Manifestation anti-exclusion : le premier face-à-face
La scène est inédite : sortant pour la première fois depuis le 14 janvier de leur mutisme, des militants de l’ex-RCD, dénonçant le projet de décret-loi les excluant de la Constitutionnelle se sont trouvés, samedi, face à leur détracteurs. Le sit-in organisé, place des Droits de l’Homme, sur l’avenue Mohamed V, a drainé plusieurs centaines de participants dont le nombre était estimé à 3000 par des observateurs et 6000 selon les organisateurs. Si de grandes figures n’y étaient pas présentes, pas plus que les leaders des nouveaux partis se proclamant de l’héritage du Destour et de Bourguiba (Kamel Morjane, Mohamed Jegham, Ahmed Friaa, etc.), d’anciens députés, membres du comité central et cadres, mais aussi de vieux militants destouriens "spoliés de leur Néo-Destour depuis 23 ans", étaient venus, notamment de plusieurs régions de l’intérieur du pays, pour faire entendre leur « ferme opposition à l’exclusion discriminatoire » dont ils risquent de faire l’objet, tant dans son principe, que dans sa portée (23 ans d’antériorité). Plusieurs slogans étaient scandés: "De la dictature de Ben Ali, à la dictature de la Haute Instance, Non à la justice collective, On ne construit pas l'avenir avec la haine et la revanche, La Tunisie à tous les Tunisien...". Une motion lue à cette occasion était proposée à la signature et aurait recueilli près de 8000 signatures selon les organisateurs.
Vers midi, et alors que le sit-in qui s’est déroulé dans des conditions pacifiques, s’apprêtait à prendre fin et que les premiers bus venus de l’intérieur allaient reprendre la route, un groupe d’une trentaine de jeunes, se présentant comme des anciens de la Kasbah, est arrivé sur l’avenue Mohamed V, lançant le fameux Dégage et refusant aux ex-Rcédistes tout droit de candidature à la Constituante. Ce face-à-face, premier de son genre, donne un avant goût de nouvelles formes de luttes politiques au sein de la transition démocratique. Un vieux militant destourien venu de Kasserine, époustouflé par ces échanges, n’hésite pas à laisser tomber: «Nous, on n'est pour rien. On ne doit pas diviser les Tunisiens. Il faut juger les vrais coupables.»
Pour les organisateurs qui insistent sur son caractère informel, «cette première initiative a atteint ses objectifs », estiment-ils, affirmant qu’elle vise à «mobiliser la majorité silencieuse, jusque-là quasi-immobile, et surtout constituer un large front du centre républicain, à même de faire face à l’hégémonie des extrêmes.» Y parviendront-ils ?