Commémoration de la mort du militant Ahmed Tlili : une dimension particulière après la révolution
La commémoration, samedi 25 juin du décès du leader syndicaliste Ahmed Tlili a pris cette année, après la révolution, sa dimension bien méritée. Les syndicalistes de l’Ugtt ont été nombreux à se presser tôt le matin au carré des militants historiques situé sur les hauteurs du cimetière du Jellaz à Tunis, pour accueillir leurs hôtes. Au premier rang, on relevait en effet la présence, aux côtés du secrtaire général de la centrale syndicale, M. Abdessalem Jerad, M.Béji Caid Essebsi, premier ministre qui a tenu à s’acquitter de ce devoir en raison de forts liens amicaux d’antan avec le défunt.MM. Mohamed Ennaceur, ministre des affaires sociales et Rafaa Ben Achour, Ministre délégué auprès du premier ministre ainsi que MM. Noureddine Hached, Khaled Ben Kaddour et d’autres responsables.
La famille du défunt y était représentée notamment par les enfants Tlili dont particulièrement MM. Abderrahman, Ridha et Rachid. M.Béji Caid Essebsi a tenu à s’acquitter de ce devoir en raison de forts liens amicaux d’antan avec le défunt. Dans le recueillement, l’assistance a récité la Fahita à la mémoire du défunt sur la tombe duquel deux grandes gerbes de fleurs ont été déposées.
Au Camarade Béhi Ladgham
Il y adeux ans, le 19 août 2009, Leaders publiait en grande exclusivité et pour la première fois, la lettre historique qu'Ahmed Tlili avait adressée le 27 juillet 1965 de son exil volontaire à Bahi Ladgham, secrétaire général du PSD et N° 2 du régime. Ahmed Tlili y dénonce les dérives du pouvoir solitaire et réitère son attachement au dialogue et à la démocratie comme il l’avait fait dans une précédente lettre à Bourguiba. Il ne sera pas entendu. Elle garde encore toute son actualité. On y lit notamment:
"Il faut redonner la parole au peuple, ne serait-ce que par application de la méthode dite « attrayante » utilisée en pédagogie et qui consiste à engager les élèves à la discussion pour permettre à leurs maîtres de se rendre compte du degré d’assimilation des cours auxquels ils ont participé. Ne prétend-on pas à longueur de journée que notre politique est une politique de persuasion ? Alors, pourquoi ne pas engager le dialogue ? Que le peuple puisse s’exprimer librement, il n’en résultera que du bien pour le pays. Pour ce faire, il faut créer les conditions nécessaires, c’est-à-dire les garanties constitutionnelles et le respect des libertés…
L’essentiel est qu’on s’engage résolument dans la voie de la moralisation et de la démocratisation du régime, en tenant compte objectivement des réalités sur la base de sondages sincères, et ceci afin de ramener la confiance et d’assurer la véritable stabilité. Je considère, pour ma part, que notre élite est suffisamment dense, que nos cadres sont assez nombreux et que notre peuple est suffisamment mûr pour cette nouvelle étape qui lui permettra de s’exercer réellement à la gestion de ses propres affaires. Dans ce cas, je souscrirai volontiers et sincèrement à la nouvelle politique.
Sinon, je ne cesserai de militer jusqu'à la réalisation de cet objectif, car je crois fermement que le chemin du développement et de la garantie d'un avenir meilleur passe inéluctablement par la démocratie."
Ahmed Tlili, né Ksar Gafsa en 1926, est l’un des fondateurs historiques de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) dont il a été élu membre au congrès constitutif de janvier 1946. Emprisonné à plusieurs reprises par les autorités du protectorat, il organise, en 1952, la lutte armée pour l'indépendance dans la région de Gafsa. Il soutient aussi le Front de libération nationale d’Algérie et d'autres mouvements de libération en Afrique[1]. Accusé d’organiser à l'Opération de Satah dans les environs de Gafsa, il fut arrêté le 13 février 1952 et ne sera libéré qu’en juillet 1954.
Après l'indépendance, il devient trésorier et membre du bureau politique du Néo-Destour de 1954 à 1963 et secrétaire général de l'UGTT de 1957 à 1963[1]. Tlili réussit à accéder aux instances de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en jouant un rôle déterminant dans la création de l'Organisation régionale africaine d (ORAF). Il est également à l'origine de la création de plusieurs sociétés coopératives qui permettent à l'UGTT de disposer de moyens financiers propres pour consolider son autonomie et renforcer son rôle dans la société tunisienne.
Tlili se distingue également par ses prises de position courageuses en faveur de la démocratisation et du respect des droits de l'homme : en juillet 1965, il quitte discrètement la Tunisie pour l'Europe où il fait des déclarations hostiles au régime du président Habib Bourguiba. Le 18 novembre 1966, l'Assemblée nationale approuve le retrait de son mandat de député alors qu'il est contraint à l'exil en Europe[1]. Rentré à Tunis le 25 mars 1967, son état de santé se dégrade rapidement et il décède à Paris le 25 juin. Il est ensuite rapatrié et inhumé au carré des militants historiques de Tunisie du cimetière du Jellaz à Tunis. (D'après Ech-chaab)