A propos de l'outarde houbara : les réponses de Ali Hili aux commentaires
Je tiens à remercier vivement tous ceux qui ont été intéressés par mon article relatif à l’outarde houbara et plus précisément ceux qui ont fait des commentaires que j’ai lus avec beaucoup d’attention et ce d’autant plus que la plupart posent des questions pertinentes auxquelles je vais essayer de répondre :
• La faune sauvage dans le Sud tunisien : Etat des lieux aujourd’hui, quelles mesures d’urgence prendre ?
Pendant 23 ans les émirs saoudiens d’abord, qataris et koweitiens ensuite, ont ratissé le Sud tunisien de novembre à mars (en pleine période de reproduction de l’outarde houbara et des gazelles) tant et si bien que ces espèces ont complètement disparues de plusieurs régions au Sud de Chott-Ejrid. Mais, dame nature fait bien les choses et les dernières observations montrent que les outardes houbaras, les gazelles (dorcas et rim) sont encore présentes en très petit nombre au Sud et au Nord de Chott-Ejrid. Aujourd’hui, il est de notre devoir de faire en sorte que jamais plus aucun émir ne remette les pieds pour chasser au Sud tunisien et qu’une campagne de sensibilisation soit entreprise afin de mettre fin aux actes de braconnage des chasseurs tunisiens qui sous l’ancien régime le faisaient parce que des étrangers étaient autorisés à le faire. Si l’arrêté annuel du ministère de l’agriculture relatif à la chasse est respecté par les chasseurs des gouvernorats du Sud, il suffira de quelques années pour que la population d’outardes houbaras et de gazelles (dorcas et rim) se reconstitue et qu’avec des chances, nous reverrons apparaitre le guépard saharien à la poursuite de gazelles rim à travers le Grand Erg
• Peut-on réintroduire l’outarde houbara, qu’a fait l’IRA de Médenine ?
La reproduction de l’outarde houbara en captivité est aujourd’hui bien au point grâce aux millions de dollars dépensés dans les centres d’Arabie Saoudite (Taïef), des Emirats Arabes Unis (El Aïn, Dubai), du Maroc (Inezgane, Missour). A Taïef, une femelle d’origine algérienne, a pu grâce à l’insémination artificielle pondre 17 œufs, alors que dans la nature, elle n’en aurait pondu que 2 ou 3. Tous ces centres, dirigés par des chercheurs étrangers (français, anglais, écossais, australiens) coûtent tés très chers, chaque outarde produite vaut son pesant d’or. C’est pourquoi l’expérience de l’IRA de Médenine apparaît comme du bricolage et ce qui est plus grave, c’est qu’elle a servi d’alibi pour que le massacre de la faune au Sud tunisien perdure d’autant plus que les chercheurs de l’IRA n’ont jamais eu le courage de dénoncer le comportement des émirs.
Signalons qu’en 1999, l’émir saoudien qui a causé le plus de dégâts dans le Sud a proposé au président déchu la création d’un centre de reproduction en Tunisie et a envoyé à cet effet l’expert français qui a mis en place le centre de Taïef ; sachant que les ministres de l’agriculture et de l’environnement n’oseront pas aborder le problème étant donné que tout ce qui touche l’outarde houbara est « la chasse gardée du président », j’ai envoyé à la présidence trois notes très détaillées où j’insistais sur le fait que ce centre devrait être dirigé et géré par les chercheurs tunisiens, contrairement à ce qui se passe au Maroc où les deux centres sont dirigés et gérés par des experts étrangers. Toutes mes notes (copies ayant été adressées aux ministres de l’environnement et de l’agriculture) sont restées sans suite, le président déchu ayant préféré rester l’unique vis-à-vis des émirs pour pouvoir continuer à empocher des millions de dollars privant les chercheurs tunisiens d’une opportunité de création d’un grand centre de reproduction en captivité.
• S’agissant de l’Association les Amis des Oiseaux, je tiens à préciser que j’en ai été écarté depuis avril 2007 par une bande d’usurpateurs qui ont utilisé une technique naguère largement utilisée par le PSD d’abord et le RCD ensuite, pour mettre la main sur les associations qui ne suivent pas la ligne du parti. Cette technique consiste à recruter des électeurs en distribuant, à la veille de l’assemblée générale, des centaines de cartes d’adhésion à des personnes qui n’ont jamais fait partie de l’association. C’est ainsi que j’ai été éliminé de l’AAO que j’avais fondée en 1975 et ce par un trésorier, contre lequel j’avais déposé une plainte parce qu’"il ne faisait pas la différence entre ses deniers et ceux de l’association"selon l’expert comptable désigné par la justice, et, par un autre membre du bureau sortant dont je m’apprêtais à licencier la femme étrangère employée de l’association et qui a mis celle-ci aux services d’organismes étrangers. Depuis, je continue avec un groupe de bénévoles à m’occuper du suivi de la faune sauvage en général et des oiseaux en particulier toujours en collaboration avec les services de l’agriculture et de l’environnement.
