Fédia Hamdi bénéficie d'un non-lieu : la magnanimité de la mère de Bouazizi
Le Tribunal de première instance de Sidi Bouzid a prononcé, mardi, une ordonnance de non-lieu dans l'affaire de l'agent municipale Fédia Hamdi, accusée d'avoir giflé Mohamed Bouazizi.
Au cours de l'audience, qui a commencé tôt mardi, la mère de Bouazizi a renoncé à son droit dans le procès intenté contre Fédia Hamdi.
"Ma décision de renoncer à mon droit dans l'affaire de mon fils, a t-elle expliqué à l'agence Tap, ne procède pas d'une position de faiblesse. Il s'agit d'une décision difficile mais réfléchie qui tend à éviter la haine et la rancune, et à consacrer la réconciliation entre les habitants de Sidi Bouzid".
Répondant à une question relative aux informations établissant que la famille Bouazizi est devenue une famille riche, grâce aux aides financières qu'elle a reçues, suite à la mort de son fils, la mère de Mohamed Bouazizi a affirmé avoir reçu du président déchu, en dépit de son refus et après insistance, un montant de 20 mille dinars, et qu'un même montant lui a été octroyée à titre de dons offerts aux familles des martyrs de la révolution.
Elle a relevé que sa famille a aussi reçu des aides symboliques de la part de plusieurs citoyens et habitants de Sidi Bouzid, soulignant que "les indemnités et les dommages et intérêts qui lui ont été remis ainsi qu'à sa famille, ne valent pas une seule goutte de sang de son fils Mohamed qui a contribué, à l'instar des martyrs de la révolution, à la réalisation des aspirations du peuple tunisien à la liberté et à la dignité".
Au sujet de son déménagement vers la banlieue de la Marsa, la mère de Bouazizi a indiqué qu'elle réside actuellement dans un logement ordinaire à la Marsa, qu'elle a louée pour une période de 6 mois avec ses filles qui étudient à Tunis, afin de bénéficier de soins au niveau des yeux et de permettre à son fils de poursuivre ses études dans un autre établissement secondaire après qu'il ait été renvoyé définitivement du lycée de Sidi Bouzid, sur fond d'une querelle avec l'un des professeurs.
D'autre part, Mme Manoubia Bouazizi a réaffirmé que la Tunisie, du Nord au Sud, a consenti des martyrs et contribué au déclenchement de la révolution des libres, indiquant qu'aucune partie ne peut prétendre le monopole de cet acquis historique".
Des erreurs de procédure
Au début de la séance, le tribunal avait auditionné Fédia Hamdi qui a nié les charges retenues contre elle l'accusant d'avoir violenté le défunt Mohamed Bouazizi.
Il a, en outre, écouté les membres de la famille du disparu, sa mère et ses deux sœurs, qui ont annoncé, à la surprise générale, leur renoncement à leur droit dans les poursuites intentées contre Fédia Hamdi. La mère a affirmé "Je laisse les choses entre les mains de Dieu, et il me suffit de voir que le martyr de Mohamed a eu comme résultats la liberté et le départ des tyrans".
Dans sa plaidoirie, l'avocate de la défense Me Basma Nasri a lu un long rapport au début duquel elle a évoqué les circonstances de l'affaire qui a commencé le 17 décembre 2010. Elle a attiré l'attention sur les nombreuses erreurs de procédure, notamment l'absence de la victime et d'autant plus qu'il n'a pas été procédé à l'audition de la famille du défunt, ni au cours de l'enquête, ni par le juge d'instruction.
Le juge d'instruction en première instance s'est contenté d'indiquer qu'il n'a pas été possible d'interroger la victime, parce qu'elle était à l'hôpital.
Parmi les autres erreurs de procédure, Me Nasri a indiqué que les instructions du ministère public étaient d'enquêter sans plus et qu'il n'y avait dans le dossier aucune demande qui montrent que des instructions ont été données pour maintenir en garde à vue l'accusée, ce qui, selon son avis, rend nulles les actions de l'enquêteur. Elle a également relevé, dans le même sens, que l'interrogatoire de l'accusée a eu lieu sans la présence de son avocat et l'émission d'un mandat de dépôt à son encontre.
L'avocate a, d'autre part, souligné l'irrecevabilité des déclarations des témoins, pour différentes raisons dont, en particulier, leur liens de parenté avec la victime, l'existence de rivalités avec l'agent municipal, les intérêts de l'un des témoins outre leur absence des lieux des faits et l'existence de contradictions dans leurs témoignages. Elle a, aussi, annoncé l'existence de deux témoins qui confirment l'innocence de l'accusée, dans les faits qui lui étaient reprochés.
Par ailleurs, la défense, composée de sept avocats, a mis l'accent sur l'innocence de l'accusée et la nullité des procédures qui ont entouré son interrogatoire. Elle a demandé la libération de l'agent municipal et de démontrer l'indépendance et l'impartialité de la justice.
Dans une déclaration à l'agence TAP, à l'issue de l'audience, l'un des avocats de la défense Me Khaled Ouainya a indiqué que Fédia Hamdi était le bouc émissaire auquel les autorités régionales et centrales de l'ancien régime endossaient leur échec.
Il a affirmé que l'ouverture de ce dossier n'aurait pas eu lieu sans la pression médiatique exercée par les proches de Fédia pour briser les zones d'ombre qui entouraient cette affaire.
Une ambiance particulière avait régné au siège du tribunal de première instance de Sidi Bouzid, depuis mardi matin, à l'occasion du procès. Des mesures de sécurité renforcées ont été prises autour de l'enceinte du tribunal où ont afflué des centaines de citoyens venus suivre le procès et attendre le verdict.
Un grand nombre de personnes dont des journalistes parmi l'assistance n'a pas pu accéder à la salle du tribunal, sachant que les représentants des médias écrits et audiovisuels ont afflué en grands nombres vers la ville de Sidi Bouzid.
L'annonce du verdict innocentant l'agent municipal a été accueillie avec une grande satisfaction et une joie immense de la part des personnes venues en grand nombre et qui ont suivi le procès à l'intérieur et en dehors de la salle du tribunal. Ils ont salué, comme l'a constaté le correspondant de l'agence TAP à Sidi Bouzid, le courage des juges qui ont donné la preuve de l'Indépendance de la justice et la rupture avec l'ancien régime.