Le travail en interdisciplinarité pour un développement approprié du domaine biomédical
L’appareillage biomédical constitue pour la majorité des personnes handicapées motrices une aide incontournable pour recouvrer leur autonomie et garantir leur intégration professionnelle et sociale. En outre, les exigences médicales croissantes et l’ouverture du marché grâce à l’élargissement de la couverture sociale favorisent l’étendue de la gamme de ces appareils.
Le nombre estimatif des personnes porteuses de handicap moteur, sensoriel ou mental dans le monde, aujourd’hui, frise les 600 millions, soit 10% environ de la population de la planète, dont 13,5% vivent dans les pays africains.
Cependant, la contribution du continent africain en matière de recherche scientifique, de développement technologique et de production des appareillages biomédicaux et autres aides nécessaires à l’amélioration de la vie des personnes handicapées, à leur insertion dans l’activité économique et dans la société demeure modeste. Les pays les plus industrialisés assurent la plus grande part de la production mondiale dans ce domaine. Il en ressort un besoin pour concevoir et fabriquer des appareils adaptés aux pays d’Afrique, à l’aide d’une technologie innovante en adéquation avec les besoins, l’environnement, les matériaux disponibles, les coûts et l’entretien, …
L’interdisciplinarité, un facteur stratégique dans le domaine biomédical
Le travail en interdisciplinarité nécessite l’intégration, en complémentarité, des disciplines voisines appartenant au même champ thématique. Il nécessite, donc, la création d’équipes de chercheurs dont les spécialités s’interfèrent, s’interagissent et s’enrichissent systémiquement et mutuellement. Cette démarche répond, en principe, à un besoin et nécessite un travail collaboratif favorisant le partage des idées nouvelles, des expériences avérées et des avancées technologiques dont l’impact sur le développement de la recherche constitue des valeurs ajoutées indéniables.
Les réalisations accomplies dans le continent africain en matière de production des appareils biomédicaux et d'aides à l’usage des handicapés demeurent encore en deçà des attentes de cette frange de nos sociétés. Pour autant, cette réalité doit nous inciter à œuvrer, avec détermination plus affirmée, à faire inscrire les questions inhérentes au handicap parmi les priorités des plans de développement, à mettre davantage à profit les expériences internationales et à renforcer le travail en réseau dans le cadre duquel se conjuguent les efforts des gouvernements, de la société civile, du secteur privé, du secteur de l'information et des personnes handicapées elles-mêmes.
Toute recherche se fonde, d’une façon ou d’une autre, sur des démarches empiriques, donc exclusivement expérimentales, et non sur un savoir théorique. Elle réfute les explications "prêt à porter" et lance un défi aux croyances et convictions courantes en les assujettissant à une problématisation et à un examen minutieux grâce à l’utilisation de standards objectifs et rigoureux.
Si la recherche prend, généralement, son point de départ, au niveau de l’intuitif des croyances héritées et préétablies, des savoirs fortuits, nous sommes dans l’obligation de valider, en commun, des jugements basés sur l’argumentation logique et la justification irréfutable pour nous rendre compte que certains d’entre eux étaient des "pseudo-jugements" subjectifs. C’est pourquoi s’interroger sur les conditions favorisant l’objectivité est primordial pour susciter la réflexion, identifier les méthodes et les techniques opportunes et déployer des efforts conjuguées pour réussir leur affinement progressif grâce à des approches rationalisées et éclairées. C’est un impératif incontournable pour tous les chercheurs de toutes les disciplines et de tous les horizons, par référence aux exigences de l’objectivité, d’opter pour des stratégies, des démarches et des méthodes génératrices de solutions «inédites», porteuses d’avancées scientifiques et technologiques contribuant à résoudre ce problème. Toutefois, l’atteinte de cet objectif est tributaire essentiellement d’un changement de mentalité des chercheurs, de leur attitude et de leur relationnel pour qu’ils adhèrent à des équipes solidaires et réellement complémentaires susceptibles de gérer l’interdisciplinarité et de la maîtriser.
Objectifs recherchés à travers une collaboration africaine
Les industries et les structures de recherche et développement en biomédicales sont appelées à œuvrer pour un essor effectif, sur le plan national, et à relever le défi de la compétitivité sur le marché international par la qualité de leurs produits et leur excellence. Ce qui leurs permet de développer une exportation entre pays africains. La distribution et les services après-vente doivent aussi se structurer parallèlement et s'organiser afin d’accompagner cette évolution.
