L'intelligence des Tunisiens, leur lucidité et leur solidarité leur permettront d'inventer leur propre chemin démocratique
Dans son intervention "Les Tunisiens veulent inventer leur démocratie"(1), Vincent Geisser a analysé la situation actuelle en Tunisie. Pour résumer, il a bien réussi à identifier deux courants qui se partagent comme objectif la réussite du modèle tunisien. Il les appelle les "technocrates" et "Démocrates". On peut ne pas être d'accord avec cette nomenclature. Ce n'est pas le point essentiel. Ce qui me semble vrai dans cette analyse est que chaque courant a une vision différente du chemin de la réussite. Le premier groupe qui conduit la "locomotive" actuellement veut reprendre la dynamique économique largement intégrée dans l'économie mondiale pour minimiser les dégâts, rassurer les investisseurs étrangers et les institutions financières internationales. En même temps, il essaye de faire progresser la réforme du système politique sur la base des "semi-piliers" institutionnels existants.
Le deuxième groupe est inquiet vis-à-vis des acquis politiques de la révolution. Il souhaite une implication profonde dans le choix du chemin vers la démocratie, du projet de la société. Plusieurs citoyens s'identifient à ce groupe actuellement "représenté" au moins médiatiquement par le Conseil de protection de la révolution. Le problème est que la faille d’incompréhension et de méfiance entre les deux groupes se creuse... et l'échéance des soixante jours pourra l’accentuer encore plus. Le gouvernement transitoire doit réagir au bon moment avant que les forces anti-révolutionnaires manipulatrices ne se mêlent aux citoyens demandant une feuille de route garantissant leur participation active dans le "design" du chemin démocratique. Il semble que la commission de la réforme politique a commencé à agir dans le bon sens. En effet, son président, Professeur Ben Achour a déclaré qu’elle va se structurer autour de deux comités : « l’un formé des experts et l’autre des personnalités nationales, ONG, partis politiques, syndicats, ordres des avocats et des magistrats ainsi que le comité du 14 janvier pour la protection de la révolution tunisienne avec lequel des négociations sont engagées pour qu’il fasse partie du comité consultatif »(2).
Hier, sur un plateau télévisé, M. Ghrairi, un de ses membres a annoncé que la commission n’a pas encore tranché entre quatre scénarios possibles concernant la réforme politique. Un des scénarios étant la solution déjà proposée par M. A. Mestiri à savoir élire une assemblée constituante. Il me semble que cette solution permettrait de court-circuiter les stratégies anti-révolutionnaires....Elle est probablement difficile à mettre en oeuvre car il s'agit d'organiser des élections selon un code électoral à définir...Mais j'ai la conviction qu’elle est la plus à même de désamorcer la polarisation de la société tunisienne. On pourra annoncer par exemple des élections d'une assemblée constituante au mois je juin au lieu des élections présidentielles prématurées...
Aujourd’hui, nous avons besoin de transparence du discours politique vis-à-vis des enjeux économico-politiques de la période actuelle. Les hommes et femmes tunisiennes se considèrent intelligents et matures pour pouvoir participer à la prise de décision concernant l'avenir de leur pays. Ils se sentent agacés chaque fois qu'ils perçoivent des signaux témoignant une mise en scène manipulo-médiatique. L'intelligence des tunisiens, leur lucidité et leur solidarité leur permettront, j'en suis sûr d'inventer leur propre chemin vers la démocratie. Ca ne sera bien évidemment pas facile. La Tunisie a plus que jamais besoin d'Hommes politiques courageux qui sont capables de fédérer et d'élever leur discours politiques au niveau de l'intelligence des tunisiens.
A bons entendeurs.
1 http://www.youtube.com/watch?v=slA7EuLwKRY
2 http://www.webmanagercenter.com/management/article.php?xtor=ES-2795&id=102467
Mahmoud Sami Nabi
Vendredi 25 février 2011