Barack W. Ossama
L’arrivée de Barack Obama en 2008 à la présidence des Etats-Unis avait constitué un événement historique majeur, un tournant dans l’histoire de ce pays et du monde. Durant la campagne électorale, son discours de Philadelphie sur la race et la religion avait révélé un humaniste et un visionnaire marchant dans les pas de Martin Luther King et de Nelson Mandela. Son discours du Caire en juin 2009 avait quant à lui tourné la page de la « croisade contre la terreur » et de l’idéologie du « clash des civilisations » chères à « W ». Barack Obama avait voté contre la guerre en Irak, et il accédait à la présidence avec la ferme promesse de mettre un terme à cette insulte aux droits de l’homme, cette tâche sur l’honneur des USA que constituait Guantanamo. Toutes choses qui lui ont valu, parmi d’autres, l’attribution du Prix Nobel de la Paix en 2009.
Las, toutes ces belles promesses et ces beaux discours ont volé en éclats à l’épreuve de la politique américaine. Déjà, Israël avait pu lancer son opération « Plomb durci » et massacrer la population sans défense de Gaza sans que le président fraîchement élu Obama ne s’en émeuve. Après son investiture, il lui aura suffi d’élections de mid-term marquées par la montée des « Tea Party », et le retour dans leur sillage des « néo-cons », pour rentrer dans le rang. Netanyahou a ainsi pu tranquillement traiter les flottilles de la paix qui se dirigeaient vers Gaza comme des navires de guerre, et enterrer définitivement le moribond processus de paix. Pendant ce temps, Hillary Clinton – ex sénatrice de New York et figure éminente du lobby pro-israélien – s’asseyait sur le discours du Caire sans que son auteur, surtout préoccupé par sa chute dans les sondages, ne s’en aperçoive. Quant à Guantanamo, il est toujours là et bien là, avec son cortège de prisonniers sans droits ni loi et de procès sans avocats, tandis que les néo-cons exultent : « vous voyez bien que les informations extorquées par la torture, ça marche ! »
Et maintenant, voilà le pompon : une opération manifestement conçue pour tuer puisque l’homme abattu – dont le cadavre serait dans un tel état d’atrocité qu’il ne peut être montré – n’était pas armé. Une « exécution » à la manière des sinistres assassinats perpétrés par Al Qaïda en Irak, les vidéos en moins. Et des non moins sinistres assassinats « ciblés » perpétrés par Israêl à Gaza, les victimes collatérales en plus. Avec l’irrespect manifesté au mort, dont le cadavre a été immergé au mépris des prescriptions de sa religion, ainsi que des règles les plus élémentaires d’humanité. Alors qu’au même moment, commençait à l’autre bout du monde le repêchage des corps des passagers du vol Rio-Paris, deux ans après le crash ! Et en prime l’insoutenable spectacle des foules se réjouissant de la mort, spectacle obscène s’il en fut, quand bien même la mort est celle d’un terroriste.
L’académie d’Oslo doit aujourd’hui se mordre les doigts de sa légèreté de 2009 : attribuer le prix Nobel sur la seule base de beaux discours et de nobles intentions, où donc avait-elle la tête ? D’autant que le récipiendaire n’était pas un simple acteur de la société civile, comme Andreï Sakharov ou Shirin Ebadi, mais le président de la première – et aujourd’hui la seule – puissance militaire du monde. Une puissance alors engagée dans une guerre en Afghanistan, et naturellement susceptible de s’engager sur d’autres fronts, comme la suite l’a prouvé.
Personne dans le monde arabe ne regrettera Ben Laden, c’est l’un des symptômes les plus frappants de la nouvelle donne politique qui y prévaut depuis le printemps que fut cet hiver 2011. Mais les peuples arabes, qui se sont approprié avec éclat les valeurs de démocratie et de liberté, ne manqueront pas de regretter cette victime collatérale tardive de la guerre de « W » qu’est Barack Hussein Obama.
Mohamed JAOUA
Professeur des Universités