De nombreux organismes spécialisés en la matière encouragent les actions en faveur des handicapés (International Society for Prosthesis and Orthotics (l’ISPO), Handicap International, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), …) en vue de consolider leurs relations bilatérales avec les centres d’appareillages en Afrique et les industriels du domaine pour apporter des plus-values et ouvrir de larges perspectives pour la mobilité des personnes handicapées.
Ainsi, une éventuelle collaboration scientifique et technique entre les pays africains est souhaitable dans l’espoir de jouer un rôle déterminant dans le rapprochement des compétences et l’identification de nouvelles tendances.
Le développement technologique est un atout majeur
Que ce soit dans le mode institutionnel, dans les écoles et les ateliers, dans le cadre de la formation continue, ou bien dans les séminaires et les congrès, s’opère une véritable prise de conscience au niveau des nouvelles problématiques émergentes inhérentes à l’amélioration des conditions de vie des sujets présentant une insuffisance physique et des enjeux auxquels les professionnels du monde du handicap sont confrontés pour les aider à s’épanouir et à s’affirmer dans le contexte social.
Les dernières décennies ont véritablement connu une meilleure diffusion de la formation à travers le monde et particulièrement dans les pays africains. Par contre, les situations culturelles, économiques et sociales ne permettent pas, dans bon nombre de pays, leur applicabilité homogène.
Au moment où les échanges internationaux s’activent, où l’économie mondiale subit l’une de ses plus graves crises, les pays arabes passent par des événements et des révolutions marquantes. Cette conjoncture complexe rend le besoin en matière de soins, sans cesse, croissant. Il y a lieu donc de réfléchir davantage sur cette équation, de choisir des options adaptées et efficaces et de mettre en œuvre des stratégies évolutives tenant compte des ces nouvelles données pour répondre consciemment aux attentes des handicapés.
Le besoin manifesté pour la conception de produits innovants et l’élaboration de nouveaux procédés, d’une part, et le regain d’intérêt porté à la modélisation/calcul, d’autre part, nécessitent l’implantation d’une industrie à forte valeur ajoutée au niveau du tissu industriel.
Les formations et les recherches technologiques en biomédical ne doivent pas restées indifférentes, bien au contraire, c’est grâce à la recherche technologique que nous pouvons faire de grand pas vers la résolution de problèmes qui étaient insolubles il y a encore quelques décennies.
Interpellations et perspectives
Nul doute que l’échange d’idées et le partage d’expériences entre les chercheurs contribuent, en synergie, à la formulation de nouveaux concepts et de suggestions pertinentes dans plusieurs domaines. Cela pourra aboutir à la création d’un réseau africain regroupant les chercheurs dans les secteurs en rapport avec le biomédical, sur la base d’objectifs communs dont la réalisation, évaluée périodiquement, est de nature à assurer un investissement rationnel et efficace de l’intelligence africaine quant à la mise des sciences et de la technologie au service des personnes handicapées.
Une problématique qui appelle une réflexion sur les entraves qui ralentissent la mobilisation des chercheurs concernés. D’abord, les difficultés inhérentes au dialogue, à la communication, à l’échange et à la collaboration entre chercheurs scientifiques et utilisateurs des résultats de la recherche et de la technologie s’attribuent, en partie, à l’ésotérisme endoctrinant du discours scientifique et technologique. Il est grand temps, donc, de se mettre sur la voie de la recherche contemporaine, de prêcher le décloisonnement, l’ouverture, l’esprit coopératif. L’isolement, l’individualisme, le repli sur soi et la monopolisation de la prise de décision ne facilitent guère l’adaptation de l’industrie biomédicale, sa flexibilité, son développement et son évolution.
Par conséquent, il est judicieux de penser à la création d’un environnement favorable à la mise en place d’équipements compatibles avec la spécificité africaine en dimensionnant scrupuleusement les besoins, leur coût, par référence aux facteurs qui caractérisent le niveau socioéconomique des différentes communautés africaines.
En réalité, le chemin est encore long, les objectifs et les défis sont multiples. Il s’avère, donc, urgent de saisir cette opportunité pour que les industries biomédicales s’engagent pleinement malgré une conjoncture économique de plus en plus difficile. C’est une obligation, voire un impératif humain. Il reste beaucoup à faire, il faut agir et vite.
Samir HAMZA,
Universitaire