Une culture = une nation ?
La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié.
Cette culture dont parlait Edouard Herriot se rapporte à la connaissance, au génie humain évolutif sans cesse remis à jour : Une culture au sens individuel donc.
La culture individuelle appelée communément culture générale se pose la question de savoir «qui sommes nous».
Il est intéressant de noter qu’en philosophie la culture est tout ce qui diffère de la nature.
Par ailleurs, et d’un point de vue sociologique ce même mot de culture désigne ce qui soude et ce qui est commun à un groupe. Donc, tout ce qui se rapporte à la nature…d’un groupe : Une culture au sens collectif donc.
La culture collective ou identitaire est sensée nous dire « qui nous sommes ».
Celle-ci serait donc l’identifiant d’un groupe. Un peu comme le système HLA (Human leucocyt antigen) antenne ornant nos cellules sensée détecter les corps étrangers. Il va de soi que l’étranger est exclu et mis à mort de suite afin de préserver l’intégrité du groupe…cellulaire. Il arrive que l’étranger déjoue les mécanismes d’exclusion et de mise à mort cellulaires pour ensuite « infecter » le groupe.
L’une cherche une réponse universelle au nom de la connaissance, l’autre est une litanie sur soi pour se différencier l’autre.
L’une est en perpétuel changement, l’autre est figée et ne peut évoluer sous peine d’une rupture avec le ciment identitaire.
La culture en tant qu’identifiant, en tant que différence est donc une frontière voire des remparts sensés protéger une ville.
Cette dichotomie, authentique schizophrénie sémantique oppose la flexibilité évolutive et universelle de la culture individuelle à la rigidité quasi figée de la collective et ce faisant peut aboutir à une contre culture, inimaginable dans un contexte « culturel ».
Pourtant l’une ne peut exister sans l’autre. Un peu à la façon du yin et du yang, la contradiction complémentaire en somme.
La culture collective ou l’identité d’un peuple englobe l’histoire, les arts, les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. Ce que l’on pourrait diviser schématiquement en trois notions : Les valeurs,le normes et les institutions.
1.Les valeurs : Elles sont morales, éthiques, idéologiques (politiques), spirituelles (religieuses), doctrinaires, écologiques ou encore esthétiques.
Ce sont des principes d’être, d’agir, de paraître voire de disparaitre auxquels doivent se conformer les individus en société.
Quelles sont nos valeurs en Tunisie ? Qui est capable de nous énoncer une douzaine de valeurs communes ?
Il serait intéressant d’organiser un brainstorming national, de collecter, hiérarchiser et synthétiser ce travail afin d’extraire un système de valeurs, existant mais disparate et non écrit, dans lequel se reconnaitraient les citoyennes et citoyens Tunisiens.
Car les valeurs constituent une morale qui donne aux individus les moyens de juger leurs actes et de se construire une éthique personnelle et la moindre des choses me semble t il est d’associer les citoyens à ce choix à travers le suffrage universel.
Oui, nous bâtissons une Tunisie autre orientée différemment pour un bien vivre ensemble et nous devrions solliciter autant de fois, utiles, qu’il le faudra ce suffrage qui exprimera une volonté collective nationale. En faire l’économie se retournera contre nous…inévitablement.
Comment ne pas faire une étude de marché pour une entreprise afin de coller aux attentes de l’utilisateur avant de lancer un nouveau produit ?
2. Les normes : C’est une sorte de cahier des charges sur la façon dont les personnes doivent se comporter dans diverses situations.
Chaque culture a des méthodes, appelées sanctions, pour imposer ses normes.
En droit positif Français par exemple, les normes sont hiérarchisées et la constitution est au plus haut de la hiérarchie. La constitution est la matrice, celle dont tout procède ou devrait procéder. Juste en dessous viennent les lois organiques, les traités et les directives Européennes et plus en dessous, les lois.
Repenser nos normes est une évidence. Un simple dépoussiérage suffira pour la plupart, certaines devront être réformées et d’autres devenir caduques en donnant naissance à de nouvelles règles plus appropriées.
3. Les institutions : Ce sont les structures de la société dans et par lesquelles les valeurs et les normes sont transmises. Elles sont aussi sensées catalyser le talent national chacune dans ses prérogatives.
Longtemps non respectables nos Institutions ne sont plus respectées.
Un cours dispensé en 2009 à la Sorbonne* sous le titre « croissances et institutions » conclut que: « Le revenu par tête d'un pays n'est pas seulement déterminé par des facteurs immédiats comme l'accumulation de capital physique, l'accumulation de capital humain et la technologie, il est déterminé par des facteurs plus profonds: les Institutions.
Mieux encore : La confiance et le civisme sont de bonnes mesures de la qualité des Institutions…. dans une société.
Confiance et civisme sont donc positivement corrélés avec le revenu par habitant.
Le niveau de confiance envers nos institutions et notre insupportable manque de civisme vous laisse imaginer dans quel état de délabrement elles se trouvent.
Une culture est en théorie le reflet national d’un peuple.
L’acculturation (assimilation des valeurs d’un groupe dominant), l’inculture et la contre culture sont ses prédateurs naturels mais inoffensifs tant qu’une culture est forte.
Son crépuscule leur ouvre la porte.
*Marie-Anne Valfort, 2009 cours 5 Panthéon-Sorbonne.
Walid Alouini