Alors que de 1975 à 2007, j’ai régulièrement interpellé les autorités (ministères de l’agriculture, de l’environnement, de l’intérieur, des finances) chaque fois que je constate un dépassement en matière de protection de la faune sauvage : Braconnage d’espèces protégées, piégeage, vente d’oiseaux chanteurs à Moncef Bey et ailleurs, l’équipe qui a pris en main l’AAO depuis avril 2007 n’a pas, à ma connaissance, fait quoi que ce soit dans ce domaine
Pour toutes ces raisons, j’invite tous ceux qui sont intéressés par ces activités à ne pas s’adresser à l’AAO malheureusement mise au service d’intérêts particuliers et étrangers mais plutôt à l’équipe de bénévoles que je coordonne à travers l’email suivant : elanion2003@yahoo.fr.
• Comment Zembra a failli être vendue par la famille régnante
D’abord un rappel : Au début des années 80, l’Agha Khan, venant de Sardaigne où il possède une île avec un complexe touristique haut de gamme, a fait faire à son yacht le tour de l’ile de Zembra. A peine arrivé à Sidi Bou Saïd, il téléphone à Bourguiba Junior pour lui déclarer : "J’achète Zembra". Bourguiba Jr lui rétorqua : "La Tunisie n’est pas à vendre". Mais la famille qui régna sur la Tunisie pendant 23 ans n’avait pas les mêmes scrupules. C’était au milieu des années 2000, un haut responsable de la marine nationale m’a contacté pour me demander le nom d’une personne à même de raconter Zembra. Je lui ai proposé abdallah ben Dhafer alias Asfour, qui y séjourna pendant plus de trente ans en tant que gardien. Quelques minutes plus tard, la même personne me rappelle pour m’apprendre que la requête émane de la présidence de la République et que le requérant souhaitait me joindre directement. C’est ainsi que le responsable des grands travaux à la présidence de la République entra en contact avec moi, ces contacts allaient durer pendant plus de deux ans. Au départ, il s’agissait de fournir les documents disponibles relatifs aux données scientifiques sur l’île de Zembra. Ayant initié et coordonné les travaux de recherche menés par une équipe d’universitaires et d’ingénieurs : géologie, ressources en eau, faunes et flores terrestres et marines, j’ai remis à la présidence tous les documents en ma possession. En citoyen discipliné, j’en ai informé les ministres de l’agriculture et de l’environnement qui, bien sûr, n’étaient au courant de rien. Par la suite, le responsable de la présidence a fini par manger le morceau en m’avouant qu’il s’agissait d’un projet touristique haut de gamme financé par un investisseur étranger. J’ai rappelé à mon vis-à-vis que Zembra était, depuis 1977, un parc national classé par l’UNESCO-MAB (programme international l’homme et la biosphère) réserve de biosphère et qu’elle constitue un écosystème terrestre et marin unique en méditerranée protégé par les autorités tunisiennes depuis plous de 30 ans. Je me suis permis de lui signaler les propos de Bourguiba Junior mais je suis persuadé qu’il n’a pas osé les rapporter au président. L’affaire en est restée là, jusqu’au jour où la Tunisie entière a pu voir au journal télévisé de 20 H un investisseur chinois présenter une maquette de bâtiments : hôtels, villas, occupant pratiquement toute la plaine et les contreforts montagneux à l’Est et à l’Ouest de celle-ci.
J’ai eu, après cette présentation un contact avec le responsable de la présidence qui m’a informé que le projet comportait un héliport, une centrale électrique et une unité de dessalement d’eau. C’est alors que j’ai mis la barre très haut, je lui ai dit que si l’on voulait un tant soit peu conserver cet écosystème insulaire, il fallait sursoir à l’héliport, amener du continuent l’eau par une conduite, l’électricité par un cable ainsi que tous les matériaux de construction ; les bâtiments devant occuper uniquement une partie de la plaine comme ce fut le cas pour le centre nautique mis en place par la STB au début des années 60. J’ai également signalé que les bâtiments figurant sur la maquette occupent une grande partie du site archéologique : punique, romain, vandale, byzantin et arabe repéré par les chercheurs de l’Institut National du patrimoine qui ont montré notamment l’importance de l’occupation punique suite aux trois campagnes de fouille effectuées en bord de mer. Informé, le ministère de l’environnement a défendu la même thèse à travers l’Agence de protection et d’aménagement du territoire (APAL). Toutes ces réserves ont sans doute joué auprès du palais et de l’investisseur chinois. Ce qui est certain, c’est que depuis le 14 Janvier, rien ne sera plus comme avant. Il faut espérer que le prochain gouvernement comportera un véritable ministère de l’environnement dont les prérogatives auront été clairement définies pour tout ce qui touche la gestion et la conservation des ressources naturelles et plus spécialement la biodiversité et ce à travers un arbitrage agriculture-environnement afin que l’on sache exactement qui fait quoi et que l’on ne retombe pas dans le flou artistique qui a régné sous l’ancien régime où les deux départements se renvoyaient la balle au détriment d’une bonne gestion de nos ressources naturelles et plus spécialement nos parcs nationaux. Signalons enfin qu’à Zembra, la partie marine du parc national a subi ces dernières semaines une très forte première de pêche, y compris l’utilisation de la dynamite.
Lire : L’outarde houbara