Mansour Moalla publie ses mémoires et analyses : des révélations inédites et une projection dans l'avenir
Ce 1er mai, date de son 81ème anniversaire, aura un goût exceptionnel pour Mansour Moalla. Il marque, avec la révolution, la restitution de la dignité de citoyen à chacun et pour tous, lui qui a été personnellement contraint sous la menace du dictateur déchu qui convoitait la BIAT, de quitter toutes ses fonctions. Il le célèbre, cette année, en réalisant un rêve qui l'avait longtemps caressé : publier un livre croisant mémoires personnelles et analyses, avec en plus depuis la délivrance, des projections dans l’avenir de la révolution et de la Tunisie.
Le titre est déjà évocateur : « De l’Indépendance à la Révolution, Système politique et développement économique en Tunisie ». Plus de 630 pages, d’une écriture serrée, sertie d’évocations, de portraits ciselés, de témoignages historiques de première main et d’analyses. Mansour Moalla, au-delà de son parcours personnel, guide le lecteur à travers l’histoire contemporaine de la Tunisie, depuis la moitié du siècle dernier, s’arrêtant aux étapes marquantes.
Comment a été réalisée la souveraineté monétaire, créée la Banque Centrale, conçu le premier billet de banque, la fondation du Conseil d’Etat, de l’ENA, de la BAD ?, Comment ont été conçues les stratégies de développement et leurs mécanismes, tels que la loi 72 sur les entreprises exportatrices, le Foprodi, les banques mixtes de développement, etc ? Secrétaire d’Etat, puis, ministre du Plan et des Finances, sous Hédi Nouira avant un premier départ, et sous Mohamed Mzali, il a été sur tous les fronts. Mais aussi, que de scènes vécues dans les coulisses du pouvoir et que d’intrigues subies.
Contraint de quitter le gouvernement, il trouvera refuge, lors d'une interminable traversée du désert, dans un petit bureau d’où il créera une compagnie d’assurance, le GAT, puis la première banque tunisienne privée, la BIAT, avec en corollaire l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprise (l’IACE). En 18 ans, la banque est devenue la première institution financière privée en Tunisie grâce à son « indomptable » fondateur. Convoitise pour la première, et non-allégeance du second : Carthage, dans son ire et sa folie, fait débarquer Mansour Moalla de son entreprise. Le jeudi 20 mai 1993, il quittera pour la dernière fois son bureau à la BIAT… et avec quel acharnement !
A l’arraché
Le récit est poignant, fidélité d’une poignée d’amis de toujours et infidélité de beaucoup, ivresse d’un pouvoir totalitaire, spoliateur qui a fini par confisquer le pays, l’Etat, avant de s’effondrer un 14 janvier. Mansour Moalla témoigne. Son récit commence à Sfax où il a vu le jour, dans une modeste famille, en 1930, on le retrouve à l’école, au lycée, avec les scouts, à Tunis pour poursuivre entamer ses études de Droit, avant de monter à Paris où il décrochera son doctorat en Droit, le diplôme de L’Institut d’Etudes Politiques (Sciences Po), et au passage, une licences es-lettres, mais surtout, le diplôme de l’ENA. Premier et unique Tunisien à intégrer cette école, au même titre que les Français, et dont il sortira, Inspecteur des Finances, dans la haute administration françaises, échappant à un tour de passe-passe qui a failli l’en priver.
Non sans émotion, il raconte son arrivée en France, ses années d’études acharnées, son engagement militant pour co-fonder l’UGET et son retour en Tunisie pour participer à la construction de la République naissante. Tout au long de ce livre, nous retrouvons à chaque ligne sa double constante érigée en crédo : l’effort et le patriotisme. Il ne le dira pas, mais le lecteur s’en apercevra, avec intelligence et abnégation.
Chacune des six séquences qui rythment le livre est à elle seule passionnante à lire : le temps de la formation, le temps de l’action, au service de l’entreprise, le temps de l’espoir et de la déception : les années difficiles, bilans et réflexions et, en dernière partie qui a elle seule aurait pu faire l’objet un ouvrage à part, la révolution et l’avenir de la Tunisie. Quel régime politique serait le plus approprié à la Tunisie ? Quel mode de scrutin adopter ? Comment se dessine l’avenir du pays ? Quels écueils éviter et quelles options prendre ensuite ? Mansour Moalla avance ses propositions. En le débarquant de la BIAT, le président déchu lui a laissé le temps, lui qui ne perd aucune seconde à ne rien faire, à rédiger, en 18 ans les cinq premières parties de cet ouvrage exceptionnel. La révolution lui a donné de nouveaux ressorts pour rédiger la suite.
Chaque jour, armé d’un simple crayon et d’une gomme, ayant consulté ses archives, vérifié dates et détails, il a couché sur le papier, la sève d’un parcours, d’une vision et d’un espoir pour la Tunisie. Le texte saisi sur ordinateur, revenait sur son métier, pour relecture, réécriture, jusqu’au bon à tirer final, début avril, cette année. Son éditeur, Si Mohamed Masmoudi (Sud Editions), était ravi de recueillir, en autographe, cet ultime accord pour lancer l’impression.
Un livre passionnant où l’auteur préfère souvent s’éclipser pour faire parler faits et raison. Ceux qui connaissent Mansour Moalla y retrouveront avec plaisir sa verve, son ton taquin et son humour raffiné. Au grand bonheur des lecteurs.
De l’Indépendance à la Révolution
Système politique et développement économique en Tunisie
Par Mansour Moalla
Sud Editions, 630 pages, avril 2011, 29 DT