouvernement issu des élections dans une voie économique qui ne correspondrait pas à tort ou a raison à la volonté du peuple. Est-ce que c’est éthique ? Est-ce que c’est démocratique ? A moins que ce gouvernement ne croie pas vraiment qu’il est transitoire. Je vous le demande ?
Les visites des délégations étrangères leurs compositions et les réactions du gouvernement à ces valses diplomatiques et moins diplomatique et les déclarations qui suivent, sont bien analysés par les Tunisiens libres qui savent les interpréter et tirer les bonnes conclusions. Le forum de Carthage, cher à si Mohamed Ghannouchi, serait même plus réussi donc plus apprécié par ce dernier s’il se déroulait dans une Tunisie plus ancrée dans la démocratie. Faite-le savoir à nos amis qui se bousculent à nos portes, les Tunisiens ont muri et ils vous passent le message suivant : Nous avons besoin de respect et de temps, Merci.
La question que je se pose ici c’est : Peut-on relancer l’économie avec ce forum mais SANS Les TUNISIENS ? Ces Tunisiens vous sauront gré Monsieur le ministre de considérer publiquement le pour et le contre [Pro & Cons] de l’organisation de ce forum. A ce titre, je vous suggère de consulter les tunisiens sur ce sujet par la voie d’un referendum. Voila un bel exercice de démocratie qui in fine nous préparerait bien aux échéances électorales qui se préparent et créditerait le gouvernement de transition. Il pourrait peut être même prolonger son mandat.
Ce qui est urgent et difficile et je ne vous apprendrai rien Monsieur le ministre, c’est de doter et rapidement la Tunisie d’un SYSTEME DEMOCRATIQUE PENSE ET EXECUTE PAR LES TUNISIENS. Non pas un modèle manufacturé prêt à l’emploi. Cela devrait être le souci majeur et le mandat sacré de ce gouvernement. Vous voudriez bien m'excuser mais on ne voit rien de tangible dans ce sens. C’est vrai qu’il y a la commission des reformes avec a sa tête, une personnalité des plus intègres et compétente de surcroît. Mais quel rôle joue le gouvernement pour faciliter ou accélérer ce processus ?
Pourquoi on ne répond pas aux questions que pose le peuple tunisien de façon récurrente, réponse pour lesquelles il va même jusqu'à camper dans la rue sous les fenêtres du gouvernement:
1-Pourquoi on n’a pas dissous le parlement avec ses deux chambres. Ce parlement illégitime puisque truqué et qui a publiquement montré non seulement ses limites mais la qualité lamentable de ces membres. Nous avons honte nous autres tunisiens libres d’être encore officiellement représentés par cette horde, pour reprendre un terme cher à un de nos ambassadeurs ?
2- Pourquoi le gouvernement accepte t-il de tirer sa légitimité de ce parlement obsolète alors que ce sont les tunisiens libres qui lui ont accordé leur confiance.3- Pourquoi garde t-on cette constitution qui a été souillée irréversiblement par des mains criminelles ? Pourquoi on n’a pas définitivement liquidé le RCD ? Il y a peut -être des arguments juridiques qu’on ignore et qui nous dépasseraient. Même si c’est le cas, pourquoi est ce qu’on s’évertue à respecter scrupuleusement ces pseudo arguments aux dépens des intérêts supérieurs de la nation ? Une explication convaincante serait la bienvenue.
Je ne reviendrai pas sur les autres actions du gouvernement qui ont été bien relayées par la presse et le public et qui vacillent entre colmater les brèches sociales et l’action politique si maladroite [ depuis l’affaire de l’article 56 ou l’article 57 de la constitution] que les Tunisiens ont de la peine à croire que ce n’est pas intentionnel surtout qu’on connait le passé et l’expérience politique avérée au moins des aînés ainsi que les compétences qui ne manquent pas notamment au premier ministère.
Vous m’accorderez, Monsieur le Ministre, que les Tunisiens ont de quoi se méfier, plus de 50 ans d’enclavement politique avec 23 ans d’une dictature sanguinaire ont forgé une génération de Tunisiens qui savent ce que c’est que la « Realpolitik ». Ils savent aussi qu’ils ont une chance historique d’exprimer leur point de vue, peut-être divergent mais certainement loin des théories du complot et de tout antagonisme avec nos partenaires voisins et amis. S’il y a un message qu’on peut convoyer au monde alors qu’on saisisse l’occasion pour le faire. On n’en mourra pas. Le Japon a bien essuyé deux bombes nucléaire cela ne l’as pas empêché de se relever à force de caractère et de volonté.
Nous ne sommes pas le Japon, vous me direz, mais ce qui est certain c’est qu’on ne se relèvera pas ou du moins pas avant longtemps, de l’effet dévastateur que sera le mépris et l’échec de notre chère révolution.
Nous avons commencé à écrire une belle page de l’histoire de notre cher pays alors je vous en conjure messieurs du gouvernement transitoire faites en sorte même si on doit déplaire à certains que cette page ne soit pas tachée pour qu’on puisse tous la remplir le plus sereinement possible. Plus de 3000 ans d’histoire nous observent.
Dahmani Fathallah
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