Rached Ghannouchi : pourquoi Ennahdha se retire de l'Instance Ben Achour
« Usurpation de statut législatif qui n’est pas le sien, dévoiement de sa mission principale qui est la réussite de l’élection de la Constituante, tutelle sur la vie politique et ton hautain à l’égard du mouvement Ennahdha »: les reproches que fait Rached Ghannouchi à Yadh Ben Achour et sa Haute instance ne manquent pas. Expliquant les raisons qui ont conduit Ennahdha à se retirer « définitivement » cette fois-ci de la Haute Instance, il a exprimé sa « crainte de voir le rendez-vous du 23 octobre 2011 ne pas se tenir à la date fixée » et refusé de « cautionner » l’action et la décision de la Haute Instance.
« Nous avons accepté de revenir sur notre premier retrait, lorsque nous avons vu la date initiale du 24 juillet reportée, afin de favoriser le consensus, a-t-il souligné, mais nous avons été surpris de voir la Haute Instance, au lieu de se concentrer sur les préparatifs nécessaires à la tenue des élections, tels que l’établissement de la liste des interdits de candidature, s’octroyer un rôle législatif. C’est ainsi qu’elle entend édicter de nouvelles lois relatives aux associations et partis, le code de la presse et autres. Que laisse t-elle à la nouvelle assemblée qui sera élue ? Veut-elle prendre d’ores et déjà sa place, verrouiller certaines positions ? N’est-ce pas là une tutelle sur les élus de la Nation ? ».
En présence des représentants d’Ennahdha à la Haute Instance (Noureddine Behiri, Samir Dilou, Sahbi Atig et Férida Laabidi), le chef du mouvement a été encore plus loin, devant les média lors de sa conférence de presse tenue lundi matin, au nouveau siège du parti, quartier Montplaisir : « Le président de l’Instance exerce une sorte de tutelle et n’hésite pas à traiter d’un air hautain notre retrait déclarant que cet acte n’aura pas d’impact sur la Haute Instance, dit-il. De quel droit ? D’où tient-il sa légitimité ? D’ailleurs, nous nous posons des questions sur la composition de la Haute Instance et de sa représentativité ».
Me Samir Dilou sera encore plus explicite à ce sujet : « Cette composition n’est pas équilibrée et ne tient pas compte de nombre d’associations, partis et mouvements qui s’étaient illustrés par leur lutte contre la dictature et méritent de faire partie de cette instance. Aussi, nous avons des réserves à l’encontre de certains membres, non pas pour leur position à l’égard de la normalisation (avec l’Etat d’Israël), mais pour d’autres motifs. Si nous avons accepté auparavant de siéger dans cette enceinte, c’était par sacrifice pour consolider les premiers pas vers les élections. Aujourd’hui, notre décision de retrait n’obéit pas à des questions de détails, mais de principe. D’ailleurs, elle n’a rien à voir à la prétendue question du financement des partis. A ce sujet, le mouvement Ennahdha est disposé à être le premier de ceux qui se soumettent au questionnement sur ce sujet, mais au même titre que tous les autres. Ce qui convient, c’est d’activer le rôle de la Cour des Comptes et des instances de contrôle financier ».
Il ajoutera au sujet du Pacte Républicain, qu’Ennahdha n’y voit pas de contrainte majeure tant que le document ne touche pas aux principes fondamentaux, mentionnant précisément l’identité arabo-musulmane. Il a par ailleurs mis en garde contre une polarisation entre croyants et non-croyants, musulmans et laïcs. «Ceux qui ont sentis qu’ils sont les perdants de la révolution, s’efforcent à présent de la dévoyer », met-il en garde.