Yadh Ben Achour, sur Europe 1 et au Monde: les élections, Ennahdha, le RCD, la France, la Libye ...
Courte, mais bien médiatisée : en visite de deux jours à Paris, à la faveur du séminaire de l’OCDE sur la gouvernance et le nouveau processus de transition démocratique en Tunisie et en Egypte, Yadh Ben Achour a été très sollicité par les médias français. Invité mercredi matin sur Europe 1 par Jean-Pierre El Kabbach, il a évoqué tour-à-tour les préparatifs pour l’élection de la constituante, le parti Ennahdha, l’exclusion des Rcédistes, les relations avec la France, l’émigration clandestine et la situation en Libye.
Interview au Monde
Dans une interview accordée à Isabelle Mandraud du Monde, Yadh Ben Achour a annoncé qu’un pacte républicain est en cours d’élaboration pour imposer à tous ceux qui vont se présenter une déontologie, un standard politique minimum sur les droits de l'homme et le rejet absolu de la violence. Puis le gouvernement provisoire présentera sa démission et un nouveau, désigné par l'Assemblée, prendra sa place.
Lorsque la nouvelle Constitution sera votée, dans le délai de six mois à un an, des élections seront organisées. Nous entrerons alors dans la deuxième République de notre histoire."
Détaillant la logistique des élections, il a indiqué qu’ »il va falloir refaire les listes des électeurs – puisque jusqu'ici, même les morts votaient –, mettre à jour les cartes d'identité nationale, organiser les 2000 bureaux d'inscription, ce qui nécessite de former 4000 personnes. Puis il faudra organiser 7 000 bureaux de vote avec un président et deux assesseurs, soit à nouveau 21 000 personnes à former… Cette opération coûtera environ 20 millions d'euros. Nous marchons toujours sur la corde raide. »
La veille, sur le plateau de Public Sénat, La Chaîne Parlementaire, il avait déclaré au micro de Sonia Mabrouk, que le problème de l’émigration clandestine était un problème juridique de par le statut de ces migrants, mais surtout humain, appelant une réponse humaine, mais aussi des solutions radicales en Tunisie, à travers une nouvelle stratégie de développement et d’emploi.
Sur Europe 1, les questions percutantes de Jean-Pierre Elkabbach ont suscité des réponses directes d’Yadh Ben Achour. Best-Of
Tunisie-France : Jugeant que les Français étaient « un peu frileux » dans leur soutien à la Tunisie et que les promesses faites par les ministres français qui se sont rendus en Tunisie n'avaient "pas vraiment" été suivies d'effet, il a déclaré : "La France essaie de se rattraper un petit peu après des positions gouvernementales françaises qui ont beaucoup déçu les Tunisiens. J'espère que nous allons tourner cette page et réellement faire du nouveau." A Alain Juppé qui se rend ce mercredi à Tunis et qu’il rencontrera jeudi matin, Yadh Ben Achour souhaite dire : « qu'il faut accueillir cette Tunisie nouvelle à bras ouverts, pour lui dire merci de rejoindre le club des Nations libres et que nous allons travailler ensemble, la main dans la main et faire le maximum.
La situation en Libye
Je suis inquiet. Très inquiet !
L'émigration clandestine vers l’Europe, qui doit en régler les flux?
C’est au Tunisiens de s’en occuper en réglant les problèmes de développement et d’emploi. Si des jeunes fuient, ils ne fuient pas la démocratie, mais les mauvaises conditions de vie, attirés par l’Europe.
Alain Juppé estime nécessaire d’ouvrir un dialogue avec tous les islamistes qui renoncent à la violence et respectent la démocratie. Est-ce que l’idée vous paraît dangereuse ?
Non ! Non, pas dangereuse. C’est la position des Tunisiens et il faut ouvrir le dialogue avec les partis islamiques et non islamistes qui proclament leur profession de foi démocratique. Mais, il faut avouer que les Tunisiens sont un peu inquiets de ce côté-là parce qu’ils savent que les partis islamique sont des spécialistes du double langage.
Est-ce à dire des démocrates-stratèges, demande Jean-Pierre Elkabbach ?
Oui, effectivement, répond Yadh Ben Achour. Il y a une différence pour moi entre le démocrate profond, sincère qui fait de la démocratie une conviction qui règle toute sa vie, d’ailleurs pas seulement sa vie politique, mais aussi, familiale et autre et le démocrate-stratège qui essaye de prendre le pouvoir par la démocratie pour la tuer. Son slogan global est de dire : donnez-nous la liberté pour que je la tue. Et çà, on le refuse, d’où notre inquiétude.
Pour vous, il n’y a pas d’islamisme modéré en politique ?
Cela peut exister. Ca sera une évolution extraordinaire et très positive de l’islamisme.
Le parti Ennahdha a de plus en plus d’influence, d’organisation et d’argent. Quand ils se disent qu’ils sont démocrates, est-ce que vous les croyez totalement ?
Je ne veux pas leur faire un procès d’intention. En politique, on juge sur les actes. On verra.
Au sein de la Commission, vous avez été très durs avec les islamismes radicaux
Ceux-là sont des ennemis déclarés de la démocratie. Là, je suis clair : pas de démocratie pour les ennemis de la démocratie, pas de liberté pour les ennemis de la liberté.
Le parti Ennahdha pourra-t-il devenir majoritaire avec le nouveau mode de scrutin ?
On ne peut pas le savoir pour le moment. Il n’y a pas de sondages fiables. Il faut attendre les élections. Nous avons adopté un système électoral qui pénalise un petit peu les grands partis politiques et ne leur permet pas d’avoir la majorité absolue.
Votre Commission interdit à tous ceux qui ont travaillé sous Ben Ali de constituer un parti, d’abord pendant une période de 23 ans, puis de 10. Pourquoi cet acharnement contre ce Parti ?
Ce parti a une responsabilité historique dans le délabrement du pays, l’asservissement de la Justice, de l’Université … et de tout le système de corruption. Il doit l’assumer. Maintenant, qu’il s’estime heureux. Il n’y a pas de généralisation, ni de chasse aux sorcières. Ce que dit la loi, c’est uniquement les responsables des instances dirigeantes.
Quels sont les risques et menaces qui s’exercent contre la Tunisie ?
Comme dans toute situation postrévolutionnaire, il y a les vagues qui succèdent au Tsunami. Le tremblement de terre est passé, mais, il y a les pressions sociales, les revendications. L’ordre et la sécurité.
Beaucoup d’insécurité ?
Relativisons : il y a un développement de la délinquance, un certain laxisme au niveau de la sécurité publique, mais, c’est loin d’être une situation de détresse.
Si la Tunisie échoue, elle qui a été à l’origine de la révolution du monde arabe, c’est toute la région qui trinque
Non, la Tunisie n’échouera pas, parce qu’elle n’a pas le droit d’échouer.
Quelle est votre religion ?
La démocratie, ma conviction, mon mode de vie.