Opinions - 29.05.2011

Grèves, Sit in et Gouvernance économique dans la Tunisie en Transition Démocratique

Dès l’annonce du premier gouvernement Ghannouchi, alors que la majorité des Tunisiens attendait que le peuple enfin libéré de la dictature se remette au plus vite au travail et commence à panser les plaies encore béantes des semaines de révolte, les images surprenantes de responsables  victimes de la « dégage attitude » fuyant leurs bureaux sous la protection de l’armée se sont imposées à tous les esprits.

S’ensuit de longues semaines  ou pas un jour ne passe sans l’annonce ici ou là de nouvelles de grèves, de sit in, de dégradation de matériel etc..
A chaque fois, pour calmer le peuple en colère, les différents gouvernements n’ont cessé de reculer, de donner raison à ceux qui contestent et de puiser dans les deniers de l’Etat les fonds nécessaires pour apaiser les esprits et garnir les maigres portefeuilles.

Quand les chômeurs ont commencé à occuper  les espaces  de travail de certaines entreprises sensibles, plutôt que de défendre l’inviolabilité de ces structures, le gouvernement a eu peur de céder à la tentation de la force et d’enclencher un nouveau cycle de violences. Il a expérimenté la technique du dialogue, de la concession  graduée obligeant ici et là des entreprises à recruter des personnes dont elle n’en avaient pas besoin et qui plus est arrivent en position de force parmi les autres travailleurs réclamant un dû en fait indu.

Là aussi, l’entreprise se retrouve en position de devoir payer des salaires pour un travail dont elle n’a pas besoin ce qui, a terme, déstabilise son équilibre financier.

Les exemples des négociations pour l’embauche de travailleurs dans la compagnie de phosphates, dans les ICM, dans British Gas et plus récemment dans les entreprises pétrolifères de la Borma sont à ce titre édifiants.
Cette attitude molle et non imaginative du gouvernement provisoire ne peut aboutir qu’à exacerber la contestation sociale et à affaiblir les bilans des entreprises comme les caisses de l’état.

Si la paix sociale et la sécurité sont au prix de la faillite de l’Etat, au risque de l’appauvrissement global du pays et de ses entreprises, alors il faudrait réfléchir deux fois  avant de céder à cette facilité.

On pourrait me rétorquer alors que faire ? Céder à la facilité de la violence et de la matraque ? Bien sûr que non et mille fois non.

Il faudrait créer dans chaque gouvernorat, voire chaque délégation, un conseil local ou régional pour le développement. Il sera composé par ce que la région a de mieux comme hommes d’affaires ; financiers, diplômés…Ce conseil aura à imaginer à partir du contexte et des potentialités locales  des projets viables capables de créer du travail.
Les jeunes chômeurs de la région seront eux aussi invités à y participer et à faire part de leurs rêves et de leurs aspirations.

Une fois, la rentabilité d’un ou plusieurs projets étudiées, ces projets seront soumis pour leur financement  au  secteur bancaire. Les prêts doivent  êtres accordés avec le taux d’intérêt le plus faible possible et même au taux zéro.

Plutôt que de verser de l’argent pour rien, l’Etat peut faire un investissement intelligent et plutôt que d’offrir un travail inutile pour calmer l’ardeur révolutionnaire de ces jeunes survoltés ; l’état pourrait réussir à les transformer en partenaires pour initier le développement de leur région.

Il va de soi que ce ne sont là que des pistes à creuser car le vrai chantier auquel doit s’atteler le prochain gouvernement élu sera de faire sauter l’organisation administrative actuelle de la Tunisie (Gouvernorats, Délégations, Imadate ) pour réorganiser la Tunisie à l’image de la Suisse ou de l’Autriche en Cantons qui bénéficiraient d’une grande autonomie administrative et économique et seraient responsables de leur  propre développement.

Cette proposition sera l’objet de mon prochain article sur Leaders.

Sofiane Zribi
Psychiatre