Pourquoi toute cette haine ? Nous sommes tous des Tunisiens libres !
Les Tunisiens sont différents, et ce n’est guère un phénomène nouveau. Ils sont différents et l’ont toujours été dans leurs convictions, leurs idéologies, leurs cultes, leurs visions, leurs pays et régions d’origine, leurs appartenances sociales, leurs catégories professionnelles, leurs générations, leurs pratiques de toutes sortes,…Ils sont différents, mais très fortement unis autour des mêmes acquis, depuis le 14 Janvier : Tunisiens, Citoyens, Libres, Unis contre la dictature et la répression.
Alors pourquoi toutes ces divisions précoces ? Pourquoi tous ces échanges de haine ? Pourquoi tout ce manque de conscience ?
Pourquoi, ayant recouvré leur liberté, oublient-ils la tolérance et se tournent vers la violence ? Ils sont tout de même connus pour leur pacifisme et leur esprit d'ouverture.
Il est tout à fait normal que nous soyons différents. Il est même impératif que nous exprimions nos différences dans le nouveau paysage démocratique, mais il est tout aussi important de comprendre que nous devons nous accepter les uns les autres.
Cette problématique se trouve aussi projetée sur le plan politique : Une guerre est ouverte entre partisans et sympathisants des différents partis. Une guerre peut-on dire, tout à fait légitime, mais qui semble, dépasser les limites tolérées : les Tunisiens s’insultent, ne se respectent plus, voire même se bagarrent et commencent à agresser ceux qui sont différents d’eux, sur les lieux publics et sur les réseaux sociaux.
Aujourd’hui, nous oublions que lorsqu’on parle de liberté et de démocratie, il faut, tout d’abord, tourner le dos à tout ce qui s'apparente à la théorie du parti unique, de la religion unique, de l’idéologie unique et du modèle unique. Tous ceux qui nous semblent différents ont le droit d’exister. Même si ceci nous semble dangereux pour le pays, nous n’avons pas le droit de nous y opposer : c’est la loi de la démocratie .
Alors, arrêtons toutes les formes de violence contre ceux qui sont différents de nous, car il y a bien des méthodes beaucoup plus intelligentes pour exprimer nos tendances et nos idées, ou même les propager.
Sans raisons valables, une guerre s’est déclenchée entre les femmes. Il faut tout simplement que les femmes non voilées acceptent celles voilées et arrêtent de publier, sur les pages des réseaux sociaux, des commentaires et des photos qui touchent leurs compatriotes dans leur dignité. Il y en a certaines parmi ces dernières qui ont souffert de la répression plus que toutes les autres. Les voilées, à leur tour, ne doivent pas juger explicitement les autres femmes émancipées, ou leurs imposer des modèles de comportement ni même accepter que des hommes, barbus ou non, peu importe, agressent leurs compatriotes femmes dans la rue. Une femme non voilée est en droit de refuser de se voir imposer le port du voile, ou qu’on lui interdise une certaine tenue vestimentaire ou comportementale. Celle voilée n’acceptera pas non plus qu’on la discrimine pour son apparence ou qu’on lui interdise des droits, à cause de ses tendances religieuse : Nous voyons bien qu’elles ont le même souci : rester libres.
Sur un autre plan, ceux qui veulent défendre un parti politique, doivent mettre en valeur ses principes, ses actions, son programme ainsi que les qualités de ses représentants. Il relève de la faiblesse de chercher à discréditer des hommes politiques, ou insulter les autres aux seuls motifs qu'ils nous déplaisent ou que nous ne partageons pas leurs idées, ou encore pour renforcer d’autres partis. Aussi, certains activistes seraient-il plus inspirés d'encourager les coalitions avec leurs partis et leurs semblables . Vous me direz qu’ils sont libres de leurs choix, mais, au fait, il a déjà été remarqué que plusieurs partis ne sont pas différents, et que, dans la précipitation des faits, nous avons besoin de leur union qui constituera une force réelle, exactement comme notre Tunisie aurait besoin de notre union, dans nos différences, ce qui ferait pour nous un bel avenir.
Il faut aussi rappeler que ceux qui ont choisi de demeurer apolitiques, sont aussi libres de leur choix, dans la mesure où ils restent des électeurs bien avertis et conscients de leur environnement politique, mais aussi dans la mesure où ils peuvent toujours participer à la construction de leur pays, en s'investissant dans le mouvement associatif ou dans toute forme d’action de sensibilisation, de motivation, de formation et d’assistance à leurs concitoyens.
Nous avons tous le droit d’être politisés ou non, de pratiquer la religion de notre choix, de nous exprimer librement, de mener la vie qui nous plait, de porter les habits qui nous conviennent, de soutenir un parti, une association, une ONG, une personnalité ou une cause, tant que nous le faisons dans le respect de l’autre. Nous avons tous droit à la liberté que nous avons chèrement acquise. Alors unissons-nous et faisons de nos différences un atout plutôt qu'une source de conflit. Ne serait-il pas plus judicieux pour nous, de militer ensemble, chacun dans sa structure ou son environnement, pour imposer, aux futurs membres de la constituante, un engagement pour la non discrimination et le respect des libertés individuelles.
Toute atteinte à la liberté de l’autre, par le jugement, l’interdiction, la moquerie, l’agression physique ou morale, est à mon avis une forme de violence. Alors, chers Tunisiens disons « Stop à la violence » : cessons de nous quereller, et apprenons à accepter le droit à la différence. Notre révolution était celle de la liberté, certes, mais la liberté des uns s’arrête là où celle des autres commence.
Feten Meziou