Opinions - 20.06.2011

Diplomates, diplomatie et Révolution Tunisienne ! Dérapage ou Calcul Politique ?

Les remous survenus récemment au Département des Affaires Etrangères et signalés par certains médias ont suscité certaines interrogations qui convergent toutes sur « l’irréalité  » de certains faits rapportés.

Convenons de prime abord que la Révolution que vit sous diverses formes notre pays depuis le 14 Janvier a hérité une Diplomatie qui conçue et mise en œuvre pour les besoins du régime du Président déchu, renferme en ses structures les ingrédients d’un pouvoir autoritaire  ne se préoccupant que de l’image dudit  Président, de la protection de ses intérêts et de ceux de sa famille élargie.

A l’instar d’autres structures tunisiennes désorientées voire déstabilisées après le 14 janvier, le Département des Affaires Etrangères ne pouvait – lui aussi – échapper à une certaine perturbation  dans son fonctionnement.

Certes la Révolution avait fait ressortir de nouvelles orientations politiques sur la scène nationale, orientations qui se sont traduites en matière de Relations Extérieures  par des prises de position - limitées en nombre- de Partis Politiques et d’Organisations de la Société Civile relativement à la nature de la  Politique Extérieure future de la Tunisie. De toute évidence, celle-ci sera le reflet de la politique intérieure que la majorité parlementaire ou présidentielle aurait décidée de faire appliquer après les élections qui suivront la Constituante d’octobre prochain en approuvant, - ce que le consensus national semble retenir – entre autres, certains  fondamentaux de l’identité tunisienne dans sa globalité historique, sociale, économique  et culturelle.

En d’autres termes et en retenant le principe de réserve quant à la nature de la Politique Extérieure qui sera arrêtée au terme du processus démocratique en Tunisie et que la Diplomatie Tunisienne sera  appelée à mettre en œuvre en tant que structure professionnelle opérationnelle, il apparaîtrait que les engagements à caractère stratégique ne seront pris que lorsque les Responsables en charge de la détermination de cette Politique auraient été désignés.

A  ce titre, il devra être retenu le principe que la Diplomatie Tunisienne, en tant qu’arsenal professionnel, sera disponible pour tout pouvoir politique démocratiquement  mis en place et de part la flexibilité qui est exigée d’Elle – en raison du principe  de l’alternance politique- cette Diplomatie n’a pas à s’impliquer de près ou de loin à quelconque tendance politique ou syndicaliste.

En effet, il ressort de la nature même de la Mission de la Diplomatie et des  Ressources Humaines dont elle dispose   le caractère permanent des  services fournis, caractère  qui ne peut  tolérer, en aucun cas, une quelconque carence susceptible de menacer la mise en œuvre - en toutes circonstances-  du  principe sacro- saint  de la sauvegarde des intérêts de la Tunisie et de ceux de  ses ressortissants à l’étranger.

Quant à la protection des droits des agents et cadres du Département, il faudra imaginer pour la Nouvelle Diplomatie la création d’une Structure règlementaire, ad – hoc,  représentative de l’ensemble du Personnel dans sa diversité, ayant capacité de recours devant la Juridiction Administrative au cas où  l’on ne parviendrait pas à résoudre - par le dialogue - un problème quelconque pendant entre le Personnel et l’Administration.

Les contestations soulevées à propos de  décisions   liées à certaines affectations   n’auraient pas existé si le corps n’avait pas été politisé ou  infiltré de clientélisme car  seul le respect de la règle du professionnalisme est de nature à éviter de telles situations même si certaines dérogations de nominations  devraient être reconnues au titulaire de celui ou de celle à qui reviendrait la  responsabilité de fixer les orientations de la  politique  extérieure du pays.

C’est seulement de cette façon que l’on pourrait faire respecter le principe de la disponibilité permanente des structures  du Ministère des Affaires Etrangères et de son Personnel en tant que corps professionnel s’adaptant à toute tendance politique qui se dégagerait d’élections démocratiques. Ainsi  sera sauvegardé le fonctionnement de l’une des structures essentielles de l’Etat.

Dans de telles conditions, ce qui a été rapporté par certains médias quant aux remous observés dans l’un des  Départements réputé être  représentatif de la Souveraineté Nationale,  me semble surprenant tant certains intervenants dans la solution de préoccupations légitimes du Personnel sont étrangers à la nature spécifique des exigences de la Diplomatie Tunisienne dans cette étape cruciale  de son histoire marquée désormais par les atouts exceptionnels qu’offriraient  la Révolution de la dignité et de la liberté et le respect de la Règle de droit.

Ni la  grève, ni le sit-in, ni le comportement discourtois, ni l’affairisme  ne sont représentatifs de la Diplomatie Tunisienne, appelée à être en permanence au service de la Nation et dont le militantisme pour les causes internationales justes coïncide avec  son souci constant de la défense des  intérêts de la Patrie dans leur dimension globale.

Soyons vigilants, l’histoire récente nous apprend que la déconfiture de toute structure diplomatique est non réparable à long terme ! 
 
Salem FOURATI
Ambassadeur de Tunisie à la Retraite